Reportage dans un laboratoire Inserm
Bordeaux : des peaux et des cornées imprimées en 3D
Ils font l’espoir de la cosmétique, de la recherche pharmaceutique et des médecins : les tissus vivants imprimés en 3D sont développés à Bordeaux. Reportage dans un laboratoire unique.
- Les cellules sont déposées sur la "cartouche" (Audrey Vaugrente/Pourquoi Docteur)
De la peau imprimée en 3D à partir de cellules souches. Encore peu développée, la technique passionne depuis quelques années. En France, un laboratoire travaille au développement de cette « bio-impression tissulaire. » pourquoidocteur vous fait visiter ce laboratoire mixte de l’Inserm et de l’université de Bordeaux (Gironde), dirigé par Fabien Guillemot.
Imprimer des peaux et des cornées
La bio-impression de tissus vivants est une technique qui permet, en utilisant des cellules souches, de recréer certains tissus du corps humain. Au sein de l’unité 2016 de l’Inserm, chercheurs et ingénieurs se concentrent sur les peaux et les cornées. Ils y sont parvenus pour la première fois en 2006.
L’impression de tissus vivants s’effectue en cinq étapes. Dans un premier temps, il faut définir ce que l’on souhaite imprimer, concevoir la forme et comment les éléments s’imprimeront et découper les différentes structures en autant de couches. Les cellules souches sont ensuite imprimées sur un tissu de culture composé de cartilage. Une fois imprimées, les cellules seront placé dans un espace de stockage à 37°C, température du corps, où elles mûriront jusqu’à former un tissu cohérent.
Regardez le reportage réalisé par pourquoidocteur :
5 types de cellules différentes
Plusieurs techniques d’impression existent. Fabien Guillemot et son équipe utilisent la bio-impression par laser, qui fait partie des plus précises. Un laser invisible envoie des impulsions qui impriment des gouttes de suspension cellulaire sur un tissu de culture. En 10 minutes, il est possible d’obtenir une peau total d’environ 1 cm2. Grâce à la bio-impression par laser, il est possible d’imprimer des cellules de n’importe quelle taille.
Dans le laboratoire de Bordeaux, 5 types de cartouches sont utilisés, chacun correspondant à un type de cellule différent. Le plus souvent, l’équipe de l’Inserm a recours à trois types de cellules : les fibroblastes - que l’on trouve dans les tendons et cartilages -, des mélanocytes - qui pigmentent la peau et les poils -, ainsi que des kératinocytes - qui constituent 90 % de l’épiderme. Mais les perspectives sont bien plus larges : « Si on assemble toutes les technologies existantes, on peut imprimer à peu près toutes les cellules », estime Fabien Guillemot.
Recréer des vaisseaux sanguins
Deux grands défis restent à relever pour passer à l’étape suivante : une utilisation des tissus imprimés en cosmétique, en pharmacologie ou encore en traitement des brûlures. Le premier consistera à comprendre comment former les tissus les plus complexes à partir de cellules imprimées. Le second sera de vasculariser les tissus obtenus par bio-impression. Depuis deux ou trois ans, les chercheurs de Bordeaux tentent d’imprimer des cellules qui s’assembleront pour former des capillaires, petits vaisseaux sanguins. « Une fois levé, ce verrou permettra de fabriquer des tissus de grands volumes », souligne Fabien Guillemot.
La bio-impression d’organes reste toutefois du domaine de la science-fiction aux yeux du chercheur. Les organes se constituent en effet de nombreuses structures différentes et complexes, et toutes ne sont pas comprises pour le moment. En revanche, il n’est pas à exclure que l’impression 3D de matières inertes (plastiques, polymères…), déjà utilisée en médecine, et la bio-impression collaborent : « On peut imaginer que des parties d’un coeur artificiel soient produites par des techniques d’impression 3D, que ce soit de matière inerte ou de bio-impression. »