Cardiologie

Personnes vivant avec le VIH : les scores estiment mal le risque cardiovasculaire

Les scores de risque cardiovasculaire classiques (ASCVD) sous-estimeraient le risque chez certaines populations vivant avec le VIH dans les pays à revenu élevé, tout en le surestimant dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Des ajustements spécifiques semblent nécessaires pour améliorer la prévention.

  • Marta Sher/istock
  • 21 Jan 2025
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    Les maladies cardiovasculaires (MCV) représentent la première cause de morbidité et de mortalité dans le monde, et constituent un problème majeur pour les personnes vivant avec le VIH. L’évaluation du risque de développer un événement cardiovasculaire athérosclérotique (ASCVD) s’effectue généralement à l’aide de scores validés dans la population générale, tels que les Pooled Cohort Equations (PCE). Cependant, ces outils n’ont pas été spécifiquement conçus pour la population VIH, chez laquelle des facteurs propres (inflammation chronique, traitements antirétroviraux, comorbidités) sont susceptibles de modifier le profil de risque.

    Une étude prospective récente (REPRIEVE), publiée dans The Lancet HIV, portant sur 3893 participants recrutés dans 12 pays a évalué la performance de deux scores ASCVD (PCE et D:A:D) chez des PVVIH âgées de 40 à 75 ans et ayant un risque cardiovasculaire traditionnel faible à modéré. Les résultats montrent que, globalement, la capacité de discrimination des deux scores est modérée à bonne (C-statistic autour de 0,70-0,72), mais que leur calibration est imparfaite. Les scores ont tendance à sous-estimer le risque chez les femmes et chez les hommes noirs vivant avec le VIH dans les pays à revenu élevé, tandis qu’ils le surestiment dans les pays à revenu faible et intermédiaire.

    Des écarts notables selon le sexe, la race et la région géographique

    L’analyse par sous-groupes met en évidence des écarts notables selon le sexe, la race et la région géographique. Ainsi, dans les pays à revenu élevé, les femmes vivant avec le VIH présentent un ratio observé-sur-prévu (OE event ratio) supérieur à 2, reflétant une forte sous-estimation du risque. De même, parmi les hommes noirs ou afro-américains, le ratio observé-sur-prévu excède 1,6, traduisant là encore un risque sous-évalué. À l’inverse, dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, le score PCE surestime la survenue d’événements cardiovasculaires (ratio <1).

    Des résultats similaires ont été obtenus avec le score D:A:D (C-statistic de 0,71, ratio observé-sur-prévu de 0,89), confirmant un schéma global de mauvaise calibration. Pour corriger ces biais, les auteurs proposent d’appliquer des facteurs multiplicatifs à l’estimation d’origine (par exemple, multiplier par 2,8 chez les femmes noires, ou par 1,25 chez les hommes noirs). Sur le plan de la tolérance, aucune augmentation spécifique des événements indésirables liée à la participation à l’étude ou à l’absence de traitement hypolipémiant n’a été rapportée dans cette cohorte.

    Des données issues de la cohorte REPRIEVE

    Ces données proviennent de la cohorte REPRIEVE (Randomized Trial to Prevent Vascular Events in HIV), inscrite sur ClinicalTrials.gov (NCT02344290). Les chercheurs ont inclus des PVVIH de 40 à 75 ans, sans traitement hypolipémiant (statine), et avec un risque cardiovasculaire jugé faible à modéré selon les outils conventionnels. L’échantillon était multinational, couvrant des centres cliniques dans 12 pays et plusieurs continents, afin de mieux refléter la diversité géographique et socio-économique.

    Néanmoins, comme le soulignent les auteurs, des études complémentaires sont nécessaires pour valider les facteurs d’ajustement proposés et pour développer des scores plus spécifiques aux contextes de revenus faible et intermédiaire.

    En pratique

    Ces résultats plaident pour une prise en compte plus fine des facteurs sociodémographiques et ethniques lors de la stratification du risque ASCVD chez les PVVIH. Les recommandations de prescription de statines pourraient être réévaluées à la hausse chez les femmes et les hommes noirs ou afro-américains vivant avec le VIH dans les pays à revenu élevé, afin de mieux prévenir les événements cardiovasculaires.

    Parallèlement, il importe de vérifier que le risque ne soit pas surestimé dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, au risque de proposer des traitements inappropriés ou coûteux à des populations dont l’accès aux soins est déjà limité. Enfin, la poursuite des recherches portera sur l’optimisation et la validation externe des coefficients d’ajustement, en vue d’élaborer des algorithmes de prédiction plus justes et plus inclusifs pour la prévention cardiovasculaire chez les PVVIH.

    En conclusion, l’étude REPRIEVE met en lumière la nécessité d’adapter les scores ASCVD existants aux spécificités des PVVIH et aux disparités régionales, ouvrant la voie à des approches préventives mieux ciblées et plus équitables dans le monde.

     

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