Gériatrie

HTA de la personne âgée : faut-il la contrôler ?

Le congrès PAPA, Prescriptions et Parcours Adaptés aux Personnes Âgées, a récemment été l'occasion de refaire le point sur l'intérêt du contrôle tensionnel chez le sujet âgé. Il s'avère qu'il est bien utile de la contrôler mais surtout de bien la « contrôler… ». Une présentation du Pr Jean-Jacques Mourad, expert de l'HTA à l'hôpital Franco-Britannique, qui nous a fait jouer sur les mots.

  • KatarzynaBialasiewicz/istock
  • 23 Jun 2023
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    L'hypertension artérielle (HTA), facteur de risque cardiovasculaire majeur, est fréquente dans la population âgée qui est de loin la plus touchée par ses conséquences : AVC, infarctus du myocarde et perte d'autonomie, voire mortalité, qui en découlent... Se poser la question de l'intérêt du contrôle tensionnel en gériatrie, peut donc sembler « extrêmement disruptif » comme l'a souligné le Pr Mourad, chef de service à l'hôpital franco-britannique à Levallois-Perret et expert HTA, qui y a consacré un topo lors de la dernière édition du congrès PAPA, Prescriptions et Parcours Adaptés aux Personnes Âgées.

    Pour autant, en pratique la question mérite d'être posée et le poids des mots a son importance, car le cœur de la problématique du contrôle tensionnel en gériatrie n'est pas forcément où l'on pense... Explications du Pr Mourad, ancien président du Comité de Lutte contre l'HTA. 

    Contrôler oui sans aucun doute !

    Tout commence avec un constat franc qui répond à la question de l'intérêt ou non de contrôler la tension artérielle chez le sujet âgé : « Il n'y a pas de doute aujourd'hui sur le bénéfice du contrôle tensionnel en population incluant les populations les plus âgées » nous explique en introduction le Pr Mourad. Un grand nombre d'études de qualité a en effet démontré le bénéfice du contrôle tensionnel chez les plus de 75 ans quant à la réduction des événements cardiovasculaires, des poussées d'insuffisance cardiaque ou encore de la mortalité.

    Toutefois, la question du contrôle tensionnel n'est pas pour autant « idiote » poursuit-il, car en pratique, il y a ce qu'il appelle « l'effet miroir » avec des événements induits par les traitements anti-hypertenseurs observés au quotidien et auxquels la population âgée semble particulièrement exposée : ordonnances plus longues, effets indésirables, risque d'insuffisance rénale d'hypotension orthostatique...

    Pour autant, globalement, ils ne doivent pas être un frein au contrôle de la tension artérielle chez le sujet âgé. Plusieurs études montrent en effet « qu'il n'y a pas de lien majeur entre l'incidence des effets secondaires [des traitements antihypertenseurs] et la fragilité » nous explique-t-il et plus intéressant encore « même chez les patients les plus fragiles, les effets secondaires ne sont quantitativement pas si importants numériquement en regard d'un bénéfice potentiel démontré dans les études ».

    On réitère donc une dernière fois la question pour conclure : faut-il contrôler la tension artérielle des seniors ? Indéniablement oui. Mais c'est en jouant sur le sens des mots qu’apparaît la vraie question de pratique...

    Il est essentiel de surtout bien « contrôler » la tension artérielle ...

    Le vrai point pratique qu'a mis en exergue le Pr Mourad dans son topo est en effet la question du « contrôle » de la tension artérielle, non pas dans le sens de la régulation de celle-ci pour atteindre un chiffre cible mais dans celui de la mesure. Et il insiste fortement sur ce point de l’évaluation tensionnelle « souvent bâclée ».

    En effet, la mise en place ou l'adaptation d'un traitement est souvent basée sur des mesures de tension qui sont « soit mal faites soit faites à des moments qui ne sont pas dédiés à vérifier le contrôle tensionnel » regrette-t-il, citant par exemple les cas typiques d'une hospitalisation ou d'une situation médicale aiguë qui perturbent les chiffres. Autant de situations qui peuvent faussement faire grimper les chiffres en raison du contexte médical et de l'effet blouse blanche « archi-connu » chez le sujet âgé, rappelle-t-il.

    Et donc en pratique ? dans ces cas-là (hospitalisation, situation médicale aiguë) en cas de découverte d'un chiffre tensionnel haut, pas de « zèle » à vouloir vite faire baisser la tension chimiquement, mais « je prescris un cycle de mesure et je m'occupe de la cause de la poussée […] avant toute décision thérapeutique, et ça c'est extrêmement important » répond-il, précisant que « s'il n'avait qu'un message à apporter ce serait celui-là »

    Les mêmes objectifs tensionnels que pour les sujets jeunes

    Assurément donc il convient de bien contrôler, dans tous les sens du terme, la tension artérielle des sujets âgés pour limiter leurs risques cardiovasculaires. La Société Européenne d'Hypertension (ESH) recommande depuis 2018 le même objectif tensionnel pour la population âgée robuste que pour les sujets jeunes, à savoir une pression artérielle systolique comprise entre 130 et 139 mmHg et une pression artérielle diastolique entre 70 et 79 mmHg.

    Ces recommandations, rappelle toutefois le Pr Mourad, précisent que « le bénéfice du traitement antihypertenseur n'est pas limité aux personnes âgées en bonne santé, mais qu'il existe encore une difficulté à [les] étendre aux patients institutionnalisés très fragiles et très dépendants ».

    Des études de type PHRC (programme hospitalier de recherche clinique) en cours en France actuellement « seront peut être capables de déterminer si on peut leur étendre ces recommandations » conclut le spécialiste HTA. 

     

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