Diabète et œil : la rétinopathie diabétique augmente avec le mauvais contrôle glycémique
La rétinopathie diabétique résulte d’un taux de sucre trop élevé de façon prolongée. Elle n’est jamais présente au diagnostic du diabète de type 1, à la différence de celui du diabète de type 2, car elle a pu y être précédée par des années d’hyperglycémie modérée et ignorée.
Des mots pour les maux
L’élévation du sucre dans le sang (« hyperglycémie ») est à l’origine d’une atteinte des petits vaisseaux sanguins (atteinte « microvasculaire »).
A l’œil, cette atteinte microvasculaire se traduit par une souffrance des petits capillaires rétiniens, à l’origine d’une « rétinopathie », proliférante ou non-proliférante.
Qu'est-ce qu’une rétinopathie diabétique ?
La rétinopathie diabétique est une complication de l’hyperglycémie sur le long cours. Sa fréquence augmente donc avec la durée du diabète, surtout si celui-ci est mal contrôlé. Après 15 ans d’évolution, la rétinopathie diabétique touche 80 à 90 % des diabétiques de type 1 et au moins la moitié des diabétiques de type 2. Son évolution est initialement très discrète et les signes qui témoignent de la baisse de la qualité de la vision (« l’acuité visuelle ») sont généralement tardifs : il ne faut pas les attendre pour mieux équilibrer le traitement.
Le risque associé à la rétinopathie diabétique est celui de l’apparition d’une prolifération de vaisseaux sanguins anormaux (« néovaisseaux ») au niveau de l’organe sensoriel de l’œil, la « rétine » : c’est ce que l’on appelle une « rétinite ou rétinopathie proliférante ».
Cette prolifération de vaisseaux sanguins se développe à partir de la périphérie de la rétine, ce qui fait que son centre, que l’on appelle la « macula », et qui est la partie de la rétine qui permet de voir les détails fins, est atteint tardivement. En plus d’une prolifération de néovaisseaux, cette rétinopathie se double d’un œdème de cette macula.
Deux types de rétinopathie sont distingués. Le premier est la « forme non proliférative » où l'atteinte prédomine sur les vaisseaux normalement présents dans la rétine et qui deviennent anormaux (dilatations = « micro-anévrismes », hémorragies). La deuxième est la « forme proliférative » avec formation de néovaisseaux avec les mêmes complications. Les néovaisseaux peuvent, en plus, coloniser le vitré, ce qui peut causer des hémorragies vitréennes, des tractions sur la rétine, éventuellement être à l’origine d'un décollement de la rétine.
On peut éviter les stades tardifs handicapants de la rétinopathie diabétique par un dépistage systématique (examen ophtalmologique au diagnostic, puis annuel), parallèlement à une optimisation de l’équilibre glycémique et du contrôle tensionnel. Le traitement laser (« photocoagulation ») est envisagé si la rétinopathie est proliférante ou pré-proliférante sévère.
Quelles sont les causes de la rétinopathie diabétique ?
L’élévation prolongée du sucre (« glycémie ») dans le sang, ou « hyperglycémie chronique », est la principale cause de la rétinopathie chronique. Elle est directement responsable d’une atteinte du revêtement interne des artères de tout calibre (« l’endothélium ») : le glucose en excès dans le sang entre de façon non régulée et donc en trop grande quantité dans les cellules de la paroi des vaisseaux sanguins (cellules endothéliales, cellules musculaires lisses et autres). Ceci aboutit à une souffrance de la paroi interne des petits vaisseaux sanguins (« souffrance endothéliale ») qui va en perturber le fonctionnement (« dysfonction endothéliale ») et les expose à une détérioration.
Dans l’œil, les petits vaisseaux de la rétine vont donc avoir une paroi épaissie, mais avec une perméabilité paradoxale, anormale, à diverses protéines et lipoprotéines. Les petits vaisseaux et les capillaires rétiniens vont se mettre à fuir, provoquant hémorragies et exsudats, mais ils peuvent aussi se boucher du fait de l’épaississement de la paroi. La conséquence est un défaut d’oxygénation (« ischémie ») de certaines parties de la rétine qui, en réaction, vont sécréter des substances (« facteur de croissance de l’endothélium vasculaire ») à l’origine d’une prolifération de capillaires anormaux (« néovascularisation »). L’hyperperméabilité capillaire est responsable de l'apparition d'un œdème rétinien et généralement maculaire qui va être à l’origine de la baisse de la vision.
Quelles sont les autres atteintes de l’œil au cours du diabète ?
D’autres complications sont possibles au niveau de l’œil au cours du diabète. L’opacification de la lentille responsable de l’accommodation de l’œil, le « cristallin », appelée « cataracte », est ainsi plus fréquente et plus précoce chez les diabétiques. L’hypertension de l’œil, ou « glaucome néovasculaire », est une forme de glaucome chronique à angle ouvert, devenue très rare en France. Son association avec le diabète reste cependant controversée.
De la même façon que l’atteinte microvasculaire est à l’origine d’une atteinte des nerfs (« neuropathie diabétique »), les paralysies de l’œil (« paralysies oculomotrices ») peuvent concerner les nerfs crâniens (atteintes des nerfs crâniens III, IV ou VI). Ces neuropathies diabétiques sont généralement isolées. Elles ne s’accompagnent pas d’autres atteintes neurologiques et elles régressent habituellement spontanément en quelques mois avec l’amélioration du contrôle du diabète. Il s’agit donc de manifestations de « mononeuropathie diabétique ».
Comment peut-on dépister une rétinopathie diabétique ?
La baisse de l’acuité visuelle est très tardive au cours de la rétinopathie diabétique, et il n’est pas question de l’attendre pour débuter le traitement. Des recommandations médicales ont donc été mises au point et, selon celles-ci, il est recommandé de réaliser un examen ophtalmologique systématique dès le diagnostic du diabète, puis une fois par an :
– Evaluation de l’acuité visuelle.
– Mesure de la pression intraoculaire (glaucome plus fréquent).
– Evaluation de la transparence du cristallin (cataracte plus précoce).
– Fond d’œil (FO) après dilatation de la pupille.
– Angiographie rétinienne (injection d’un produit de contraste dans les artères rétiniennes pour en évaluer les altérations) en cas de lésions au fond d’œil.
De plus en plus souvent, la consultation ophtalmologique annuelle est remplacée chez les diabétiques qui n’ont pas de rétinopathie connue par un dépistage au « rétinographe » (photographie du fond d’œil sans dilatation). Celui-ci peut être réalisé par un personnel paramédical entraîné et les images sont ensuite adressées en télémédecine pour une lecture spécialisée différée.
Comment faire le diagnostic de rétinopathie diabétique ?
Le diabétique ne perçoit pas la maladie de l’œil à ses débuts, et les troubles de la vision vont signer une atteinte évoluée et irréversible. Le diagnostic repose donc sur le dépistage qui se fait grâce au fond d'œil, celui-ci pouvant être complété par une angiographie par fluorescence (fond d’œil avec utilisation d’un marqueur fluorescent pour mieux voir les vaisseaux sanguins). Le fond d'œil fait donc partie du bilan systématique de tout diabétique et doit être répété annuellement.
Les examens cliniques consistent en un « examen biomicroscopique » du fond d’œil après dilatation pupillaire ou, de plus en plus souvent, en une photographie du fond d’œil sans dilatation (« rétinographie »), avec télé-analyse différée des photographies en centre de référence.
Les signes de rétinopathie généralement retrouvés au fond d’œil sont :
- Des « microanévrismes », ou hémorragies punctiformes, qui se manifestent par des lésions punctiformes rouges, très petites, prédominant au pôle postérieur.
– Des « nodules cotonneux » qui sont des lésions blanches superficielles de petite taille et qui correspondent à une occlusion des « artérioles précapillaires ».
Des signes plus sévères peuvent apparaître avec des « hémorragies intrarétiniennes en tache », de plus grande taille que les punctiformes, des dilatations veineuses irrégulières « en chapelet », ou boucles veineuses, des « anomalies microvasculaires intrarétiniennes » (ou AMIR) et qui correspondent à des dilatations et télangiectasies vasculaires, sortes de néovaisseaux, mais dans l’épaisseur de la rétine. Lorsque ces derniers signes sont présents et nombreux, ils définissent un stade de préprolifération.
Il existe également des signes de néovascularisation avec des « néovaisseaux prérétiniens et prépapillaires », tels que « lacis » ou « pelote vasculaire », des « hémorragies prérétiniennes ou intravitréennes » (qui donnent une baisse de l’acuité visuelle brutale) qui, après résorption, vont laisser une contraction du tissu fibreux de soutien des néovaisseaux, tirant sur la rétine au risque de la décoller.
Au niveau maculaire, on peut également observer un épaississement rétinien avec « œdème maculaire », un « aspect cystoïde » dans les cas sévères, par formation de « microkystes intrarétiniens » et des « exsudats » : dépôts de lipoprotéines, blanc jaunâtre, en couronne autour des anomalies microvasculaires.
D’autres examens spécialisés en ophtalmologie peuvent être réalisés. Il s’agit tout d’abord d’une angiographie à la fluorescéine qui peut préciser le stade et l’évolutivité d’une rétinopathie au moment de son diagnostic. Elle permet de visualiser particulièrement bien les zones ischémiques et les problèmes de perméabilité capillaire (fuites de fluorescéine à partir des capillaires). Une tomographie en cohérence optique (OCT) peut être demandée, car elle permet de mesurer l'épaisseur de la rétine, d'apprécier l'existence d'un gonflement rétinien et d'une traction vitréo-maculaire et donc de détecter l’œdème maculaire
Comment classe-t-on les rétinopathies diabétiques ?
Le fond d’œil permet de classer les rétinopathies diabétiques en différents stades, du moins grave au plus grave :
• Absence de rétinopathie diabétique à l'examen biomicroscopique.
• Rétinopathie diabétique non proliférante minime : quelques microanévrismes et quelques microhémorragies, éventuellement une légère diffusion du colorant.
• Rétinopathie diabétique non proliférante modérée : nombreux microanévrismes et hémorragies rétiniennes, petits territoires d'ischémie.
• Rétinopathie diabétique pré-proliférante : vastes surfaces d'ischémie visibles à l'angiographie, vastes hémorragies, veines moniliformes ou en chapelet.
• Rétinopathie diabétique proliférante minime : néovaisseaux prérétiniens sur une surface inférieure à une demi-papille.
• Rétinopathie diabétique proliférante modérée : néovaisseaux prépapillaires dans moins d'un tiers de la surface papillaire, néovaisseaux prérétiniens dans une surface supérieure à une demi-papille.
• Rétinopathie diabétique proliférante sévère : néovaisseaux papillaires sur plus d'un tiers de la surface papillaire.
• Rétinopathie diabétique proliférante compliquée d'hémorragie du vitré, de décollement de rétine par traction ou de glaucome néovasculaire.
• Maculopathie diabétique œdémateuse.
• Maculopathie ischémique.
Quels sont les facteurs favorisant une évolution rapide de la rétinopathie ?
Certaines situations peuvent favoriser une évolution rapide de la rétinopathie et nécessitent donc une surveillance rapprochée. Il s’agit tout d’abord de l’adolescence, qui est un argument supplémentaire pour les schémas d’administration de l’insuline en multi-injections ou à la pompe.
La programmation d’une grossesse impose également le bilan préalable des complications rétiniennes et leur prise en charge avant la grossesse. Une fois celle-ci débutée, il faudra prévoir une surveillance trimestrielle.
Un mauvais contrôle du diabète est bien sûr un facteur de risque de rétinopathie aggravée. Il s’agira de modérer les objectifs glycémiques à très court terme s’il existe une rétinopathie importante par un traitement préalable d’une zone ischémique avant l’intensification du traitement. Dans ces conditions, l’aggravation initiale va disparaître et les effets à long terme sur la rétinopathie sont démontrés.
Enfin, une aggravation de la rétinopathie est possible en cas de chirurgie de la cataracte, même s’il s’agit le plus souvent d’une meilleure évaluation de l’atteinte rétinienne dont l’intensité ne pouvait être correctement précisée en raison de la gêne à l’examen secondaire à la cataracte.
Que peut-on faire en cas de rétinopathie diabétique ?
Il existe plusieurs modalités de traitement qui sont diversement associées en fonction du type d’atteinte et du degré de sévérité.
L’amélioration de l’équilibre glycémique et le contrôle de la pression artérielle sont toujours de mise. Plusieurs études démontrent le bien-fondé de ce choix et la survenue d’une rétinopathie est une obligation de l’intensification du traitement antidiabétique et antihypertenseur.
Le principal élément pour surveiller la bonne stabilité du diabète est la mesure de « l'hémoglobine glyquée » (ou glycosylée) dans le sang, appelée « HbA1c ». Celle-ci ne doit pas dépasser la valeur-seuil de 7 %. Des valeurs supérieures témoignent d’un diabète instable ou mal équilibré qui peut entraîner l’aggravation de la rétinopathie, au même titre que les autres complications microvasculaires (reins, pieds, nerfs).
Pour la pression artérielle, il faut rester en dessous de 14/8. Il faut par ailleurs arrêter de fumer, atteindre un poids correct et vérifier qu’il n’y a pas d’hypercholestérolémie.
La « panphotocoagulation rétinienne » (ou PPR) consiste à fixer la rétine et vise à faire régresser la néovascularisation en périphérie des zones ischémiques. Elle est indiquée dans toutes les formes de rétinopathie proliférante, progressivement en fonction de l’évolution de la maladie. Elle est réalisée en ambulatoire, après anesthésie de l’œil par une goutte de collyre et pose d’un verre d’observation à 3 miroirs. Quatre à six séances de 500 impacts sont réalisées afin d’atteindre 2000 à 3000 impacts sur la rétine. On utilise un laser argon monochromatique vert ou bien un laser krypton en cas d'opacités (hémorragies du vitré). Les résultats sont généralement excellents et on voit disparaître les néovaisseaux dans les trois mois qui suivent le traitement. Cela permet d'éviter la cécité, mais la personne gardera un rétrécissement du champ visuel comme séquelle.
Certaines rétinites diabétiques proliférantes peuvent nécessiter une photocoagulation en urgence et le patient est alors hospitalisé pour ce traitement car il s'agit d'une course contre la montre : s'il se produit une hémorragie du vitré sévère, tout laser sera impossible.
En cas d'hémorragie du vitré on peut être amené à remplacer le vitré en faisant au préalable une « vitrectomie ». Cette opération chirurgicale s'accompagnera d'un traitement laser per-opératoire « endoculaire ».
La photocoagulation laser peut être proposée en cas d’œdème maculaire : l'ophtalmologiste peut parfois réaliser une photocoagulation laser périmaculaire (« en grille » ou « grid »), mais l'indication est difficile à poser et la réalisation est délicate.
Dans les formes sévères, florides, ou lorsque les saignements persistent, les traitements par injection intraoculaire d’inhibiteurs du facteur de prolifération vasculaire, ou inhibiteur du VEGF (ranibizumab et bevacizumab), peuvent améliorer le pronostic visuel malgré un coût certain. Ils servent souvent à préparer la chirurgie : vitrectomie avec laser peropératoire.
Comment vivre avec une rétinopathie diabétique ?
L’éducation de la personne diabétique à sa maladie est fondamentale pour dépister la rétinopathie diabétique et éviter son aggravation.
L’amélioration de l’équilibre glycémique et du contrôle de la pression artérielle est toujours de mise au cours de la rétinopathie diabétique. La lutte contre les autres facteurs de risques cardiovasculaires y est toujours associée (arrêt du tabac, lutte contre l’hypercholestérolémie et le surpoids…).
La maladie ne se perçoit pas par le diabétique à ses débuts et les troubles de la vision signent fréquemment une atteinte évoluée et irréversible. Le dépistage et le suivi de la rétinopathie diabétique se font grâce au fond d'œil, qui peut être complété par une angiographie par fluorescence (fond d’œil avec utilisation d’un marqueur sanguin fluorescent pour mieux voir les vaisseaux sanguins).
Le fond d'œil ou une photographie du fond d’œil sans dilatation (« rétinographe »), avec analyse différée des photographies en centre de référence, doit être répété annuellement.
Les signes visuels (par exemple, des changements de la vision, une rougeur, une douleur) peuvent traduire l'évolution de la maladie et doivent être immédiatement signalés au médecin.
La « panphotocoagulation rétinienne » sera réalisée à la demande et en ambulatoire dans les formes proliférantes de rétinopathie, progressivement au fil du temps et en fonction de l’évolution de la maladie.
La rétinopathie diabétique en France
C’est la première cause de cécité en France chez les moins de 65 ans : elle touche 2 à 2,5 % de la population française, 90 % des patients ayant un diabète de type 2.
Les liens de la rétinopathie diabétique
Le site du groupe de malades en faveur de la recherche sur le diabète de type 1, le groupe ComPaRe Diabète, permet aux malades de participer activement à la recherche, via des questionnaires en ligne, et de bénéficier en priorité des avancées de cette recherche. Ce groupe est organisé par l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris.
Le site du Syndicat National des Ophtalmologistes de France
http://www.snof.org/encyclopedie/r%C3%A9tinopathie-diab%C3%A9tique-0
Le site de l’Hôpital National d’Ophtalmologie des Quinze-Vingts
https://www.quinze-vingts.fr/maladies_de_l_oeil/retinopathie_diabetique
Le site de l’Association Française des diabétiques
http://www.afd.asso.fr/diabete/complications/retinopathie
Les liens Pourquoi Docteur
Diabète de type 1, une maladie de plus en plus fréquente
Diabète de type 2, une véritable épidémie mondiale
Rétinopathie : les diabétiques suivis à distance
Diabète : 40 % des malades mal informés sur les risques au volant
Diabète : plus de 40 000 hospitalisations par an à cause des complications
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