Paludisme
Et si notre sang qui les attire pouvait nous débarrasser des moustiques ?
Afin de lutter contre le paludisme, des chercheurs explorent actuellement un mécanisme jusqu’ici inexploité : rendre notre sang toxique pour les moustiques grâce à un médicament déjà utilisé en médecine.

- Par Stanislas Deve
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Une méthode inédite pour contrôler la population de moustiques et réduire la transmission du paludisme pourrait bientôt voir le jour. Une étude publiée dans la revue Science Translational Medicine révèle que la nitisinone, un médicament utilisé pour traiter certaines maladies génétiques rares, pourrait devenir une arme redoutable contre les moustiques Anopheles gambiae, principaux vecteurs du paludisme.
Un sang toxique pour les moustiques
Les scientifiques de l’Université de Notre Dame, aux Etats-Unis, ont découvert que lorsque les humains prennent de la nitisinone, leur sang devient mortel pour les moustiques qui s'en nourrissent. "Une manière d’arrêter la propagation des maladies transmises par les insectes est de rendre le sang des humains et des animaux toxique pour ces insectes hématophages", expliquent-ils dans un communiqué. Cette découverte pourrait, selon eux, être "un nouvel outil complémentaire pour lutter contre les maladies vectorielles comme le paludisme". La nitisinone est habituellement prescrite aux patients atteints d'alcaptonurie ou de tyrosinémie de type 1, des maladies génétiques qui affectent le métabolisme de la tyrosine. Ce médicament bloque une enzyme essentielle, la 4-hydroxyphénylpyruvate dioxygénase (HPPD), empêchant ainsi l’accumulation de toxines dans l’organisme. Or, ce même mécanisme s’applique aux moustiques : en ingérant du sang contenant de la nitisinone, l’enzyme HPPD est inhibée, perturbant leur digestion et entraînant leur mort. Actuellement, l’ivermectine est utilisée pour réduire la population de moustiques, mais elle présente des inconvénients : toxicité environnementale et développement de résistances chez les parasites. La nitisinone semble être une alternative plus prometteuse, selon les scientifiques, car "elle reste active dans le sang humain bien plus longtemps que l’ivermectine, ce qui la rend plus efficace et économiquement viable en application de terrain". Les chercheurs ont testé le médicament sur les moustiques Anopheles gambiae, responsables de la transmission du paludisme dans plusieurs pays africains. En analysant le sang de patients sous nitisinone, ils ont montré que le médicament tue non seulement les moustiques jeunes et âgés – ces derniers étant les plus susceptibles de propager le paludisme – mais aussi ceux résistants aux insecticides traditionnels. "Ce qui est particulièrement intéressant, c’est qu’il cible spécifiquement les insectes hématophages, ce qui en fait une option respectueuse de l’environnement." L’équipe envisage désormais des essais en conditions semi-naturelles pour déterminer le dosage optimal de la nitisinone. L’objectif est d’établir une stratégie combinant ce médicament avec d’autres méthodes de lutte contre les moustiques, notamment dans les zones où l’ivermectine est déjà largement utilisée.Un avenir prometteur pour la lutte antivectorielle