Intimité
Violences gynécologiques : "le consentement doit être explicite" pour chaque examen
Sollicité par la Première ministre, le Comité national consultatif d'éthique émet un avis sur le consentement lors des examens gynécologiques, dans lequel il appelle à restaurer le lien de confiance entre les patient·es et les soignants.
Au cours de sa vie, une femme consulte en moyenne entre 50 et 80 fois un gynécologue. Ces dernières années, de plus en plus de patientes ont signalé et dénoncé les violences gynécologiques et obstétricales qu’elles ont subi lors des visites médicales. En 2022, des plaintes pour viol, à l’encontre de certains professionnels de santé renommés, ont été déposées.
"Une perte de chance pour les patient·es" à cause d’une "altération de la confiance"
Ces doléances "sont sources de tensions et d’une altération de la confiance entre patient·es et soignant·es", selon le Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Cette dégradation de la confiance peut entraîner une désaffection "de certaines spécialités médicales sous l’effet d’un opprobre collectif et d’atteintes ciblées sur les réseaux sociaux". Autres risques redoutés par l’organisme : "une évolution des pratiques médicales non conforme aux besoins réels des patient·es" et "une perte de chance significative pour les patient·es (dans les cancers notamment)" à cause d’un "refus des examens, par peur, appréhension ou méfiance". Dans son avis 142 dédié au consentement et au respect lors des examens gynécologiques, le CCNE appelle à rebâtir la relation de confiance entre les médecins et les patients. Après avoir auditionné plus de 30 personnes (représentants de patients, gynécologues, sage-femmes, doyens et internes) durant huit mois, il souligne, lors d’une conférence de presse, qu’il faut "rétablir le dialogue". Jean-François Delfraissy, président du CCNE, indique qu’"un temps de discussion" durant les consultations est nécessaire. Lors de cette conversation, le praticien doit expliquer le déroulement des examens touchant l’intimité et recueillir le consentement de la patiente. Il "ne doit plus être tacite ou présumé, mais explicite et différencié", précise l’organisme dans son avis rendu public ce 29 mars. "On a besoin du consentement à chaque consultation afin que l’examen du corps ne soit pas vécu comme une effraction", ajoute Jean-François Delfraissy, en expliquant que le recueil du consentement par écrit n’est pas pertinent, car "il est figé dans le temps." Le Comité d’éthique insiste aussi sur le fait de renforcer la vigilance quant à la difficulté à subir des examens touchant à l’intimité pour les femmes victimes de violences sexuelles. "Un besoin d’attention est aussi plus important pour les patientes souffrant d’endométriose", signale Karine Lefeuvre, co-rapporteure et membre du CCNE. Cette recommandation concerne aussi les personnes en situation de vulnérabilité (précarité, handicap, mineurs, détresse psychologique, troubles cognitifs…), pour lesquelles il faut aussi prévoir des aménagements spécifiques. "En général, il n’existe pas de cabines pour se changer. Les lieux doivent être adaptés", déclare Jean-François Delfraissy. "Mettre un paravent ou une couverture à disposition, ce sont de simples gestes qui montrent un respect de la dignité", poursuit Karine Lefeuvre. Elle indique que la présence d’une tierce personne lors de la consultation gynécologique n’est pas obligatoire, mais qu’elle est possible "à la demande de la patiente ou du médecin". Le CCNE préconise de renforcer la sensibilisation aux humanités, à l’éthique et aux droits des patient·es dans la formation initiale des soignants et de développer des enseignements spécifiques sur la réalisation des examens touchant à la sphère intime. "Il faudrait que les patient.es interviennent dans la formation", spécifie Fabrice Gzil co-rapporteur et membre de l’organisme."L’examen du corps" ne doit pas être "vécu comme une effraction"
Des lieux adaptés et une vigilance renforcée pour les personnes vulnérables
Une meilleure formation des étudiants en médecine