Les poubelles grises seulement
Coronavirus : pourquoi il ne faut surtout pas jeter son masque par terre
Depuis le début du déconfinement le 11 mai, les masques en plastique sont jetés au hasard dans la rue, les parcs et les forêts. Outre le danger pour l’environnement, ce manque de civisme fait également courir un gros risque de contamination aux agents de collectes des déchets et aux balayeurs.
Si la crise sanitaire du coronavirus a permis la dépollution de villes du monde entier en raison de l’arrêt du trafic pendant le confinement, la production d’objets jetables en plastique pour se protéger du coronavirus, comme les masques et gants à usage unique, a explosé ces derniers mois. Plus inquiétants encore, en France, depuis le début du déconfinement le 11 mai, ces ustensiles sont jetés au hasard dans la rue, les parcs ou encore les forêts. Outre le danger pour l’environnement, ce manque de civisme fait également courir un gros risque de contamination aux agents de collectes des déchets et aux balayeurs.
En effet, selon une étude parue dans The Lancet début avril, des traces de SARS-CoV-2 pourraient être détectées pendant au moins sept jours sur la surface extérieure d’un masque de protection et jusqu’à quatre jours sur sa surface intérieure. Les agents de collecte de déchets et les balayeurs sont donc les plus exposés. À Paris, “mes collègues ramassent des masques toute la journée”, déplore notamment Régis Vieceli, secrétaire départemental de la CGT à la FTDNEEA, la Filière traitement déchets nettoiement eau égouts assainissement, auprès France Bleu Paris. Les piétons sont également à risque, alerte-t-il. “Imaginez un enfant qui joue avec un masque par terre et met la main à la bouche, il pourrait être contaminé.”
“Nous devrions leur distribuer des balais. Ils ne méritent pas de masques ces gens”, se sont quant à eux indigné les Eboueurs de Paris sur leur compte Twitter jeudi 14 mai, accompagnant leur post de photos de masques jetés par terre ou accrochés sur des poteaux.
Nous devions leurs distribuer des balais, ils ne méritent pas des masques ces gens. pic.twitter.com/Xq8VDshOrC
— Éboueurs de Paris (@eboueursdeparis) May 14, 2020
Jusqu’à 450 ans pour se désagréger dans la nature
Quant à l’environnement, un masque chirurgical met jusqu’à 450 ans à se désagréger dans la nature, tout comme un sac plastique ou un tampon. En effet, les masques sont surtout faits de polypropène non tissé, un composé dérivé du pétrole que l’on retrouve dans les serviettes hygiéniques, dans certains sacs ou dans les couches jetables. Sans compter l’acier des barrettes nasales et les élastiques qui servent à les maintenir.
Qui plus est, jeter un masque dans un caniveau perturbe aussi le traitement des eaux usées, rappelle le Centre d’information sur l’eau, qui alerte au passage contre “les lingettes désinfectantes dans les toilettes”. “Contrairement aux idées reçues, la plupart des lingettes ne se désagrègent pas comme le papier toilette. Elles finissent par boucher les tuyaux des réseaux d’assainissement et entraver le bon fonctionnement des stations d’épuration”, est-il expliqué dans un communiqué. “Les masques négligemment jetés dans les caniveaux provoquent le même type de perturbations. L’accumulation de ces déchets d’un nouveau genre nécessite de nombreuses interventions, évitables, pour déboucher les canalisations obstruées et rétablir la performance optimale des installations de traitement des eaux usées”, est-il précisé. En conclusion, “nos toilettes et nos rues ne sont pas des poubelles, alors, n’y jetons plus ni nos lingettes ni nos masques. La crise sanitaire ne doit pas nous faire oublier de préserver notre système d’assainissement des eaux usées, et donc notre environnement, avec un simple geste civique et solidaire.”
Aussi, pour éviter de contaminer les autres et de polluer, le ministère de l’Ecologie donne une liste de recommandations à suivre quand on se débarrasse de masques, de mouchoirs, de lingettes ou de gants. Tout d’abord, jetez-les dans un sac poubelle dédié et résistant qui dispose d’un système de fermeture fonctionnel. Puis, quand ce sac est rempli, il doit être soigneusement renfermé puis conservé 24 heures avant d’être jeté dans la poubelle pour ordures ménagères “non recyclables”, c’est-à-dire la poubelle grise. Ces règles sont à suivre que vous soyez malade ou pas.
L’Anses et le ministère de la Santé évaluent plusieurs techniques
Afin de pallier la crise environnementale qui s’amorce, dans le milieu hospitalier, un circuit dirige depuis peu ces déchets vers l’incinération et sépare les Déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI) des Déchets assimilables aux ordures ménagères (DAOM). “La gestion des DASRI est une activité spécifique nécessitant des équipements particuliers, des formations particulières, des circuits dédiés, une désinfection des bacs etc.”, explique le ministère de l’Ecologie à Franceinfo.
D’après le média, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) et les services du ministère de la Santé sont en train d’évaluer plusieurs techniques “comme la stérilisation par oxyde d’éthylène, la décontamination au peroxyde d’hydrogène, l’irradiation par des rayons gamma ou bêta etc” . Ces recherches devraient permettre d’ouvrir “la voie à la mise en place de recyclage, au moins pour les gros utilisateurs de masques (établissements de santé, grandes entreprises).”
Un consortium français travaille à recycler les masques jetables
Dans le même temps, plusieurs études sont en cours dans le monde pour essayer de recycler les masques chirurgicaux et FFP2. En France, un consortium d’une vingtaine d’équipes formées par le CNRS et le CEA (Commissariat à l’énergie atomique) nommé French Reuse travaille à essayer de recycler les masques. “nous nous sommes demandé s’il serait possible d’imaginer un protocole permettant de les recycler. Précisément d’en éliminer la charge virale après une première utilisation tout en garantissant le maintien de leur niveau de performance”, explique le professeur Philippe Cinquin dans une interview au Journal du CRNS.
“Plusieurs méthodes de décontamination sont testées par d’autres laboratoires via des rayonnements ionisants, des ultraviolets et nous, physiciens, nous sommes chargés de voir si ces méthodes agressives dégradent ou non le masque”, développe Frédéric Dionnet, directeur général du Centre régional d’innovation et de transfert technologique (Certam), qui participe au consortium, auprès d’Actu-Normandie. “L’idée est de créer une solution locale que le médecin ou l’infirmière pourrait appliquer rapidement via un petit four à UV ou un sachet plastique décontaminant, qui, en quelques minutes, pourrait rendre le masque à nouveau utilisable”, précise-t-il. Si les résultats sont prometteurs, “il faudra faire valider le processus par les différentes instances avant sa mise en place”.
“Les chercheurs tentent actuellement de préciser et de confirmer ces résultats préliminaires. Leur objectif est désormais d’établir rapidement des conditions de traitement qui soient valables pour l’ensemble des masques chirurgicaux et FFP2 et ce, quel que soit leur fabricant”, détaille le site de IMT Atlantique, école d’ingénieurs qui participe également au consortium. A terme, ce procédé de décontamination pourrait aussi intéresser les centres de tri. L’objectif étant d’instaurer une filière de recyclage tout en préservant la santé des agents.