Rhumatologie
Conflit fémoro-acétabulaire : pas de lien net entre morphologie CAM et douleur de hanche
Cette étude de suivi sur 10 ans de plus de 1000 hanches avec morphologie CAM montre que la morphologie CAM n'est pas systématiquement associée à une douleur de hanche, en particulier chez les femmes.
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La morphologie CAM, une anomalie de la hanche caractérisée par une formation osseuse supplémentaire au niveau de la jonction tête-col du fémur, est souvent associée au syndrome de conflit fémoro-acétabulaire. Toutefois, la relation entre une morphologie CAM de la hanche et une douleur de hanche reste floue : toutes les personnes qui ont cette anomalie ne développent pas de douleurs.
Cette étude longitudinale a suivi 1 002 participants âgés de 45 à 65 ans sur 10 ans pour explorer le lien éventuel entre une morphologie CAM et la survenue ultérieure d’une douleur de hanche. Les résultats montrent qu'il n'existe pas de lien clair entre la morphologie CAM et la douleur de hanche chez les femmes. En revanche, chez les hommes, une association faible mais significative a été observée à partir de la cinquième année de suivi. L’étude est publiée dans Seminars in Arthritis and Rheumatism.
Faible lien entre morphologie CAM et douleur à 10 ans
L'étude, menée dans le cadre du projet de cohorte national Hip and Knee (CHECK), a inclus 1 658 hanches, dont 79,2 % provenaient de femmes. La morphologie CAM était présente chez 11,1 % des participants, avec une prévalence plus élevée chez les hommes (29,1 %) que chez les femmes (6,4 %).
L'évolution de la douleur de hanche a été suivie sur 10 visites annuelles, avec des résultats fluctuants. Chez les femmes, aucune corrélation n'a été trouvée entre la morphologie cam et la douleur, indépendamment du suivi. Chez les hommes, une relation significative a été mise en évidence à 5 ans, avec un odds ratio ajusté de 1,77 (IC 95 % : 1,01-3,09) pour la présence de la morphologie cam et de 1,02 (IC 95 % : 1,00-1,04) pour l'angle alpha, indiquant une faible association.
En ce qui concerne la sévérité de la douleur, aucune association significative n'a été observée entre l'angle alpha et l'intensité de la douleur dans les trois groupes (hommes, femmes et combiné). Ces résultats contrastent avec certaines études antérieures qui montraient une association plus forte entre la morphologie CAM et la douleur de hanche, notamment chez les sportifs avec des angles alpha élevés. Néanmoins, la nature fluctuante de la douleur, qui a affecté 37 % des participants au cours du suivi, et la différence de définition du seuil de l’angle alpha, pourraient expliquer ces différences.
Une étude de suivi prolongée
L'étude CHECK présente des forces méthodologiques importantes, notamment l'évaluation annuelle sur 10 ans, ce qui permet d'observer les fluctuations de la douleur et d'obtenir des données plus robustes sur l'association entre morphologie CAM et douleur de hanche. Le recours aux radiographies en vue anteropostérieure (AP) pour évaluer l'angle alpha offre une certaine standardisation, mais la morphologie cam étant une anomalie tridimensionnelle, cette approche pourrait sous-estimer sa prévalence. Il est également important de noter que l'échantillon inclus des personnes âgées de 45 à 65 ans, initialement symptomatiques, ce qui peut limiter la généralisation des résultats aux populations plus jeunes ou asymptomatiques.
La morphologie CAM est déterminée principalement en utilisant l'angle alpha mesuré sur des radiographies anteropostérieures (AP) du bassin. Cette méthode consiste à tracer deux lignes : l'une allant du centre de la tête fémorale à travers le milieu du col du fémur, et l'autre passant du centre de la tête fémorale jusqu'au point où la jonction tête-col du fémur dépasse le cercle qui représente le mieux la tête fémorale. L'angle formé entre ces deux lignes est appelé angle alpha.
Dans cette étude spécifique, un angle alpha supérieur ou égal à 60° est utilisé comme seuil pour définir la présence de la morphologie CAM. Ce seuil a été choisi car il a été validé dans des études antérieures comme étant le meilleur indicateur pour distinguer les hanches présentant une morphologie cam de celles qui n'en présentent pas. Ce choix méthodologique est conforme aux recommandations récentes et repose sur des études montrant que cet angle reflète de manière optimale la présence d'une surcroissance osseuse dans la région antérolatérale du col fémoral, caractéristique de la morphologie CAM.
Comparé à d'autres études, cette approche présente certaines différences. Par exemple, dans d'autres études, des angles alpha plus bas (comme 50,5° ou 55,5°) ont été utilisés, ce qui peut conduire à une estimation plus élevée de la prévalence de la morphologie cam. De plus, certaines études utilisent des vues radiographiques supplémentaires comme la vue de Dunn (45°) pour mieux visualiser la morphologie CAM, alors que cette étude se base uniquement sur la vue antéro-postérieure, ce qui peut sous-estimer la prévalence ou la gravité de la morphologie cam, puisqu'elle ne capte pas tous les aspects tridimensionnels de la déformation.
Les études futures devraient explorer l'impact de facteurs tels que la localisation exacte de la morphologie cam et son interaction avec d'autres facteurs biomécaniques et structurels de la hanche, notamment en s'appuyant sur des imageries tridimensionnelles comme l'IRM. De plus, une attention particulière devrait être portée aux différences entre sexes, puisque la tolérance et la sensibilité à la douleur varient significativement entre les hommes et les femmes, ce qui pourrait influencer les résultats.
Take-Home Message
Cette étude démontre que la morphologie CAM n'est pas systématiquement associée à la douleur de hanche, en particulier chez les femmes. Chez les hommes, une association faible a été observée après 5 ans, suggérant une possible influence du sexe sur la relation entre morphologie cam et douleur.
Ces résultats soulignent la nécessité de multiples suivis pour comprendre les mécanismes complexes sous-jacents à la douleur de hanche et la morphologie CAM, avec des perspectives de recherche axées sur des évaluations plus nuancées selon le sexe et le contexte clinique.