Pneumologie

Un modèle tubulaire des bronches distales pour les tests thérapeutiques

Modéliser les voies aériennes distales serait un outil futur pour la médecine personnalisée. Mais, cela n’est pas chose facile. Toutefois, des travaux récents ont permis une belle avancée en reproduisant des bronches distales humaines, susceptibles d’être pathologiques et utilisables presque à l’infini pour des tests thérapeutiques. D’après un entretien avec Isabelle DUPIN.

  • 31 Oct 2024
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    Une étude française, dont les résultats sont parus en septembre 2024, dans l’European Respiratory Journal, a cherché à développer un modèle de bronches distales humaines, appelé « bronchoïde ». Pour ce faire, les auteurs de ce travail ont introduit des cellules souches dans un moule tubulaire d’alginate, afin de lui donner la géométrie d’une bronchiole, tout en ayant la possibilité de le rendre pathologique pour y tester des thérapeutiques. Les auteurs sont partis du constat que, jusque-là, aucun système de culture ne permettait de reproduire totalement l’architecture et la fonctionnalité des voies aériennes distales, et qu’il était nécessaire de créer ce modèle reproductible, avec un accès à l’intérieur, afin d’introduire une interface air-liquide et des potentiels traitements.

     

    Construction d’un modèle tubulaire sain

    Le professeur Isabelle DUPIN, du Centre de recherche cardio-thoracique de Bordeaux et professeur de physiologie au Centre Hospitalier Universitaire, auteure de ce travail, explique que la présentation de la BPCO, liée au tabac est hétérogène et qu’elle démarre au niveau des bronches distales. L’une des principales limites à la recherche sur la BPCO est qu’il n’existe pas de vrai modèle de bronche distale. Le modèle murin est utilisé en pré-clinique mais les bronches distales des rongeurs, dont les divisions sont au nombre de six, sont bien différentes des bronches distales humaines, dont les divisions sont au nombre de vingt-trois.  Les tests effectués chez les souris peuvent être prometteurs mais sont rarement confirmés chez l’homme, ce qui confère à ces tests un mauvais pouvoir de prédiction. Isabelle DUPIN précise que, depuis 5 ans, les modèles organoïdes se développent avec l’inclusion au sein de matrices de cellules progénitrices, qui ont des propriétés de renouvellement et de différenciation. Toutefois, elle souligne que ces modèles se présentent sous forme de sphères, ce qui ne ressemble pas à la bronche humaine et qui ne permet pas d’accéder à l’intérieur de la sphère. Il était donc nécessaire de construire un modèle tubulaire à partir de cellules humaines. Pour cela, des biophysiciens ont créé un moule tubulaire en alginate, dans lequel des cellules bronchiques ont été injectées et mise en culture. Au bout de trois semaines, des cellules différenciées, ciliées et productrices de mucus sont apparues, avec des cils qui battaient à la même fréquence que chez l’humain. Un modèle sain a donc été créé.

     

    Obtenir un modèle pathologique pour tester des thérapeutiques

    Isabelle DUPIN explique que l’un des objectifs de ce travail est d’obtenir un modèle pathologique. Pour cela, les auteurs de ce travail ont modélisé une infection respiratoire par rhinovirus. Le modèle bronchique a été infecté dans le tube et deux jours après, des cellules infectées ont été observées, associées à la production de cytokines.  Par ailleurs, les auteurs ont également cherché à développer u modèle de BPCO, en utilisant des cellules progénitrices issues de patients atteints de BPCO. La composition des bronchioïdes obtenus est différente de celle des bronchioïdes fabriqués à partir de cellules saines, puisqu’il y a plus de cellules qui produisent du mucus et moins de cellules ciliées, ce qui est représentatif de la maladie. Une fréquence de battements de cils altérée est également observée. Isabelle DUPIN ajoute que les perspectives sont, d’une part, de complexifier le modèle, en y introduisant d’autres populations de cellules que les cellules épithéliales et, d’autre part, d’y introduire des cellules immunitaires,  ce qui constitue un vrai challenge, tant la complexité de la méthodologie est grande. A plus long terme, l’idée est d’exploiter ce modèle pour tester de nouvelles thérapeutiques car on peut produire en une seule fois plusieurs mètres de tube, qui pourrait être segmenté en plusieurs sections pour tester différents médicaments en parallèle.

     

    En conclusion, c’est tout un champ des possibles qui s’ouvre avec ce modèle de voies aériennes distales :  les retombées incluent une meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques et la découverte de nouveaux traitements pour les maladies de voies respiratoires, telles que la BPCO mais aussi l’asthme et la mucoviscidose.

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