Angine et mal de gorge de l'adulte : la majorité ne nécessite pas d'antibiotique
L'angine, ou « mal de gorge », correspond à une inflammation aiguë des amygdales, le plus souvent secondaire à une infection par un virus ou une bactérie. Son traitement ne nécessite pas d’antibiotique, sauf s’il s’agit d’une angine bactérienne à streptocoque A.
Des mots pour les maux
L'angine est aussi appelée « amygdalite aiguë » par les médecins.
Le mal de gorge est le plus souvent en rapport avec une inflammation des « amygdales palatines », les grosseurs du fond de la gorge qui sont situées de part et d'autre de la luette.
L'angine « érythémateuse » est l'angine rouge, l'angine « érythémato-pultacée » est l'angine blanche.
Qu'est-ce qu’une angine ?
Les amygdales sont des amas de cellules immunitaires qui forment 2 masses en forme d'amande situées dans le fond de la gorge. Elles appartiennent au système de défense immunitaire de l’organisme et les médecins les appellent des « organes lymphoïdes secondaires » : les amygdales sont chargées de la défense immunitaire de la gorge contre les virus et les bactéries.
Lorsqu'un agent infectieux se multiplie en excès à leur surface, elles se gonflent et deviennent inflammatoires, donc douloureuses, et peuvent entraîner une gêne pour avaler (« déglutir ») les aliments solides.
Cette inflammation s'accompagne souvent de fièvre et d’autres signes du rhume (nez qui coule, toux, enrouement) et éventuellement d’un grossissement des ganglions satellites de l’angle de la mâchoire ou du cou. Il peut aussi exister une haleine désagréable.
Il faut se souvenir que si tous les maux de gorge ne sont pas des angines, certaines angines, même peu douloureuses, peuvent néanmoins faire courir des risques en lien avec la propagation de l’infection au plan locorégional ou général.
Quelles sont les causes ?
Chez l'adulte, l'angine est provoquée environ huit fois sur dix par une infection à virus (adénovirus, virus Influenzae, Virus Respiratoire Syncytial ou VRS,…). Dans ce cas, les antibiotiques sont donc inutiles, voire nuisibles.
Plus rarement, une infection par une bactérie est responsable de l’angine, et cela peut être le « Streptocoque ß-hémolytique du groupe A ». Celui-ci nécessite un traitement antibiotique car l’infection avec ce germe expose à des risques de complications potentiellement graves. En effet, ce streptocoque peut entraîner une maladie inflammatoire des articulations, le rhumatisme articulaire aigu (RAA) avec un risque d'atteinte des valves cardiaques ou une maladie immuno-allergique rénale.
La contamination par le virus ou la bactérie se fait directement par l'air (lorsqu’un malade tousse ou éternue à proximité) ou par contact avec différentes parties du corps ou d'objets contaminés.
Quels sont les différents types d’angines ?
L’individualisation de ces différents types d’angines n’a le plus souvent que peu d’importance car elles sont sans réel lien avec le microbe responsable. Néanmoins on individualise les angines « érythémateuses », « érythémato-pultacées », « pseudomembraneuses », « vésiculeuses », « ulcéreuses » et « ulcéronécrotiques », mais les plus fréquentes, et de loin, sont les angines érythémateuses et érythémato-pultacées.
• Dans l’angine érythémateuse, toute la muqueuse du pharynx est rouge et les amygdales sont augmentées de volume. Dans l’angine érythémato-pultacée, la muqueuse est très rouge, congestive, avec des taches blanchâtres épaisses, très nombreuses au niveau des amygdales qui sont elles-mêmes tuméfiées. L’œdème s’étend même jusqu’aux piliers du voile du palais et un ganglion satellite est habituellement retrouvé sous l’angle de la mâchoire. Ces angines correspondent tant à des infections virales que bactériennes.
• Une angine pseudomembraneuse se caractérise par la présence d’un enduit confluent de couleur nacrée ou grisâtre sur les amygdales. La forme clinique typique débute par une asthénie et une fièvre modérée. Puis l’angine apparaît, caractérisée par la présence à sa surface de « fausses membranes », qui débordent parfois sur les piliers du voile du palais, avec un œdème de la luette et de petites tâches rouges (« purpura pétéchial ») sur le voile du palais. Les amygdales sont volumineuses, empêchant l’alimentation solide et pouvant conduire à des crises de gène respiratoire. Les ganglions sont plutôt gonflés en arrière du cou, avec une augmentation associée de la rate (« splénomégalie ») dans 50 % des cas.
Dans l’infection par le virus de la mononucléose, il existe aussi une éruption de la peau du tronc et de la racine des membres (« exanthème morbiliforme »), d’apparition spontanée ou le plus souvent déclenchée par une prescription intempestive d’ampicilline (mais il ne s’agit pas d’une allergie vraie aux bétalactamines). Le diagnostic est posé sur le MNI test et le traitement est un traitement de confort contre la fièvre et les douleurs.
Une autre angine membraneuse plus grave est l’angine diphtérique qui est due à Corynebacterium diphteriae (bacille de Klebs-Löffler). Il s’agit d’une « toxi-infection » de déclaration sanitaire obligatoire et qui impose l’isolement du malade et l’examen de l’entourage (les angines sont très contagieuses). Elle débute de façon insidieuse 6 à 7 jours après le contact, par un malaise (pâleur et fatigue inhabituelle), une fièvre autour de 38°C et une dysphagie. En 24 à 48 heures, se forment sur les amygdales des fausses membranes blanches, nacrées ou grisâtres caractéristiques car « cohérentes » (résistant à l’écrasement), « adhérentes à la muqueuse » et « rapidement reproductibles » quand on les enlèvent. La muqueuse sous-jacente est congestive. S’y associent un écoulement nasal unilatéral, séreux ou muco-purulent, avec une érosion de la narine, des ganglions sous angulo-maxillaires, douloureux, avec péri-adénite et un syndrome toxique (asthénie, pâleur et tachycardie). Le prélèvement de gorge est indispensable à la recherche du bacille de Klebs-Löffler. Le traitement, est indispensable en milieu hospitalier avec isolement. Il doit débuter de toute urgence et associe sérothérapie (30 à 40 000 U chez l’adulte) et pénicilline G ou macrolide.
• Les angines vésiculeuses sont caractérisées par la présence de petites vésicules sur une muqueuse inflammatoire et sont toujours d’origine virale.
Dans « l’herpangine » (virus coxsackie du groupe A), l’angine touche surtout les jeunes enfants et débute brutalement dans un contexte fébrile avec des douleurs abdominales. Il s’agit davantage d’une pharyngite, avec de petites vésicules entourées d’un halo inflammatoire sur le revêtement de la gorge (« muqueuse ») qui se groupent sur les piliers antérieurs, le voile du palais et la paroi postérieure du pharynx, avec une muqueuse sous-jacente qui est très inflammatoire. L’évolution est favorable en 4 à 6 jours.
L’angine herpétique (herpès virus) se présente comme une angine banale, avec l’apparition brutale sur les amygdales de vésicules, qui en se rompant, se transforment en petites ulcérations. Le traitement est uniquement de confort associant réhydratation et soins de bouche dans tous les cas.
• Les angines ulcéreuses et ulcéronécrotiques se caractérisent par une érosion au niveau d’une amygdale et s’étendent parfois au voile du palais ou à la partie postérieure du pharynx.
L’angine de Vincent, forme la plus fréquente, est favorisée par une mauvaise hygiène bucco-dentaire et touche surtout l'adulte (association de bactéries fuso-spirillaires). Les signes cliniques associent une fièvre d’intensité modérée, une haleine fétide, et surtout une fatigue (« asthénie ») avec douleur buccale (« odynophagie ») latéralisée et une hypersalivation (« hypersialorrhée »). L’examen clinique retrouve une ulcération profonde recouverte de membranes grisâtres non adhérentes, souples au toucher, et un ganglion sous angulo-maxillaire unilatéral. Le diagnostic est affirmé par la mise en évidence de l’association fuso-spirillaire à l’examen direct du prélèvement de gorge. Le traitement est la pénicilline V ou, en cas d’allergie, le métronidazole. L’éventuelle cause bucco-dentaire doit être traitée.
Un cancer du sang (« hémopathie »), telle qu’une leucémie aiguë doit être évoquée devant une angine ulcéro-nécrotique traînante chez le sujet normal et une analyse de sang doit être systématique.
Quand faut-il évoquer une angine ?
Une douleur dans la gorge, en particulier en avalant sa salive ou des aliments solides, doit faire penser à une angine. Cette douleur est parfois intense.
Elle s'accompagne souvent d'une fièvre entre 38 et 39°C, d'une toux, de signes de rhume, parfois d'une gêne respiratoire et de douleurs du ventre.
Comment faire le diagnostic ?
Des signes d'angine doivent conduire à consulter un médecin car si l'angine virale ne nécessite pas de traitement spécifique, l'infection bactérienne doit être traitée par un antibiotique. C'est donc le médecin traitant qui fera le diagnostic et prescrira le traitement adapté : il est seul à même de décider s’il faut prescrire un antibiotique.
Le médecin examine la gorge et les amygdales qui sont volumineuses et rouges : c'est la forme classique de l'angine érythémateuse. Parfois, elles sont recouvertes d'un enduit purulent, signe de l'angine érythémato-pultacée. Des ganglions peuvent être palpables de part et d'autre du cou.
La présentation clinique de l’angine ne permet cependant pas de distinguer le type de germe à l’origine de l'angine. Pour y parvenir, le médecin dispose du test de diagnostic rapide de l'angine, le « TDR angine ». Il s'agit d'un test simple et indolore, réalisable au cabinet pendant la consultation en quelques minutes par un prélèvement sur l'amygdale. Ce test permet de déterminer la présence du « Streptocoque du groupe A ». Un test positif justifie la prescription d'antibiotiques. Ceux-ci peuvent être prescrits dans d’autres circonstances.
Avec quoi peut-on confondre une angine ?
Le diagnostic d'angine ne pose pas de problème particulier. Une angine peut cependant être confondue au début avec certaines affections comme une « aphtose », un « zona pharyngien », une « maladie hématologique » ou un « cancer de l'amygdale ».
Une « mononucléose infectieuse » se manifeste souvent par une angine. Elle est due au virus d'Epstein-Barr (EBV).
Faut-il consulter en urgence ?
La prise en charge de l'angine ne présente généralement pas de caractère d'urgence.
Si la douleur est intense, le traitement antalgique doit être débuté sans délai pour obtenir le soulagement.
Le médecin généraliste doit être consulté en premier lieu : il fait le diagnostic et prescrit le traitement.
Quel est le traitement de l’angine ?
Le traitement de l’angine est fonction du type de germe impliqué dans l'infection. La plupart du temps, aucun antibiotique n’est nécessaire d’emblée, mais il faudra surveiller le malade, car un antibiotique pourra être nécessaire secondairement, en cas d’évolution défavorable.
•Dans la majorité des cas, l'angine est virale et le traitement est uniquement « symptomatique » d’emblée.
Les médicaments antalgiques et antipyrétiques (doliprane, ibuprofène) permettent de contrôler la douleur et la fièvre.
Il est possible de sucer des pastilles ou de prendre des sprays pour calmer la douleur (par exemple : Hextril® collutoire).
Si les amygdales sont très gonflées, manger un peu de glace permet de les décongestionner. Les signes vont s’atténuer et disparaître en quelques jours.
•Dans environ 15 à 20 % des cas, une bactérie, le Streptocoque du groupe A, est responsable de l’angine.
Un traitement antibiotique est alors indispensable pour éradiquer ce germe car il existe un risque de développer un rhumatisme articulaire aigu (RAA) ou une autre complication streptococcique. L'antibiotique couramment prescrit est une pénicilline, l'amoxicilline pendant 6 jours, une durée de traitement à respecter absolument pour éviter les complications de RAA. En cas d'allergie à la pénicilline, le médecin prescrit un macrolide.
Dans les angines vésiculeuses, le traitement est également symptomatique avec des gargarismes pour prévenir une surinfection des ulcérations.
Dans les autres cas, angines pseudomembraneuses ou ulcéronécrotiques, le malade sera souvent hospitalisé en raison des maladies associées.
Quelles sont les complications de l’angine ?
Une angine doit toujours être surveillée car la propagation de l’infection autour de l’amygdale peut se produire.
• Cette propagation de l’infection peut être locorégionale : quelle que soit la localisation, la présentation clinique s’aggrave : la douleur à la déglutition (« dysphagie ») se majore avec apparition d’une hypersalivation (« hypersialorrhée »), de douleurs cervicales, l’installation d’un essoufflement et d’une fièvre élevée altérant de l’état général.
Il peut s’agir d’un « phlegmon péri-amygdalien » qui réalise une collection de pus dans l’espace où se tient l’amygdale (la « loge amygdalienne ») : il se caractérise par une fièvre élevée, une dysphagie très douloureuse avec hyper-salivation (« hypersialorrhée »), parfois même une impossibilité de l’alimentation (« aphagie »), une douleur de l’oreille (« otalgie »), une contracture de la mâchoire (« trismus »). Un bombement d’un côté de la gorge refoule l’amygdale et la luette est œdématiée, repoussée du côté opposé. Plusieurs ganglions inflammatoires siègent dans la région sous angulo-maxillaire. L’antibiothérapie sera débutée avec une céphalosporine de 3ème génération par voie intraveineuse et en milieu hospitalier. En l’absence d’évolution favorable sera indiqué un drainage chirurgical avec prélèvement bactériologique du pus (anaérobies, streptocoque, entérocoque, staphylocoque doré).
L’abcès rétropharyngé est situé dans l’espace en arrière de la gorge (espace « rétropharyngé »). Les douleurs du cou sont intenses avec un torticolis et l’alimentation est impossible. A l’examen, il existe une voussure de la paroi postérieure de la gorge. Les complications de cet abcès sont respiratoires (par œdème laryngé et obstruction aérienne) et l’extension de l’infection est possible dans la poitrine (au « médiastin »). La collection doit être évacuée chirurgicalement en urgence.
• Les complications peuvent être générales ou « post-streptococciques »
Ce sont surtout des complications inflammatoires tardives apparaissant après un intervalle libre suivant l’infection initiale. Les personnes les plus exposées sont les enfants âgés de plus de 4 ans et les adolescents ou les personnes avec des antécédents personnels ou familiaux de « Rhumatisme articulaire aigu ». Le syndrome inflammatoire clinique et biologique y est constant.
Le rhumatisme articulaire aigu (ou RAA) débute 15 à 20 jours après l’angine initiale, soit de façon brutale et parlante par une polyarthrite, soit insidieusement en cas de « cardite » modérée inaugurale. Il existe une relation inverse entre la gravité de l’atteinte articulaire (polyarthrite), qui est la plus fréquente, et le risque de développement d’une atteinte cardiaque.
Les problèmes cardiaques (atteinte des valves = « endocardite ») représentent l’élément essentiel du pronostic. Elles sont d’autant plus fréquentes que le sujet est plus jeune. Des troubles cutanés (« nodosités de Meynet » ou « érythème marginé ») et des manifestations nerveuses à type de bouffées de gestes incohérents (« chorée de Sydenham ») sont souvent associés. Les signes généraux sont présents : fièvre, douleurs du ventre liées à une « adénolymphite mésentérique » ou à un foie cardiaque, augmentation des globules blancs, élévation des marqueurs de l’inflammation.
Une atteinte rénale inflammatoire ou « glomérulonéphrite post-streptococcique » est également possible : il s’agit d’une atteinte immuno-allergique du rein qui débute brutalement 10 à 20 jours après l’infection streptococcique, avec des œdèmes localisés au bas du dos et aux membres inférieurs, une diminution du volume urinaire (« oligurie »), une pâleur, et parfois des nausées et des vomissements. L’hypertension artérielle est le plus souvent modérée. Le tableau clinique peut être plus discret, mais les œdèmes et l’hématurie sont des éléments constants. L’examen des urines met en évidence une perte de sang dans les urines (« hématurie ») et la présence de quantités modérées de protéines dans les urines (« protéinurie ») (moins de 2grammes/m2/24h). L’évolution est en général favorable en 2 à 6 mois, sans séquelles. Les éléments de bon pronostic sont l’oligurie initiale modérée et la régression rapide de la protéinurie.
Une éruption cutanée assez typique est « l’érythème noueux post-streptococcique » ou « érythème noueux ». Le streptocoque A est la troisième cause d’érythème noueux en France, mais il touche plutôt l’adulte. Il s’agit d’une « dermohypodermite » nodulaire aiguë siégeant sur la face d’extension des membres qui évolue favorablement en 8 à 15 jours.
Comment prévenir l’angine ?
L'angine, qu'elle soit virale ou bactérienne est une infection contagieuse. Quand on souffre d'un mal de gorge, il est donc conseillé d'éviter le contact rapproché avec les autres, en particulier les enfants (baiser). Le port d'un masque peut être efficace. Enfin, les mesures d'hygiène classiques comme un lavage soigneux des mains sont de mises.
Faut-il enlever les amygdales ?
Solution radicale, l'amygdalectomie est l'intervention chirurgicale au cours de laquelle les amygdales sont enlevées. Cette opération est nettement moins pratiquée qu'autrefois mais garde quelques indications : en cas d’amygdalite récidivante, en cas d'infection de l'amygdale à streptocoque ß-hémolytique du groupe A et de complication de rhumatisme articulaire aigu, et en cas d'hypertrophie des amygdales causant un syndrome d'apnées du sommeil. Elle est généralement réalisée chez l’enfant.
L'angine en France
L'angine est une maladie très courante. On estime que neuf millions d'angines surviennent chaque année.
Les liens de l'angine
Le site de l’angine du Collège Français d’ORL
http://www.orlfrance.org/college/DCEMitems/DCEMECNitems77.html
Les liens Pourquoi Docteur
Mal de gorge : un test pour consommer moins d’antibiotiques
Tests d'angine : les médecins s'opposent à la vente en pharmacie
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