Embolie pulmonaire : des signes d’alerte précèdent souvent l’accident
Une embolie pulmonaire est une obstruction brutale, partielle ou totale, d'une ou plusieurs artères des poumons par un caillot de sang. Fréquente, elle fait courir un risque vital si elle n’est pas prise en charge rapidement.
Des mots pour les maux
L’embolie pulmonaire est provoquée par la migration d’un caillot de sang, ou « thrombus » qui va boucher une artère du poumon.
Qu'est-ce qu’une embolie pulmonaire ?
Une embolie pulmonaire correspond à la migration d'un caillot (« thrombus »), qui s’est formé dans une veine (le plus souvent au niveau des jambes), via la circulation générale, jusqu’à une artère du poumon où il va se bloquer (dès que le calibre de celle-ci devient inférieur à la taille du caillot) : une embolie de petite taille sera distale, alors qu’un caillot de grosse taille pourra boucher une grosse artère.
Au stade initial dit de « phlébo-thrombose », le caillot est peu adhérent à la paroi de la veine et les risques de migration sont élevés. Secondairement, la réaction inflammatoire de la paroi veineuse et l'organisation du caillot rendent ce dernier plus adhérent. Au 5ème jour, l'adhérence est obtenue et les risques d'embolie sont moindres.
L’obstruction d’une artère pulmonaire par le caillot va entraîner une augmentation des « résistances artérielles pulmonaires », d'autant plus importante que le nombre d’artères, ou la grosseur des artères (« l'indice d'obstruction vasculaire »), est plus élevé.
Constante quand l’occlusion artérielle pulmonaire est supérieure à 30 % du lit vasculaire, la résistance à l’écoulement du sang est aggravée par la vasoconstriction artériolaire et peut atteindre des valeurs très élevées qui provoquent une hypertension artérielle dans les artères pulmonaires (hypertension artérielle pulmonaire) et une dilatation avec dysfonctionnement du cœur droit.
L’embolie est d’autant plus grave qu’elle est de grande taille ou qu’elle survient sur un poumon altéré.
Quels en sont les signes de l’embolie pulmonaire ?
La grande variété des manifestations inaugurales de l'embolie pulmonaire, ainsi que le manque de spécificité des signes, expliquent les difficultés du diagnostic et le fait que l'embolie pulmonaire soit souvent méconnue.
L'obstruction brutale d'une ou de plusieurs branches de l'artère pulmonaire s'accompagne à différents degrés de manifestations d'essoufflement (« dyspnée ») d’autant plus sévères que l’embolie est importante, d'une accélération de la fréquence cardiaque (« tachycardie »), de douleurs de la paroi du thorax (le plus souvent latérale, mais parfois en arrière du sternum et simulant un infarctus du myocarde), d'une toux irritative, avec parfois crachat sanglant tardif. Une anxiété inexpliquée peut accompagner l’essoufflement.
Les formes d'embolie pulmonaire les plus graves peuvent être responsables d’une perte de connaissance ou « syncope » lors de la mise en position debout (toujours en rapport avec une embolie pulmonaire grave), d'une chute sévère et inaugurale de la tension artérielle (état de choc ou « collapsus), et parfois d’une mort subite (exceptionnellement inaugurale et, la plupart du temps, en rapport avec une récidive d'embolie pulmonaire).
Une embolie de la base du poumon peut simuler une douleur du ventre (« hypochondre ») et orienter à tort vers une maladie urgente touchant le ventre (« syndrome abdominal chirurgical »).
Quelles sont les causes de l’embolie pulmonaire ?
Toutes les circonstances favorisant l'immobilisation et l'alitement prolongés s'accompagnant d'une « stase sanguine », c'est-à-dire un ralentissement de la circulation dans les veines des jambes, favorisent la formation d’un caillot (« phlébite ») qui peut ensuite migrer dans la veine vers le cœur droit et le poumon.
La thrombose veineuse concerne presque toujours les veines profondes des jambes ou du petit bassin, plus rarement la « veine cave inférieure » (qui draine les veines de la partie inférieure du corps, et les veines rénales. Exceptionnellement, la thrombose peut naître directement dans les cavités cardiaques droites, à l'occasion d'une maladie telle qu'une endocardite infectieuse, d’une maladie tumorale ou parasitaire (échinococcose alvéolaire) ou à l'occasion d'une maladie thrombosante diffuse.
Tout acte chirurgical comportant une anesthésie générale et une position couchée, même de courte durée, comporte un risque de thrombose veineuse profonde, particulièrement la chirurgie du petit bassin, la chirurgie orthopédique (surtout les opérations de la hanche), les immobilisations plâtrées, la chirurgie du cancer.
D'autres maladies, qui favorisent également la stase sanguine, sont fréquemment associées à la formation de phlébites (« thromboses veineuses profondes »), en particulier l'insuffisance cardiaque qui peut, elle-même, être secondaire à une maladie de valves du cœur (« valvulopathie »), à une maladie des artères coronaires (« insuffisance coronarienne ») ou à une maladie du muscle cardiaque (« cardiomyopathie »).
Toutes les maladies qui imposent un alitement prolongé peuvent être en cause : maladies infectieuses, cancers du sang (« hémopathies »), augmentation du nombre de globules rouges (« polyglobulies »), cancers en particulier ceux de l’estomac, du pancréas et des poumons.
Les altérations de la paroi des veines peuvent être responsables d’une embolie pulmonaire (après un traumatisme ou une phlébite).
Il existe des anomalies sanguines constitutionnelles ou acquises (thrombopénie à l'héparine) qui peuvent prédisposer à la survenue de thromboses veineuses. Dans le sang, le système de la coagulation est formé de plusieurs protéines qui s’activent en cascade = « cascade de la coagulation ») : c’est le cas dans les déficits congénitaux en facteur antithrombine III, en protéine S, en protéine C ou dans le cas d’un déficit du système fibrinolytique physiologique. Ces anomalies de la coagulation peuvent être identifiés dans 6 à 7 % des thromboses veineuses.
Le risque d'embolie serait également multiplié par deux lorsque l’on reste trop longtemps immobile devant un écran quel qu'il soit. Le risque est maximal chez les individus de moins de 60 ans qui regardent en moyenne 5 heures de télévision quotidiennement et il est 6 fois plus élevé que chez les personnes du même âge qui ne restent que 2 heures ou moins devant un écran.
Contrairement à des idées reçues les thromboses et les embolies sont rares après un accouchement ou un avortement.
En revanche, la contraception avec certaine pilules (dites de 3e et 4e génération), pourtant faiblement dosées en hormones, favorise nettement l’embolie pulmonaire, en particulier quand la prise de ces pilules est associée à d’autres facteurs de risque de thrombose.
Très rarement, l'embole est constitué de matériel en rapport avec un cancer, graisseux, amniotique, gazeux, septique ou parasitaire.
Quelles sont les complications de l’embolie pulmonaire ?
La sévérité de l’embolie pulmonaire repose moins sur l’importance de l’atteinte anatomique que sur le risque de décès précoce qui en découle.
Ce risque est maintenant bien stratifié par des scores qui tiennent compte des signes cliniques d’état de choc, d’hypotension artérielle, des signes de surcharge du ventricule droit avec dilatation de ce ventricule, qui peut être observée en échocardiographie et sur un scanner, et une augmentation de ses pressions évaluée en écho-doppler et par des marqueurs sanguins (dosage du BNP ou du NT-pro-BNP), ainsi que par l’atteinte du muscle cardiaque (« myocarde ») qui est au mieux évaluée par une augmentation dans le sang d’un marqueur de souffrance myocardique : la troponine.
Une dysfonction ventriculaire droite associée à une atteinte myocardique définit un haut risque de décès. En revanche, l’absence de dysfonction ventriculaire droite et d’atteinte myocardique représente un faible risque de décès.
Quand faut-il évoquer une embolie pulmonaire ?
L’analyse des cas d’embolie pulmonaire révèle que le plus souvent une embolie pulmonaire a été précédée de signes d’alerte : gros mollet douloureux ou crampe atypique du mollet ou petits épisodes d’essoufflement brutal, survenant dans un contexte qui favorise la stase veineuse ou les troubles de la coagulation.
Comment diagnostiquer une embolie pulmonaire ?
La douleur de la poitrine et la sensation de gêne respiratoire prédominent assez souvent sur les autres signes au cours d’une embolie pulmonaire. Par contre, l’examen clinique du médecin est remarquable par sa pauvreté.
• Le tableau caractéristique de l'embolie pulmonaire est celui d’un essoufflement (« dyspnée ») sans raison apparente. Une chute de la pression artérielle, a fortiori accompagnée de signes d’insuffisance cardiaque droite, et d'une réduction du volume des urines émises (« diurèse ») témoigne d’une embolie pulmonaire grave. Les signes patents de phlébite ou de thrombose veineuse profonde n'existent que dans un cas sur deux. Dans les embolies pulmonaires gravissimes, le tableau peut être celui d'un état de choc avec dyspnée, cyanose et lividités périphériques.
• Le diagnostic d'embolie pulmonaire fait appel à différents examens. Certains d'entre eux comme la radiographie du thorax, « l'électrocardiogramme » (mesure de l’activité électrique du cœur), la « gazométrie sanguine » (mesure de la concentration en oxygène et en gaz carbonique dans le sang), le dosage sanguin des « D-dimères » (produits spécifiques de dégradation de la fibrine qui est dans le caillot) sont des examens de débrouillage.
La radiographie du poumon, réalisée au lit et en urgence, est rarement de bonne qualité. L’électrocardiogramme, comme l’échocardiographie, peuvent mettre en évidence la mauvaise tolérance cardiaque d’une embolie pulmonaire grave, mais aucun signe n’est spécifique de l’embolie pulmonaire elle-même. Un taux normal de D-Dimères (inférieur à 500 ng/ml) permet d'écarter le diagnostic de thrombose en évolution. Un taux élevé de D-Dimères ne permet cependant pas de l'affirmer (bonne sensibilité mais mauvaise spécificité).
L’échocardiographie (notamment par voie transœsophagienne) peut visualiser parfois directement le caillot dans une branche de l’artère pulmonaire.
• Le diagnostic de certitude repose sur la réalisation d'une scintigraphie pulmonaire et surtout d'un angioscanner du poumon (scanner avec injection d’un produit de contraste dans le sang). Ces examens permettent en effet de visualiser la présence du thrombus à l'intérieur de l'arbre pulmonaire artériel, et de quantifier la sévérité du retentissement de l'obstruction artérielle.
La scintigraphie pulmonaire de perfusion permet de visualiser un défaut de perfusion dans l’arbre artériel pulmonaire, et autorise un diagnostic définitif dans 30 % des cas. Si le doute persiste, l’angioscanner thoracique a récemment démontré ses possibilités diagnostiques. Lorsque le doute persiste encore (c’est-à-dire lors d’embolie pulmonaire minime), l’examen de référence reste l’angiographie pulmonaire, consistant en une opacification des artères pulmonaires, permettant alors la visualisation directe du caillot.
La tendance aujourd'hui est de privilégier les examens diagnostiques non invasifs tels que le scanner thoracique spiralé ou la scintigraphie pulmonaire. La réalisation d'une échographie cardiaque a une valeur pronostique importante qui permet dans le même temps d'évaluer la sévérité de l'embolie pulmonaire, en appréciant sa répercussion sur les cavités cardiaques droites (la gêne par les caillots au passage du sang dans les artères des poumons entraîne une hyperpression et une dilatation du circuit en amont, en particulier au niveau du ventricule droit).
Enfin, un écho-Doppler veineux des membres inférieurs est systématiquement réalisé, à la recherche d'une phlébite.
Quand faut-il consulter un médecin ?
Toute suspicion d’embolie pulmonaire doit conduire à consulter en urgence à l’hôpital.
Quels sont les principes du traitement d’une embolie ?
Le traitement est urgent. Il est adapté à chaque malade en fonction de la gravité clinique et sera toujours débuté à l’hôpital.
Il fait appel à un apport en oxygène (« oxygénothérapie ») et surtout à un traitement anticoagulant qui doit être débuté en urgence.
Celui-ci peut faire appel à différents médicaments anticoagulants, soit par voie injectable (héparines), soit par voie orale (anti-vitamines K et anticoagulants oraux directs).
Dans certains cas, il est nécessaire d’envisager un traitement visant à dissoudre les caillots (« thrombolyse »), à les retirer chirurgicalement (« thrombectomie » ou « embolectomie ») sous circulation extracorporelle.
Dans certains cas, la mise en place d’un dispositif permettant une interruption partielle ou totale de la veine cave inférieure peut être envisagée.
Quel est le traitement d’une embolie pulmonaire sans gravité immédiate ?
Le traitement anticoagulant par héparine non fractionnée, relayé par les anticoagulants oraux demeure la règle.
Les héparines de bas poids moléculaire ont été démontrées aussi efficaces et probablement plus sures que l'héparine non fractionnée (fréquence des complications hémorragiques et fréquence de la thrombopénie induite) dans la thrombose veineuse profonde.
En l'absence de thrombopénie à l'héparine, le relais par les anti-vitamines K ou anticoagulants directs est réalisé dès le 5ème jour. En cas de faible gravité, le traitement ambulatoire de l’embolie pulmonaire peut désormais être envisagé avec les anticoagulants oraux directs.
Le maintien du traitement anticoagulant anti-vitamine K ou anticoagulant direct est variable en fonction de la cause de l’embolie pulmonaire. Il est généralement maintenu de 3 à 6 mois. Il peut être définitif si la cause de la thrombose veineuse persiste.
Quel est le traitement d’une embolie pulmonaire grave ?
Le pronostic immédiat de ces embolies pulmonaires a été transformé par le traitement thrombolytique qui permet une restauration rapide de la circulation du sang dans le poumon. Il est ajouté au traitement anticoagulant par anti-vitamine K ou anticoagulant direct.
Le traitement chirurgical est désormais rarement nécessaire. Il n'est appliqué qu'en cas d'embolie pulmonaire menaçant le pronostic vital chez un malade ayant une contre-indication formelle à l'usage des thrombolytiques ou il pourra se discuter lorsque les thrombolytiques auront fait la preuve de leur inefficacité.
Cependant, il n'est pas établi que le traitement thrombolytique modifie le pronostic vital faute d'étude scientifique valide contre héparine. On admet cependant qu'il est indiqué en cas de perturbations cliniques et hémodynamiques sérieuses.
Le maintien du traitement anticoagulant anti-vitamine K ou anticoagulant direct est variable en fonction de la cause de l’embolie pulmonaire.
Comment prévenir une embolie pulmonaire ?
Le traitement préventif de la phlébite est indispensable chez tous les malades à risque de thrombose veineuse en raison d’une immobilisation au lit que ce soit en médecine, ou après la chirurgie, en gynécologie-obstétrique, voire dans certains cas de cancers.
Cette prévention passe par la prescription d'héparine, en particulier d’héparine à bas poids moléculaire.
En cas de facteurs de risque de thrombose, la pilule contraceptive est contre-indiquée chez la femme jeune.
Comment prévenir une récidive d’embolie pulmonaire ?
Sous traitement bien conduit, les récidives d’embolie pulmonaires sont rares : elles sont observées dans moins de 10 % des cas. En revanche, en l'absence de traitement, ou sous traitement insuffisant, elles sont fréquentes, observées dans 25 % des cas, et représentent le principal risque de la maladie.
Elles peuvent conduire à la détérioration de l’état du malade, avec survenue de signes de gravité ou entraîner la mort.
Les récidives d’embolies pulmonaires nécessitent un traitement anticoagulant prolongé, au moins 6 mois, voire 18 mois. Il sera définitif dans certains cas (déficit du système fibrinolytique physiologique avec risque d’évolution vers le cœur pulmonaire chronique).
Les indications d'interruption de la veine cave inférieure sont désormais extrêmement limitées. On admet que l'interruption partielle de la veine cave inférieure par « filtre endocave » est licite dans deux circonstances seulement :
Soit en cas de récidive d'embolie pulmonaire formellement documentée en dépit d'un traitement anticoagulant parfaitement surveillé et conduit, soit en cas de contre-indication formelle, absolue et définitive à l'usage du traitement anticoagulant chez des sujets exposés à un risque élevé de thrombose veineuse profonde récidivante et/ou d'embolie pulmonaire récidivante.
L’embolie pulmonaire en France
L’embolie pulmonaire représenterait 100 000 cas par an en France, avec 10 000 à 20 000 décès.
Elle concerne un français sur 1000 et sa prise en charge reste compliquée par le fait qu’elle concerne plusieurs spécialités
Les liens l’embolie pulmonaire
Le site de la Fédération Française de Cardiologie
http://www.fedecardio.org/votre-coeur/maladies/lembolie-pulmonaire
Les liens Pourquoi Docteur
Phlébite : une thrombose veineuse qui peut se compliquer
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