Dermatologie
Les poils préservent la sensibilité de la peau avec l'âge
Les régions poilues du corps d'une personne, en particulier les avant-bras et les joues, restent aussi sensibles au toucher en vieillissant qu'elles l'étaient il y a plusieurs dizaines d'années.
Comme la plupart des primates, l'Homme est sensible au toucher. Lorsque l’on est privé de toucher, on libère davantage de cortisol, à savoir l'hormone du stress, ce qui entraîne une baisse du système immunitaire et une hausse du rythme cardiaque et de la tension artérielle. En revanche, le toucher favorise la production de neurotransmetteurs du bien-être, c’est-à-dire l'ocytocine, la dopamine et la sérotonine.
Tout comme la vision et l'ouïe, on suppose que notre sens du toucher se détériore avec l'âge, "ce qui contribue à la perte de la dextérité manuelle et de la fonction tactile." Cependant, une nouvelle étude, publiée dans la revue Frontiers in Aging Neuroscience, vient de révéler pour la première fois que la détérioration de la sensibilité au toucher ne se produit que sur les zones corporelles où la peau est glabre, mais pas sur les parties du corps poilues.
La sensibilité de l'index au toucher diminuait avec l'âge
Pour parvenir à cette conclusion, des chercheurs de l’université d'Aix-Marseille, du CNRS et du CRPN se sont intéressés à l'évolution du toucher au cours de la vie, à l'aide de différents tests et sur trois parties du corps. Dans le cadre des travaux, l’équipe a recruté 96 femmes gauchères âgées de 20 à 75 ans. Elle a testé la sensibilité de leur peau au niveau de l'extrémité glabre de l'index droit, l'avant-bras droit et la joue droite, qui sont généralement recouverts d'une fine couche de poils. Ensuite, il a été demandé aux participantes de s’asseoir dans une pièce calme, de fermer les yeux et de porter un casque anti-bruit pour éviter les distractions.
Lors de la première expérience, les volontaires devaient déplacer aveuglément le bout de leur index droit sur une série de 11 plaques comportant des rainures espacées différemment, d'une largeur comprise entre 3,6 mm et 6 mm. Elles devaient indiquer si les rainures leur semblaient plus larges ou plus étroites que celles d'une plaque de référence de 4,8 mm de large. Chaque adulte a été testé 132 fois et a reçu un score pour les réponses correctes. Les résultats ont confirmé que la sensibilité de l'index pour l'exploration spatiale par le toucher diminuait avec l'âge.
Les avant-bras et les joues restent sensibles au toucher tout au long de la vie
Dans une seconde expérience similaire, les scientifiques ont appliqué 13 sortes de monofilaments (chacun ayant une force calibrée unique comprise entre 0,08 et 75 millinewton) sur la peau des femmes selon un schéma aléatoire et avec une diminution progressive de la dose. Les participantes devaient indiquer chaque fois qu'elles ressentaient un contact. L'expérience s'est terminée lorsqu'une personne a commis deux erreurs successives, indiquant qu'elle ne pouvait plus détecter le stimulus avec précision. "Il s'agit d'une méthode largement utilisée pour mesurer la sensibilité au toucher.""La détection de la force sur l'index s’est aussi détériorée de manière significative avec l'âge", peut-on lire dans les résultats. En revanche, aucun changement n’a été constaté pour la détection tactile sur l'avant-bras ou la joue. Ces données indiquent que les joues restent exceptionnellement sensibles au toucher tout au long de la vie. "C'est une surprise, car la peau glabre présente généralement une plus grande densité de mécanorécepteurs, qui déterminent notre sensibilité au toucher, que la peau poilue", ont déclaré les auteurs.
"Le poil est notre ami"
Les chercheurs supposent que la préservation de la sensibilité tactile dans l'avant-bras et la joue est directement due à la présence de poils. "Le poil est notre ami. Ils nous protègent des bactéries, nous indiquent la direction du vent et transmettent les stimuli mécaniques, y compris à des forces très faibles. Ce n'est pas pour rien que nous avons des poils dans les zones les plus sensibles", a expliqué Jean-Marc Aimonetti, co-auteur des recherches.