Plus de 200 000 femmes testées
Cancer de l’ovaire : une étude prône le dépistage systématique
Le cancer de l'ovaire est rare mais particulièrement mortel. Une nouvelle étude évoque l'intérêt du dépistage pour réduire la mortalité, mais elle divise les scientifiques.
Le cancer de l’ovaire est l’un des plus rares en France, touchant chaque année un peu plus de 3000 femmes. Toutefois, il s’agit d’un cancer particulièrement agressif, la mortalité cinq ans après le diagnostic dépassant les 60 %.
Ce sombre pronostic s’explique en partie parce que le cancer de l’ovaire est souvent détecté tardivement, alors que la maladie est déjà bien avancée. Il faut dire que le bien-fondé du dépistage et la pertinence des outils de détection dont disposent actuellement les experts font encore débat.
Une grande étude,publiée ce jeudi dans la revue scientifique The Lancet, s’intéresse justement à cette problématique du dépistage. Avec plus de 200 000 participantes, suivies sur une durée maximale de 14 ans, ces travaux font partis des plus ambitieux jamais réalisés sur le sujet.
Les chercheurs ont tené de déterminer l’impact des tests de dépistage actuels sur la mortalité. Leurs résultats étaient très attendus, mais n’ont toujours pas réussi à mettre tous les experts d’accord. Certains ne sont pas convaincus de la pertinence des méthodes de dépistage actuelles.
Le défi du dépistage
Le test le plus utilisé, et évalué dans l'étude du Lancet, consiste à mesurer la concentration en CA125, une protéine, présente dans le sérum sanguin des femmes. Problème : ce marqueur biologique n’est pas spécifique au cancer, et peut être le signe d'une autre pathologie bénigne de l’ovaire.
Le seuil « normal » de concentration est évaluée à 35 UI/L, mais plusieurs études ont démontré qu’il était plus intéressant d’évaluer régulièrement les variations de concentration en CA125 de chaque femme, plutôt que de rechercher des seuils précis.
« Le sérum CA125 constitue une aide pour le diagnostic, il permet de mieux orienter les patients. De manière générale, pour les pathologies ovariennes, il est intéressant, mais encore insuffisant », explique le Pr Patrice Mathevet, chef du service de gynécologie du CHU de Lausanne.
En cas de concentration jugée anormale, une échographie endovaginale est proposée aux patientes, afin de détecter les anomalies. Celle-ci peut également être proposée en première intention, mais cette méthode entraine un nombre significatifs de résultats « faux positifs ».
Plus de 200 000 femmes
Dans l’étude du Lancet, les chercheurs concluent que ces techniques de dépistage, en dépit de leurs failles apparentes, peuvent contribuer à réduire la mortalité. En tout, ce sont 202 638 femmes âgées de 50 à 74 ans qui ont été suivies.
Elles ont été divisées en trois groupes. Dans le premier, les participantes ne suivaient pas de dépistage, dans le deuxième, elles étaient testées uniquement par échographie, et dans le dernier, par un test au sérum CA125, puis par échographie en seconde intention.
Dans le premier cas, 630 cancers ont été diagnostiqués pendant le suivi, 338 dans le deuxième et 314 dans le troisième. En excluant les femmes qui étaient déjà atteintes d’un cancer de l’ovaire non diagnostiqué au début de l’étude, les scientifiques estiment que le dépistage combinant CA125 et échographie entrainaît un baisse de mortalité moyenne de 20 % pendant le suivi.
« 20 % cela peut sembler beaucoup. Mais cette baisse de mortalité n’est en fait pas énorme quand on parle d’un groupe qui a bénéficié des toutes les techniques de dépistage disponibles. Surtout, elle ne compense pas forcément les effets secondaires du dépistage qui peuvent être délétères » souligne le Pr Mathevet.
D’après le praticien, ces résultats témoignent d’une tendance favorable, mais ils ne mèneront pas une mise en place systématique de dépistage, car la réduction de mortalité n’est pas assez significative à l'échelle de la population.
Peu coût efficace
Derrière cette étude se cache en fait la problématique de savoir si le dépistage est efficace en terme de coûts. Le Pr Mathevet explique qu’au delà du coût économique, les tests peuvent parfois causer plus de mal que de bien, dans la mesure où les faux positifs peuvent donner lieu à des interventions chirurgicales qui laissent des séquelles.
Autre problème, la diversité des cancers. « Trouver un outil de dépistage efficace c’est compliqué, en raison de la grande diversité des cancers de l’ovaire. Souvent le cancer est très agressif et se développe très rapidement, donc on aurait de toute façon eu du mal à le dépister à temps. S’il n’est que faiblement agressif, dépister précocement ne représente qu’un petit gain dans la mise en place l’arsenal thérapeutique adapté », détaille le Pr Mathevet.
A moins de trouver un outil de dépistage plus pertinent, systématiser ces tests ne présente donc pas un intérêt majeur à ses yeux.
Même pour les femmes porteuses des gènes BRC1 et BRC2, qui sont plus à risque de développer ce cancer, les praticiens peuvent préférer la prévention au dépistage, jugeant ces outils trop peu fiables. Ils proposent notamment plutôt une ablation des ovaires, comme dans le cas très médiatisé de l'actrice Angeline Jolie.