L’interview du week-end
Syndrome d’Ehlers-Danlos : "Quoi qu'il en coûte, il faut que les patients bougent"
Surnommé "la maladie du chewing-gum", le syndrome d’Ehlers-Danlos est une pathologie héréditaire encore peu connue du corps médical et du grand public. Caroline Michot, généticienne à l’hôpital parisien Necker, nous explique comment se manifeste et est prise en charge cette affection.
Pourquoi docteur : Sia, Lena Dunham… Ces dernières années, quelques célébrités ont confié être atteintes du syndrome d’Ehlers-Danlos. En France, ce sont Sanaa, une jeune finaliste de The Voice Kids, et Lucie Bernardoni, une ancienne candidate de la Star Academy, qui ont récemment mis en lumière les difficultés liées à cette maladie "invisible". Mais de quoi s’agit-il ?
Caroline Michot : Les syndromes d’Ehlers-Danlos sont un groupe de maladies héréditaires décrit par un médecin français et un praticien danois. Au total, il existe 14 types d’Ehlers-Danlos, avec une évolution, des complications et une prise en charge différentes. En revanche, ces pathologies partagent une triade clinique commune. Elles se caractérisent par une hyperlaxité articulaire (soit des articulations qui ont plus d’amplitude que la norme), une hyperelasticité cutanée (soit une peau plus étirée) et un relâchement ou une fragilité des tissus conjonctif (c’est-à-dire la charpente sur laquelle se repose nos cellules, dont les fibres de collagènes).
Combien de personnes souffrent du syndrome d’Ehlers-Danlos en France ?
Selon la littérature scientifique, un Français sur 5.000 est touché par le syndrome d’Ehlers-Danlos de type hypermobile, la forme la plus fréquente de la pathologie. Problème : on ne sait pas si cette maladie est sous ou sur-diagnostiquée, car son diagnostic repose sur un examen clinique. Quant aux autres types d’Ehlers-Danlos, ils sont plus rares et concernent une personne sur 100.000.
Syndrome d'Ehlers-Danlos : "la maladie n’est pas toujours transmise"
Quelles sont les causes du syndrome d’Ehlers-Danlos ?
À ce jour, la base génétique et moléculaire du syndrome d’Ehlers-Danlos de type hypermobile n’a pas été identifiée. En revanche, un ou plusieurs gènes, à l’origine des 13 autres types d’Ehlers-Danlos, sont désormais connus. Pour rappel, la maladie n’est pas toujours transmise. En clair, si un de nos parents est porteur du gène muté, on a un risque sur deux d’en souffrir. Dans certains cas, on est le premier de notre famille à développer le syndrome à cause d’une faute de recopiage de l’ADN ou d’une mutation accidentelle.
Quelles sont les conséquences du syndrome d’Ehlers-Danlos ?
Les syndromes d’Ehlers-Danlos se manifestent par des complications orthopédiques, des douleurs, des entorses, des luxations ou encore une scoliose. Certains organes sont également plus touchés que d’autres en fonction du type d’Ehlers-Danlos. Chez certains patients, une fragilité de la paroi abdominale (des hernies), pelvienne (un prolapsus) ou vasculaire (une dilatation des artères) peut survenir.
"Les syndromes d’Ehlers-Danlos peuvent être suspectés par un médecin traitant"
Comment le syndrome d’Ehlers-Danlos est-il diagnostiqué ?
Les syndromes d’Ehlers-Danlos peuvent être suspectés par un médecin traitant, lorsqu’il est confronté à un patient qui souffre plusieurs fois de douleurs chroniques. En général, le diagnostic de l’affection repose sur un examen clinique. En clair, le professionnel de santé va analyser la souplesse articulaire, la posture ou encore la texture de la peau du patient. Il peut également lui demander de réaliser une radiographie, une échographie cardiaque, une biopsie de la peau et des tests musculaires. Le patient peut aussi réaliser des tests génétiques pour confirmer le diagnostic et éliminer les autres formes du syndrome.
En cas de syndrome d’Ehlers-Danlos, quels professionnels de santé doit-on consulter ?
Les généticiens ne sont pas capables de prendre en charge tous les malades en centre hospitalier. Avant de se retrouver dans un CHU, le patient peut se tourner vers la médecine de rééducation fonctionnelle (qui permet de traiter les complications orthopédiques), un kinésithérapeute (qui l’aide à travailler son équilibre), un rhumatologue, un médecin du sport ou un médecin de la douleur. En fonction du type d’Ehlers-Danlos, le patient a aussi la possibilité de consulter un dermatologue, un cardiologue, un gastro-entérologue, un urologue ou un gynécologue. Ensuite, le généticien entre en jeu.
Est-il possible de guérir du syndrome d’Ehlers-Danlos ?
Pour l’heure, aucun traitement ne permet pas de guérir du syndrome d’Ehlers-Danlos. Quoi qu'il en coûte, il faut que les patients bougent tous les jours, car si ce n’est pas le cas, il est de moins en moins musclé, et sa peau et ses articulations sont de plus en plus souples. C’est un cercle vicieux délétère.
Afin de mieux gérer la maladie au quotidien, les patients peuvent disposer d’un fauteuil roulant, d’orthèses, de vêtements compressifs ou de patchs antalgiques. Pour réduire l’anxiété causée par les douleurs chroniques, le patient peut consulter un sophrologue ou miser sur l’auto-hypnose.