Pneumologie
BPCO : remise en question de l’intérêt des morphiniques sur la dyspnée
Une étude a obtenu des résultats négatifs à huit jours de l'usage des morphiniques à faible dose dans le traitement de la dyspnée chronique sévère de sujets atteints de BPCO. Ces conclusions remettent en question une pratique démontrée dans les méta-analyses. Une prise de position va être nécessaire. D’après un entretien avec Capucine MORELOT-PANZINI.
Une étude australienne, dont les résultats sont parus en janvier 2022, dans le JAMA, a fait le point sur l’efficacité de la morphine à libération prolongée, à dose progressivement croissante chez des sujets atteints de BPCO et dyspnéiques. Pour ce travail, les auteurs ont donc cherché à déterminer l’effet de différentes doses de morphine à libération prolongée sur la pire dyspnée chez les sujets BPCO après 1 semaine de traitement. Il s’agit d’un essai clinique randomisé, multicentrique, en double aveugle et contrôlé par un groupe placebo. Au total, 160 sujets, avec un âge moyen de 72 ans, issus de 20 centres hospitaliers australiens ont été suivis entre septembre 2016 et décembre 2019. Les participants ont été randomisés en trois groupes, l’un recevant 8 mg de morphine au cours de la première semaine, l’autre recevant 16 mg de morphine et le troisième groupe étant un groupe placebo.
Un travail à la méthodologie solide
Le professeur Capucine MORELOT-PANZINI, chef du service de Pneumologie de l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, souligne qu’il s’agit de la seule étude randomisée évaluant l’efficacité de la morphine en forme LP utilisée dans le traitement de la dyspnée des patients atteints de BPCO et que c’est la première étude bien réalisée sur le sujet qui parait dans une revue prestigieuse. Elle explique que ce travail est solide puisque les patients ont été évalués à une semaine puis 3 semaines de traitement avec des doses progressivement croissantes de morphine. Deux groupes de patients traités ont été observés, l’un a reçu une dose de 8 mg de morphine par jour et l’autre une dose de 16 mg. De plus, un groupe placebo a été inclus dans l’étude. A la deuxième semaine, une dose de 8 mg a été ajoutée à la dose de la semaine précédente, avec toujours un groupe placebo. Les patients sous morphine ont reçu des laxatifs, et une forme laxative placebo a été instaurée chez les sujets ne recevant pas de morphine. Les auteurs ont évalué l’actimétrie et l’intensité de la « pire » dyspnée et Capucine MORELOT-PANZINI relève qu’aucune efficacité n’a été observée sur l ‘intensité de la dyspnée d’effort, ni sur l’actimétrie.
De sérieux doutes sur l’efficacité des morphiniques sur la dyspnée des patients BPCO
Capucine MORELOT-PANZINI explique que ces résultats provoquent un questionnement sur le bénéfice de la morphine chez les patients BPCO, bien que celle-ci ait déjà été décrite dans les méta-analyses. En effet, aucune critique majeure n’est à faire sur la méthodologie de ce travail ni sur les critères évalués, à savoir l’intensité de la dyspnée (critère principal), l’échelle anxiété-dépression et le bien-être global. Elle précise que, malgré un nombre relativement important de perdus de vue (environ un tiers) les résultats restent significatifs. Pour Capucine MORELOT-PANZINI, il est nécessaire que les experts se positionnent sur le sujet avant de maintenir la recommandation de la prescription de morphine chez les sujets BPCO présentant une dyspnée persistante, c’est-à-dire une dyspnée d’effort supérieure à 3 sur l’échelle numérique malgré une prise en charge optimale de la BPCO. Ces résultats mettent un grand coup de frein à cette prise en charge et selon, elle, il est important de proposer des alternatives thérapeutiques pour ces patients.
En conclusion, cette étude, à la méthodologie solide, remet en question l’efficacité de la morphine sur la dyspnée des sujets atteints de BPCO et il est urgent de se positionner dans le but d’établir des recommandations et de pouvoir éventuellement proposer un autre type de prise en charge pour ces patients.