Rhumatologie
Goutte : rôle incertain de la colchicine lors de l’instauration d’un hypouricémiant
La colchicine est couramment utilisée pour prévenir les crises de goutte lors de l'initiation d'un traitement hypouricémiant, mais des données récentes suggèrent que son efficacité pourrait être limitée.
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En sus de son rôle dans le soulagement de la douleur aiguë des crises de goutte spontanées, la colchicine est fréquemment utilisée pour minimiser le risque de crises de goutte lors de l'initiation d'un traitement hypouricémiant, traitement qui mobilise le pool uratique dans les tissus à l’origine de crises de gouttes articulaires. La prévention de ces crises de goutte lors de l'initiation du traitement est donc essentielle pour assurer un bon suivi du traitement hypouricémiant.
Selon diverses études, jusqu'à 30% des patients pourraient souffrir de crises de goutte lors de l’instauration de tels traitements et les recommandations sont en faveur d’un traitement préventif par colchicine pendant les 3 à 6 premiers mois d’un traitement hypouricémiant. Cependant, une étude en double aveugle, publiée dans Annals of the Rheumatic Disease, a examiné l'efficacité réelle de la colchicine préventive par rapport au placebo dans ce contexte et elle ne révèle pas un bénéfice patent.
Le placebo pas vraiment inférieur à la colchicine
L'étude a randomisé 200 participants avant eu au moins une crise de goutte dans les 6 mois précédents pour recevoir, soit de la colchicine (0,5 mg par jour), soit un placebo, pendant les 6 premiers mois de traitement d’un hypouricémiant (allopurinol), débuté à dose faible et augmenté tous les mois (stratégie « start-low go-slow »).
Le nombre moyen de crises de goutte par mois dans les 6 premiers mois est de 0,61 dans le groupe placebo, contre 0,35 dans le groupe colchicine, avec une différence moyenne de 0,25 (0.07 to 0.44 ; p=0.92). Ce résultat indique que le placebo n'est pas « statistiquement non-inférieur » à la colchicine pour la prévention des crises de goutte durant les 6 premiers mois de traitement à l'allopurinol.
Une prévention entre 3 et 6 mois
La durée optimale d'administration de la colchicine pour la prévention des crises reste un sujet de débat, généralement fixée entre 3 et 6 mois. Une réduction de près de 80% du nombre de crises de goutte a été observée dans des études de prophylaxie par la colchicine dans ces cas de figure.
Dans cette étude, le placebo n'est pas inférieur à la colchicine dans la prévention des crises de goutte au cours des 6 premiers mois suivant l'instauration d'allopurinol selon la stratégie « start-low go-slow ». Après l'arrêt de la colchicine en prévention au bout de 6 mois, les crises de goutte augmentent dans le groupe correspondant et il n’y a pas différence entre les groupes sur une période de 12 mois dans le nombre moyen de poussées de goutte/mois (p=0,68).
Il est à noter que 11 événements indésirables graves ont été rapportés chez 7 patients du groupe colchicine, contre 3 événements chez 2 participants du groupe placebo dans l'étude mentionnée.
Une stratégie à individualiser
En raison des risques de la colchicine qui ne sont pas nuls pour certains malades, ce traitement préventif et sa durée peuvent être discutés au cas par cas et une surveillance médicale est nécessaire pour équilibrer les avantages et les inconvénients du traitement.
Lors d’une crise de goutte, la colchicine affiche un taux d'efficacité d'environ 75 à 80% pour le soulagement rapide des symptômes de la goutte à condition d’être débutée dans les 6 heures suivant le début de la crise. Une stratégie qui peut être appliquée également lors de l’instauration d’un hypouricémiant.
Enfin, l'approche du traitement de la goutte est globale et ne repose pas uniquement sur les médicaments. Les modifications du style de vie, comme la réduction de la consommation d'aliments riches en purines et la limitation de la consommation d'alcool, sont également importantes pour la gestion à long terme de la goutte.
En résumé, la colchicine joue un rôle important dans le contrôle des symptômes douloureux de la crise de goutte articulaire, et en théorie lors de l'instauration d'un traitement hypouricémiant, mais les différences s’estompent à long terme après l'arrêt du médicament.