Pneumologie

BPCO : un score polygénique permettrait de la dépister plus tôt

Un outil génétique (PRS) associé à un questionnaire clinique (mLFQ) améliorerait la détection de la BPCO modérée à sévère chez des adultes non diagnostiqués. Cette approche ciblée pourrait optimiser les indications de spirométrie, atténuant ainsi le sous-diagnostic et les conséquences négatives de la maladie.

  • 23 Jan 2025
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    La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) demeure largement sous-diagnostiquée, avec jusqu’à 70 % des patients non détectées malgré des symptômes parfois déjà marqués. Les conséquences sur la qualité de vie et la mortalité sont majeures, et un retard diagnostique prive les patients de traitements efficaces (notamment la cessation tabagique et des bronchodilatateurs). L’approche dite de « case-finding », via un questionnaire clinique ciblant les facteurs de risque (p. ex. antécédents de tabagisme) et les symptômes respiratoires, permet de repérer plus rapidement ces cas non reconnus.

    Dans cette étude, publiée dans le JAMA, les auteurs ont évalué l’apport d’un score polygénique (PRS) spécifique de la BPCO, combiné au questionnaire mLFQ (modified Lung Function Questionnaire), pour dépister des formes modérées à sévères de BPCO (VEMS/CVF < 0,7 et VEMS < 80 % de la valeur théorique). Les données provenaient de deux larges cohortes nord-américaines : la Framingham Heart Study (FHS, population communautaire) et l’étude COPDGene (population enrichie en fumeurs). Parmi les sujets n’ayant pas d’antécédent diagnostiqué de BPCO, la prévalence de la BPCO spirométrique s’élevait à 4,7 % dans FHS et 18,9 % dans COPDGene.

    L’ajout du PRS au mLFQ augmente significativement l’aire sous la courbe (AUC) du modèle : de 0,78 à 0,84 (p < 0,001) dans FHS, de 0,69 à 0,72 (p = 0,04) chez les participants Afro-Américains de COPDGene et de 0,75 à 0,78 (p < 0,001) chez les participants Caucasiens de COPDGene. À titre d’exemple, avec un seuil de risque de 10 % pour recommander une spirométrie, la combinaison PRS + mLFQ permettait de reclassifier correctement 13,8 % (IC 95 % : 6,6 %-21,0 %) de patients BPCO supplémentaires dans FHS.

    Importance du contexte et du niveau de risque initial

    Les analyses en sous-groupes soulignent l’importance du contexte et du niveau de risque initial. Dans l’étude communautaire FHS, la BPCO non diagnostiquée concernait environ 5 % des adultes de plus de 35 ans. Ici, l’ajout du PRS conférait un gain notable de sensibilité pour détecter des formes parfois précoces ou modérées. Ce bénéfice était plus marqué chez les sujets plus jeunes, suggérant que le PRS pourrait repérer des voies physiopathologiques liées à la genèse précoce de la BPCO. En revanche, dans la cohorte COPDGene (forte proportion de fumeurs et de formes avancées), l’amélioration restait plus modeste, et le dépistage universel par spirométrie se justifiait à bas seuil de risque.

    Les auteurs insistent sur le fait que le PRS ne reflète qu’une partie de l’héritabilité génétique de la BPCO : il reste moins performant dans les populations d’ascendance africaine, ce qui rappelle la nécessité de développer des scores polygéniques multiethniques. D’autre part, l’inclusion d’appareils portatifs type peak-flow ou microspiromètres pourrait améliorer encore le rendement du dépistage ; cependant, ces outils requièrent un accès matériel et une expertise clinique parfois limités dans certaines régions.

    Deux grandes cohortes avec et sans tabac

    Les données présentées proviennent de deux grandes bases nord-américaines. Dans la Framingham Heart Study, la spirométrie pré-bronchodilatation a servi à identifier la BPCO, avec le risque de capturer aussi des répondeurs partiels aux bronchodilatateurs. Dans COPDGene, qui inclut davantage de gros fumeurs, la proportion de BPCO sévère est plus élevée, offrant une perspective complémentaire. Malgré ces différences, le protocole d’analyse par modèles logistiques (mLFQ seul, PRS seul et mLFQ + PRS) fournit un aperçu robuste du bénéfice potentiel de l’intégration génétique dans la stratégie de case-finding. Les résultats plaident pour une utilisation ciblée du PRS chez les personnes à risque (tabagisme, symptômes respiratoires, antécédents familiaux).

    Dans la pratique, ces données génétiques pourraient être obtenues une seule fois au cours de la vie pour divers besoins médicaux, la technologie de génotypage coûtant désormais moins de 35 $ par personne. À terme, une telle approche pourrait aider à hiérarchiser les indications de spirométrie dans les cabinets de soins primaires, surtout dans les pays à revenu élevé. Néanmoins, plusieurs questions subsistent : le seuil optimal de mise en place du dépistage, le rapport coût-efficacité global, ainsi que la capacité d’un diagnostic plus précoce à améliorer les évolutions cliniques (réduction des exacerbations, ralentissement du déclin pulmonaire). Des études prospectives et multicentriques seront nécessaires pour valider l’apport concret d’un score polygénique dans la prise en charge de la BPCO, en particulier dans les populations plus diverses et dans les pays à ressources limitées.

    En conclusion, l’intégration d’un score polygénique aux outils cliniques de dépistage offre un surcroît de performance pour identifier la BPCO non diagnostiquée dans les cohortes de population générale. La personnalisation génétique ouvre ainsi des perspectives prometteuses pour un dépistage ciblé, mais un élargissement des validations cliniques et économiques sera indispensable avant une adoption à grande échelle.

     

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