Témoignage patient
Rose Paynel : "Je ne savais pas que j'étais malentendante"
Elle s’appelle Rose, elle a 23 ans et est devenue sourde il y a 4 ans. Voici son histoire.
Tout commence durant l’enfance. Rose est une petite fille espiègle, pleine de vie mais surtout très maligne… à tel point que ses parents n’ont jamais su qu’à sa naissance, déjà, elle était malentendante. Les médecins n’ont fait le diagnostic qu’à ses 8 ans. Pendant huit années, la jeune fille a dû faire preuve d’inventivité pour comprendre les autres. Et par instinct, c’est du langage labial dont elle dépendait.
“De mes 0 à 6 ans, je pense avoir développé une sorte d’intelligence, par exemple je regardais vraiment l’expression des gens et je savais pertinemment ce qu’ils allaient me dire par rapport au contexte. Je savais s’il fallait que je réponde juste oui ou non et la plupart du temps ça passait. Et si ça passait pas… je répondais quelque chose même si cela n’avait aucun rapport et je fuyais jouer. Jusqu’à mes 6 ans, cette technique a marché. Je ne saurais pas comment expliquer le fait que personne ne s’en est aperçu”, confie-t-elle.
Jusqu’à ce que sa maîtresse d’école convoque ses parents. Elle jugeait la petite écolière “insolente”, ayant peut-être un “trouble de l’attention”. Et pour cause… Elle n’écoutait rien, ne se rangeait pas lorsque la sonnerie retentissait et n’en faisait qu’à sa tête : “Je ne comprenais pas que j’étais malentendante. J’étais juste dans ma bulle, j’étais très timide mais je ne savais pas que c’était ça. Je voyais que je galérais mais je m'adaptais toujours. Je ne me suis jamais dit que ce n’était pas normal.”
Je sentais que la vie était très calme, c’était un peu pesant. Ma vie ressemblait à un dimanche sombre... Mais je n’aurais jamais su expliquer que c’était lié à la surdité.
C’est lors d’un passage chez un ORL, que le verdict tombe : Rose ne réagit pas lorsqu’il se met à lui parler sans qu’elle ne puisse lire sur ses lèvres. S'ensuit un audiogramme qui confirme sa malentendance.
À partir de ce constat, elle enchaîne les petits appareils auditifs et son audition se stabilise durant une dizaine d'années.
C’est en 2ème année de faculté, l’année de ses 19 ans, que sans comprendre pourquoi, Rose a perdu toute son audition. Sans aucun élément déclencheur, de grosses migraines surgissaient, une fatigue intense et une baisse d’audition fulgurante : “C’est arrivé en une ou deux semaines. À l’époque j’étais hôtesse de vente et je n’entendais plus les clientes.”
Elle devient sourde.
Son ORL lui fait passer de nombreux tests auditifs. “C’est à ce moment là qu’elle m’a annoncé, qu’il n’y avait plus rien… Puis elle m’a proposé l’option de l’implant cochléaire. Au début je ne voulais pas me faire implanter quelque chose mais en 2019 j’ai sauté le pas.”
“J’ai pu me renseigner auprès d’associations et c’est là où j’ai rencontré une fille qui était implantée. Sur les réseaux sociaux à l’époque il n’y avait rien au sujet de l’implant cochléaire, ni même sur YouTube. Et grâce à cette fille, j’ai pu voir un implant en vrai, comprendre ses ressentis et j’ai fini par accepter de me faire implanter. Il y a tout un tas de tests à faire : psychologiques, auditifs et même des tests dans le bruit.”
Sa chirurgie se passe bien et il faudra environ deux semaines de cicatrisation. Le son, lui, n’arrive pas tout de suite. “La première fois que l’on te pose l’implant ce n’est pas du tout une ouïe extraordinaire. Ce sont des bruits très fins, très minimes au fond de ta tête, des sortes de vibrations. Ce n’est qu’au bout de six mois, après un long travail, que j’ai pu avoir une ouïe qui est, certes, artificielle, mais qui ressemble à une véritable ouïe.”
Tout est robotisé au début : “ma mère avait une voix d’homme, il n’y avait pas encore les fréquences aigües et il y a eu tout un travail pour que tout se mette en place”.
Et ce “long travail” se résume à des réglages à faire chaque semaine au départ, puis toutes les deux semaines et ensuite tous les mois, pour permettre aux fréquences de s’affiner et au cerveau de s'adapter. Rose n'a cependant jamais suivi la partie orthophonique pour cause de "mauvais timing" : c’était la période Covid. Mais la mère de la jeune écrivaine est musicienne, et a pu participer à la rééducation auditive de sa fille en lui jouant des sons de guitare à l’aveugle.
“Entendre ce n’est pas comprendre !”
“L’implant m’a permis de retrouver une ouïe qui est quand même assez bonne mais, c’est ce que j’explique dans mon livre, entendre ce n’est pas comprendre. J’entends, mais parfois il m’arrive de ne pas comprendre car j’ai encore besoin de la lecture labiale pour pouvoir comprendre une phrase. Sans lecture labiale, c’est vraiment impossible malgré l’implant. En revanche, en terme de qualité de vie c’est beaucoup mieux : les sons sont plus fins, j’arrive à écouter de la musique grâce au bluetooth, j’arrive à passer des appels.”
Lors de sorties au restaurant ou dans des endroits bruyants il est compliqué pour Rose de pouvoir suivre une discussion : “Je dois me focaliser sur toutes les lèvres et c’est quasi-impossible, c’est un travail énorme qui est assez fatiguant. C’est pour cela que je me place toujours stratégiquement, par exemple à côté de quelqu’un qui pourra répéter lorsque je n’arrive plus à suivre le fil de la conversation…”
“Souvent les gens sur-articulent et rendent le moment hyper gênant”
“Par rapport au comportement des autres, souvent les gens sur-articulent et rendent le moment hyper gênant lorsque j’explique que je lis sur les lèvres. Le seul truc que je demande c’est que la personne me parle en face et ne tourne pas sa tête dans tous les sens parce qu’après la lecture aux lèvres devient impossible. Simplement parler calmement, posément, et juste faire attention à regarder la personne sourde, de sorte à jauger si elle a bien compris. Il faut rester bienveillant je pense.”
Désormais c’est une jeune femme engagée, qui, de part ses expériences personnelles et surtout amicales, se rend compte de l’importance d’un entourage compréhensif : “Si nous sommes mal entourés c’est là que l’on risque de vraiment ressentir le handicap. Je ne pensais pas que l’entourage pouvait jouer un rôle énorme mais par exemple, auparavant, mes amis n’étaient pas forcément très concentrés et c’était à moi de fournir un effort supplémentaire... Je me sentais très souvent à l’écart dans les restaurants par exemple, là où je ne pouvais pas parler avec les autres. Et c’était dans ce genre de moment-là où je me disais “Pourquoi je suis sourde ? Pourquoi moi ?”. Mais dès lors que j’ai eu de vrais amis qui s’intéressaient à moi et à ma condition physique, à mes ressentis, qui m’ont vue au quotidien, qui se sont adaptés à moi et à comment je fonctionne, j’ai vu la différence. C’est très important pour moi.”
C'est la même chose pour ses parents. Bien qu’en tant que parents, ils n’étaient pas heureux de voir leur fille souffrant d’un handicap et de harcèlement scolaire, ils ne l’ont jamais regardée avec pitié : “Mes parents m’ont toujours aidée à pousser mes limites, à crier, à m’affirmer, à faire comme tout le monde. Ils m’ont honnêtement considérée comme une enfant “normale”, ils m’ont donnée la même éducation, ils m’ont mise dans une école non spécialisée, et tout cela m’a aidée à accepter la surdité. Ils m’encourageaient. C’est important qu’un parent, malgré les difficultés, t’encourage et montre qu’il croit en toi. Cela a été très important dans ma construction.”
Elle est aujourd’hui l'auteure d’un livre qui s’intitule “Vivre avec une surdité : le son de la vie” aux éditions Mango et est très présente sur les réseaux sociaux pour, justement, mettre en lumière ce handicap invisible qu’est la surdité.
@pourquoidocteur Decouvrez le témoignage de Rose Paynel (@Rose???? ) autrice de son ouvrage « Vivre avec une surdité - le son de la vie » aux éditions MANGO qui raconte sa perte d’audition, son quotidien, son implant cochléaire et l’importance d’un entourage bienveillant auprès de personnes sourdes ???? #rosepaynel #surdité #sourd #mangoedition #pertedaudition #bienveillance #partage ♬ son original - pourquoidocteur