Epigénétique

Comment les effets de traumatismes se transmettent en héritage

Les événements vécus par les parents ou grands-parents peuvent laisser des traces dans leur ADN. Ces modifications épigénétiques sont transmissibles aux générations suivantes.

  • iStock/lyongyuth
  • 01 Avr 2025
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    Stress, cauchemars, troubles mentaux mais aussi maladies cardiovasculaires : et si ces maux pouvaient être liés à des modifications génétiques dont l’origine est à chercher dans l’histoire de nos ascendants ? C’est ce que démontrent plusieurs études -dont celle publiée dans NatureNeuroscience- qui concluent que les traumatismes psychologiques vécus par les parents, grands-parents et sans doute au-delà peuvent entraîner des modifications de l’ADN qui se transmettent de génération en génération. Une sorte d’héritage biologique du traumatisme originel.

    Une reproduction des symptômes du stress post-traumatique

    L’illustration la plus connue de ce phénomène a été observée chez les membres de familles juives descendants de survivants de la Shoah qui manifestaient une hypersensibilité au danger et reproduisaient les symptômes du stress post-traumatique vécu par leurs ascendants. Mais d’autres événements traumatisants ont aussi laissés des traces sur les générations qui ne les ont pourtant pas vécus.

    Rachel Jehuda, professeur de psychiatrie et de neurosciences à New-York, revient ainsi dans la revue Cerveau et Psycho sur l’origine de son intérêt pour ces changements épigénétiques. Elle a participé à la prise en charge en septembre 2001 de 187 femmes enceintes hospitalisées en état de choc à la suite de l’attentat contre le World Trade Center. "Nous les avons suivies tout au long de leur grossesse et au-delà et lorsque leurs bébés sont nés, ils étaient plus petits que la moyenne ce qui indique que l’attaque avait laissé des traces jusque dans l’utérus de ces femmes. Mais en examinant 38 de ces jeunes mères et leurs bébés plusieurs mois plus tard, il est apparu que nombre de ces femmes avaient développé un syndrome de stress post-traumatique (SSPT) et qu’elles présentaient un niveau anormalement bas de cortisol, une hormone liée su stress. Mais, plus étonnant, leurs bébés présentaient eux aussi un faible taux de cortisol".

    Une baisse paradoxale du taux de cortisol

    Une caractéristique étonnante dans la mesure où le stress provoque généralement une augmentation de cette hormone. Et Rachel Jehuda de faire alors le lien avec de précédents travaux menés sur des descendants de survivants de l’holocauste montrant qu’eux aussi, et à l’instar de leurs parents, présentaient un faible taux de cortisol.

    Des modifications épigénétiques dans le cerveau et les cellules de la reproduction

    Comment expliquer que des événements douloureux entrainent, paradoxalement, une baisse durable du niveau de cortisol ? La réponse est venue en 2015 lorsque l’équipe de la spécialiste en neurosciences a mis en évidence des modifications épigénétiques sur les gènes liés au stress chez des personnes souffrant de SSPT. Celles-ci possédaient un grand nombre de récepteurs aux glucocorticoïdes, "les protéines auxquelles le cortisol se lie pour exercer ses divers influences". Et chez les patients SSPT, il a été observé un phénomène d’ajout ou un retrait des groupes méthyles, des marqueurs qui activent ou désactivent l’expression des gènes contenus dans l’ADN entraînant une réduction de la méthylation du gène qui code le récepteur aux glucocorticoïdes.

    Des études ultérieures menées sur des modèles animaux ont montré que la peur pouvait provoquer de telles modifications épigénétiques dans le cerveau et dans les cellules de la reproduction. Des changements qui impactent la transcription de l’ADN et qui sont durables dans la mesure où ils survivent à la division cellulaire.

    Les événements traumatisants sont ainsi capables de modifier l’expression de certains gènes impliqués dans la régulation du stress, dans un premier temps pour améliorer la capacité de survie des personnes touchées par ces événements. Mais ce phénomène, en impactant directement leur ADN, est ainsi transmis durablement à leurs descendants.

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