Pneumologie
Oxygénothérapie à haut débit à domicile : une thérapie non anodine et coûteuse
L’oxygénothérapie à très haut débit à domicile pour prévenir les exacerbations de BPCO en hypercapnie chronique a un intérêt clinique significatif mais il s’agit d’une technique complexe et coûteuse qui doit être solidement validée avant d’en élargir la prescription. D’après un entretien avec Arnaud THILLE.
Une étude et son éditorial, parus en décembre 2022 dans l’American Journal of Respiratory Critical Care Medicine, a cherché à démontrer l’efficacité de l’oxygénothérapie à haut débit à domicile chez des patients atteints de BPCO. Il s’agit d’une étude japonaise pour laquelle les auteurs ont inclus 310 patients attiens de BPCO sévère et bénéficiant déjà d’une oxygénothérapie à domicile. Ces sujets ont été randomisés. La moitié d’entre eux a bénéficié d’oxygénothérapie à haut débit à domicile pendant 7 heures sur 24, la nuit. Le critère d’évaluation principal était le nombre d’exacerbations, tous degrés confondus. Les critères de jugement secondaires comprenaient la mortalité et le nombre de jours sans ventilateur.
Des résultats positifs significatifs
Le docteur Arnaud THILLE, réanimateur dans le service de médecine Intensive et Réanimation, de l’Hôpital Henri Mondor de Créteil, et auteur de cet éditorial, précise qu’il existe quelques études antérieures sur ce sujet mais que celle-ci est particulièrement bien réalisée. Elle apporte des résultats significatifs. Un apport de 30 litres/minute, via une turbine, alimente surtout avec de l’air, en gaz réchauffé, ce qui humidifie les voies aériennes et on observe alors moins d’exacerbations. Pour Arnaud THILLE, l’effet positif est surtout physiologique, puisque l’on n’observe pas de différence n qualité de vie ni au test de marche et une différence minime et non pérenne aux EFR. L’effet physiologique intéressant de l’oxygénothérapie à haut débit réside dans la baisse de la PCO2 par lavage de l’espace mort et dans la diminution du travail respiratoire, le gaz réchauffé et humidifié améliorerait le drainage bronchique.
Mais besoin d’une validation plus forte
Arnaud THILLE rappelle que l’utilisation de l’oxygénothérapie à haut débit en ville n’est pas anodine. Elle nécessite des moyens techniques et coûteux. Son intérêt doit donc être largement démontré. Les résultats de cette étude ont montré qu’elle avait permis d’observer moins d’épisodes d’exacerbations mais sans préciser s’il s’agit d’exacerbations modérées, nécessitant une antibiothérapie et une corticothérapies mais pas d’hospitalisation, ou d’exacerbations sévères nécessitant une hospitalisation et potentiellement une réanimation. Pour Arnaud THILLE, il s’agit d’une piste intéressante mais qui ne suffit pas à une prescription large de cette thérapeutique. Il estime qu’il ne faut pas de prescription d’oxygénothérapie à haut débit à domicile sans validation plus forte par de grandes études randomisées, plus volumineuses en termes de nombres de patients inclus et avec des critères plus précis, notamment concernant les hospitalisations et la mortalité. Le versant économique doit également être pris en compte. Avant de prescrire une thérapeutique coûteuse, on doit être certain de son efficacité. Les travaux à réaliser doivent évaluer les coûts afin de savoir si la diminution du nombre des hospitalisations balance le coût de l’oxygénothérapie à haut débit à domicile.
En conclusion, les résultats de cette étude représentent un signal intéressant mais encore insuffisant, tant en matière d’efficacité que de rapport coût /efficacité. De solides études doivent être réalisées avant une prescription plus large.