Semaine de sensibilisation à l'endométriose
PMA : "Ce qui tire vers le bas les chances de succès c'est l'adénomyose associée à l'endométriose”
Lorsqu’un embryon ne s’implante pas dans un contexte d'endométriose, est-ce lié à un problème au niveau de l'utérus ou est-ce un "défaut" de l'embryon lui-même ? Voici une question à laquelle un des médecins présent au congrès GYNFOCH a répondu.
“Il faut parler de fonction ovarienne (quantité et qualité de la réserve ovarienne). Dans les pays développés, on peut faire un screening génétique des embryons, le DPIA, explique le Professeur Pietro Santulli, chef du service de Gynécologie Obstétrique, Médecine de la Reproduction de l'hôpital Cochin. Lorsque l’on fait le screening génétique des embryons et que nous les comparons à des embryons de femmes qui ont de l’endométriose et à des embryons de femmes qui n’en ont pas, le pourcentage d'embryons normaux est identique. C'est une preuve indirecte que la qualité au départ est semblable.”
Le spécialiste décrypte une récente étude pour y apporter son opinion de chef de service : “Des chercheurs, en Angleterre, ont regardé les chances d'avoir un bébé chez les femmes qui ont une endométriose en fonction de l'origine des ovocytes. Chez la femme qui a une endométriose avec ses propres ovocytes : 28% de chances d'avoir un bébé. Chez la femme qui a de l'endométriose et qui utilise un don d’ovocytes : ce sont les mêmes chances d'avoir un bébé. Le message, c'est qu'il y a peu ou pas d'impact sur la qualité ovocytaire.”
“D'un point de vue de la quantité ovarienne, c'est toute une autre histoire”
“D'un point de vue de la quantité ovarienne, c'est toute une autre histoire… Deux scientifiques ont pu démontrer qu’en PMA (procréation médicalement assistée), l’AMH [hormone anti-müllérienne qui joue un rôle dans le développement et la maturation des follicules chez la femme, ndlr] est semblable chez les femmes avec ou sans endométriose. Par contre, quand les femmes qui ont une endométriose sont opérées, l’AMH est plus basse."
Mais la diminution de l'AMH n'est pas la seule à prendre en compte. "On a fait une étude avec des femmes à AMH égal et on a vu que les femmes qui étaient opérées d'endométriose répondaient moins bien à la FIV (fécondation in vitro), avec deux fois plus de risques d'échec de réponse. Donc c'est non seulement une diminution d'un paramètre biologique mais également moins de réponse à la stimulation qui, malheureusement, est associée à moins de chances d'avoir un bébé. Et cet effet de la chirurgie est très controversé."
"Quand on regarde le phénotype, et donc la sévérité de la maladie, de façon très schématique : superficielle, petite lésion, endométriome : lésion variable, endométriome profond : lésion importante… On observe que les chances d'implantation sont identiques."
Score de douleur et chance d’avoir un bébé : est-ce que ces malades ont une sévérité clinique?
“Le message qu'on véhicule est que les femmes qui ont un bébé ont les mêmes scores de douleur que les femmes qui n'ont pas de bébé. Ça veut dire, quand on prend ces deux études ensemble, que la sévérité, qu'elle soit anatomique ou clinique de l'endométriose, n'a pas d'impact sur les chances de succès en AMP. Mais il faut bien qu'il y ait quelque chose qui gêne malheureusement, parce que sinon ça serait trop beau. Et dans un travail qu'on a publié il y a quelques années, avec des taux cumulés de naissance après quatre cycles de FIV chez des femmes qui ont une endométriose, nous retrouvons 85 % de probabilité d'avoir un bébé chez les femmes qui ont une endométriose.”
“Quand l’endométriose est associée à de l'adénomyose, ce n’est, malheureusement, plus 85 %, mais 50 % de chances d’avoir un bébé”
“Quand l’endométriose est associée à de l'adénomyose, ce n’est, malheureusement, plus 85 %, mais 50 % de chances d’avoir un bébé. On voit clairement que ce qui tire vers le bas les chances de succès c'est l'adénomyose associée à l'endométriose”, annonce-t-il. Le Professeur explique que dans ce cas, l'échec pourrait être lié à la qualité de l'embryon. “Quand l'échec est dû à l'environnement, un chirurgien opère (environ 43 % de grossesse après chirurgie). Nous on s'est dit, peut-être que quand il y a un échec, ce n’est pas l'endométriose qui gêne, c'est l'embryon. On a donc traité ces femmes avec un don d'ovocytes, et là, on a 85 % de grossesses évolutives. Encore mieux que la chirurgie !”
Quant à savoir d'où vient le problème, les médecins sont encore sceptiques. “Le débat reste ouvert malheureusement… Le don d’ovocyte chez les femmes qui ont de l'endométriose fonctionne aussi bien que chez les femmes qui n'ont pas d'endométriose, ce qui confirme encore une fois que probablement l'impact implantatoire de l'endométriose est minime."
Pour conclure, le Professeur Pietro Santulli insiste : "L'endométriose n'est pas synonyme d'infertilité. Il n'y a probablement pas d'impact majeur sur la qualité de la réserve ovarienne. Il y a certainement une altération de la quantité de la réserve ovarienne, surtout en rapport avec la chirurgie. Le phénotype de l'endométriose ne semble pas avoir d'impact majeur sur les chances de succès en AMP. Par contre, l'adénomyose est sûrement un des facteurs principaux d'échec d’AMP chez les femmes qui ont une endométriose.”