Rapport de l'Inspection des finances
Bercy veut casser le monopole des pharmaciens
L’Inspection générale des finances souhaite que la vente des médicaments sans ordonnance soit autorisée en grande surface, afin de diminuer les prix. Une baisse qui pourrait aller jusqu’à 20%.
Attaqué de toute part, le monopole pharmaceutique pourrait vivre ses derniers instants. Après l’Autorité de la concurrence l’an dernier, c’est au tour de l’Inspection générale des finances (IGF) de mener la fronde. Dans un rapport rendu public par Les Echos, 37 professions règlementées ont été passées au crible, dont les pharmaciens, les dentistes, ou encore les professions juridiques. Le rapport montre que ces professions bénéficient de rentes particulières. Leur bénéfice net avant impôt représente en moyenne 19% de leur chiffre d’affaires, soit 2,4 fois la rentabilité constatée dans le reste de l’économie. Et plus le nombre de règlementations encadrant une activité est élevé, plus la rentabilité progresse. Le chiffre d’affaires cumulé de ces professions représentait 235 milliards d’euros en 2010, et 42 milliards d’euros de bénéfice.
Une baisse des prix de 10 à 20%
En ce qui concerne les pharmaciens, l’IGF propose d’autoriser la vente des médicaments sans ordonnance en grande surface. La France est en effet l’un des derniers pays européens à conserver un monopole pharmaceutique. Et selon le rapport de l’Inspection générale des finances, cela pourrait entraîner une baisse des prix de 10 à 20%. Un argument que réfute l’Ordre des pharmaciens. « Les prix des médicaments à prescription facultative ne sont pas plus élevés en France que dans d’autres pays européens, c’est même parfois l’inverse », affirme-t-il. Selon une étude menée à la demande de l’Ordre, des produits de sevrage tabagique comme Nicorette, ou encore des médicaments contre les troubles digestifs, comme Imodium ou Dulcolax, seraient moins chers en France. Et le prix des préservatifs serait moins élevé en officine qu’en grande surface.
La riposte des pharmaciens
Les pharmaciens se défendent bec et ongles pour sauver leur monopole. Il faut dire que leurs revenus ne tiennent pas tant à la vente des médicaments sur ordonnance, dont le prix ne cesse de baisser, mais surtout aux produits non soumis à une prescription médicale obligatoire. Pour compenser une baisse de revenus annoncée, l’Autorité de la concurrence préconisait de soutenir les nouvelles missions rémunérées du pharmacien. En effet, pour certaines pathologies chroniques, comme l’asthme ou le suivi des patients sous anticoagulants oraux, le pharmacien est rémunéré au forfait pour ses conseils et sa prise en charge. Mais à 40 euros le forfait pour deux entretiens annuels, ce n’est pas cela qui compensera leurs pertes.
Autre proposition avancée par l’IGF, la suppression du numerus clausus pour les pharmaciens, mais également pour d’autres professions comme les chirurgiens-dentistes, les infirmiers, ou encore les masseurs-kinésithérapeutes. Selon le rapport, beaucoup d’entre eux sont formés à l’étranger. Ce serait le cas de 45% des dentistes.
Toutes ces mesures trouveront sûrement un large écho auprès de Bercy. Arnaud Montebourg a en effet annoncé la semaine dernière qu’il souhaitait réformer certaines professions, afin de redonner 6 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux ménages. Et le soutien jusqu’ici indéfectible de Marisol Touraine aux pharmaciens risque de ne pas faire le poids.