Psychiatrie
Dépression : la thérapie interpersonnelle peu utilisée malgré son efficacité
La thérapie interpersonnelle (TIP) est une des rares psychothérapies recommandées en première intention tant dans le traitement de première ligne de la dépression, que dans le trouble bipolaire. À l’inverse des pays anglo-saxons, elle reste peu utilisée en France, malgré les preuves de son efficacité.
- Nadija Pavlovic/istock
La thérapie interpersonnelle (TIP) est particulièrement mentionnée dans les recommandations internationales dans la prise en charge de la dépression de l’adolescent, de la personne âgée et du post-partum. Elle est également très prometteuse dans des pathologies telles que le binge-eating disorder, l’anorexie mentale, ou le psychotraumatisme.
Le principe des TIP repose sur la caractéristique grégaire de l’être humain : nous avons besoin des interactions sociales pour être en bonne santé mentale. Par conséquent, comme le propose le modèle biopsychosocial, toute perturbation de la dimension relationnelle (divorce, conflit…) entraîne un risque de décompensation thymique.
Son concept central repose sur l’attachement.
Le concept central de la TIP repose sur l’attachement et cette psychothérapie se concentre donc sur les relations interpersonnelles, non dans le passé, mais dans l’ici et le maintenant, afin de rétablir des liens d’attachements sécures dans le présent et dans l’avenir. Comme l’explique l’IFTIP, qui représente la TIP en France, l’idée est simple : la TIP modélise la pathologie comme une conséquence liée à l’insécurisation de l’univers interpersonnel.
C’est ce vécu d’insécurité qui crée de la souffrance et entraîne des comportements inadaptés susceptibles d’aggraver la situation clinique. En permettant au patient de recréer un entourage sécure apaisé, la TIP permet de rétablir une thymie normale et de sortir de la dépression.
Une psychothérapie structurée et brève, se déroulant sur 12 à 16 séances
Pour ce faire, la TIP identifie d’abord les dysfonctionnements interpersonnels, puis aide le patient à les améliorer. De ce fait, il s’agit d’une psychothérapie structurée, brève, se déroulant sur 12 à 16 séances dans l’épisode dépressif caractérisé.
Quoique brève, elle développe la faculté du patient à conscientiser émotions, intentions, communication, chez lui-même et chez son interlocuteur. Cette capacité, qu’on nomme mentalisation, permet au patient d’acquérir une perception du fonctionnement des relations qui s’avère durable et reproductible sur le long cours.
Une fois la thérapie achevée, le patient est en mesure d’identifier par lui-même ses dysfonctionnements et de favoriser la création de liens d’attachement sécures, grâce au travail qu’il a accompli. Bien évidemment, la TIP propose des adaptations à son déroulement selon le type de pathologie.
Une forme de thérapie efficace qui peut être pratiquée par de nombreux professionnels
Sa forme lui permet d’être pratiquée par de nombreux professionnels, psychiatres et psychologues bien-sûr, mais aussi médecins généralistes et Infirmiers en pratique avancée qui veulent enrichir leur exercice par une approche autre que les médicaments et donc épargnée par leur iatrogénie.
Son efficacité est attestée de façon robuste par de nombreuses méta-analyses (Psychological management of unipolar depression. Lampe 2013 ; Interpersonal psychotherapy for mental health problems : a comprehensive meta-analysis. Cuijpers 2016 ; Comparative efficacy of seven psychotherapeutic interventions for patients with depression: a network meta-analysis. Barth. 2013), ce qui lui permet d’être recommandée dans la plupart des guidelines internationales.
Une chose est particulièrement notable : la TIP a non seulement démontré son efficacité lorsque le facteur déclenchant de la dépression est naturellement interpersonnel (divorce, deuil…), mais aussi quand le déclencheur ne l’est pas (par exemple : annonce d’une maladie grave).
Une forme de psychothérapie à mieux utiliser en France
On peut donc se demander pourquoi cette psychothérapie est très peu connue en France, alors même qu’elle est centrale dans les pays anglo-saxons. Or, il semble éthiquement indispensable que les patients souffrant de troubles psychiques, comme ceux traités en cardiologie ou cancérologie par exemple, bénéficient des meilleurs soins possibles, conformes aux connaissances actuelles de la science.
Dans cette période de contraintes économiques et de manque de moyens humains, il paraît essentiel de privilégier les stratégies de prise en charge dont l’efficacité est scientifiquement démontrée. Puisque la santé mentale est la grande cause de l’année 2025, n’est-ce pas le moment de développer la Thérapie Interpersonnelle ?
Dr Nicolas Neveux
Psychiatre - Psychothérapeute
Thérapies Cognitivo-Comportementales
Thérapie Interpersonnelle
EMDR
Paris