Bébés prématurés
Lait maternel : la France manque de donneuses
Malgré 78 000 litres recueillis en 2014, la France manque de lait maternel à offrir aux prématurés. La situation est critique au CHU de Montpellier qui lance un appel aux dons.
Le lait maternel manque dans les hôpitaux du Grand Sud. Les dons permettent d’alimenter les prématurés et d’améliorer leur pronostic vital. Mais lorsque les stocks baissent, les équipes de néonatologie se voient forcées de réserver le peu de lait disponible aux enfants les plus petits. Le CHU de Montpellier (Hérault) a donc décidé de lancer un appel aux dons par voie de communiqué. Car la situation presse : « On est obligé de limiter les dons aux grands prématurés, nés en dessous de 32 semaines », précise le lactarium de la structure, contacté par Pourquoidocteur.
Montpellier est un gros établissement. Le lait qu’il récolte alimente les services de néonatologie du Languedoc-Roussillon et de la Provence-Alpes-Côtes-d’Azur. Après pasteurisation et contrôle biologique, les dons sont envoyés jusqu’à Marseille (Bouches-du-Rhône).
Plus de lactariums dans l’Ouest
Mais « le lactarium manque régulièrement de lait, et particulièrement en cette période », alerte le CHU dans son communiqué. Il récolte environ 6 000 litres de lait chaque année. Pour combler les besoins, 1 000 de plus seraient nécessaires. Contacté par Pourquoidocteur, le lactarium souligne sa position problématique : au Sud-est du pays, les structures de ce type sont trop rares. La région est « sinistrée ».
Jean-Charles Picaud, chef du service de néonatologie à l’hôpital de la Croix-Rousse (Lyon), ne se montre pas aussi alarmiste. « Historiquement, l’Ouest a beaucoup de lactariums, mais ils traitent moins de lait maternel par unité, pondère-t-il. Rien qu’à Lyon, on collecte 10 000 litres de lait par an. A Nantes, on en recueille environ 3 800. »
Ce décalage s’explique par le fait que Lyon et Montpellier ont choisi d’adopter de grosses structures qui externalisent le don et vont chercher les donneuses plus loin. L’Ouest, en revanche, a fait le choix de plus petits services. « Un lactarium prend beaucoup de temps et demande beaucoup de personnel, admet le Pr Picaud. La taille n’est pas comparable avec les établissements de don du sang. »
Source : Association des lactariums de France
78 000 litres en 2014
Jean-Charles Picaud, président de l’Association des lactariums de France (ADLF) souligne que la France est le pays qui compte le plus de structures en Europe. De fait, avec ses 36 établissements, elle en compte trois fois plus que la Norvège. Une bonne implantation qui a permis de collecter 78 000 litres de lait en 2014. Mais c’est encore insuffisant.
« Actuellement, on subvient à la moitié des besoins des prématurés. Idéalement, il faudrait que tous les prématurés puissent recevoir du lait de mère jusqu’à 2 kilogrammes, explique le Pr Picaud. Comme nous n’avons pas suffisamment de lait, on le réserve aux enfants les plus fragiles, qui pèsent moins de 1,5 kilogrammes. »
Le lait maternel est pourtant vital pour ces nouveau-nés. Il leur permet de lutter contre les infections et notamment contre l’entérocolite nécrosante, face à laquelle ils sont particulièrement vulnérables. « On a donc besoin de dons de la part de mamans qui produisent trop de lait. Il est important pour la santé des enfants prématurés qu’elles le donnent au lieu de le jeter », exhorte le Pr Picaud.
Et pas question de pratiquer les échanges de lait entre amies, sur les forums ou les réseaux sociaux. Le lait échangé dans de mauvaises conditions contient beaucoup de bactéries potentiellement dangereuses pour le nouveau-né. Seuls les lactariums – autorisés par le ministère de la santé – sont habilités à réaliser ces dons, car ils pasteurisent le lait et le contrôlent sur le plan bactériologique. Il est sécurisé avant d'être donné aux enfants.
Le don de lait maternel, comment ça marche ?
Le don de lait maternel peut être réalisé à la maternité mais aussi depuis son domicile. Dans ce cas, les mamans remplissent par téléphone une fiche administrative et passent un entretien médical. Il permet, comme dans le cadre d’un don du sang, de rechercher des contre-indications comme la présence d’une transfusion, d’une consommation de drogues, d’un tabagisme, ou d’une pathologie virale.
Un colis est ensuite envoyé au domicile de la maman avec des pots stériles, ainsi qu’un dossier administratif et une ordonnance de location de tire-lait si besoin. La femme recueille son lait à son rythme et le congèle. Des membres du lactarium se déplacent à son domicile pour récolter les dons dans des conditions optimales. Une fois dans la structure, le lait est pasteurisé et contrôlé bactériologiquement. S’ils passent les contrôles, les dons sont envoyés dans le service ou – s’il s’agit d’un lactarium à usage extérieur – dans les hôpitaux desservis.