Pneumologie
Asthme : un potentiel mécanisme auto-immun
L’auto-immunité serait une explication de l'asthme sévère, d’après les résultats d’une étude récemment publiée mais cela ne bouleverse pas les croyances sur l’asthme et les discussions sont encore ouvertes, sur une explication qui demeure potentielle. D’après un entretien avec Pascal CHANEZ.
Une étude, dont les résultats sont parus en décembre 2022 dans l’European respiratory Journal, a cherché à décrire la prévalence et les caractéristiques cliniques des patients asthmatiques sévères chez qui les antécédents cliniques pourraient faire évoquer une maladie auto-immune. Pour cela, les auteurs ont inclus 148 patients chez qui ils ont analysé, dans des échantillons d’expectorations, les anticorps auto IgG (éosinophile péroxydase, les anticorps anti-nucléaires et le récepteur piégeur de macrophages à structure collagène. Ils ont ensuite évalué leur association avec les paramètres de la fonction pulmonaire des sujets, leur syndrome inflammatoire sanguin et respiratoire, les indices de gravité et le nombre d’exacerbations. Parmi les 18 patients, 107 ont bénéficié de la recherche d’un antécédent de maladie auto-immune, personnelle ou familiale. Les résultats ont montré que 55% des patients asthmatiques modérés à sévères présentaient une auto-réactivité des voies respiratoires persistante malgré un traitement anti-inflammatoire et cette auto- réactivité est associée à des exacerbations.
Pas de bouleversement de la « planète asthme »
Le professeur Pascal CHANEZ, chef du service de la Plate-forme Ambulatoire de Pneumologie de l’Hôpital Nord de Marseille, rappelle que l’équipe qui a réalisé ce travail jouit d’une très grande expérience dans l’analyse des expectorations induites et que leur cheval de bataille est de décrire l’asthme comme une maladie auto-immune .Dans la cohorte observée ici, ils ont retrouvé des marqueurs qui, lorsqu’ils sont présents à certain seuil qu’ils ont déterminé, augmentent le nombre d’exacerbations, quel que soit le traitement des patients mais pour Pascal CHANEZ cela ne change rien en termes de paramètres d’auto-immunité : ils ont trouvé le seuil des marqueurs mais cela ne bouleverse pas les connaissances sur l’asthme et sa prise en charge. Il souligne toutefois la qualité de ce travail, très descriptif, en précisant que la qualification de l’asthme en maladie inflammatoire auto-immune est un sujet qui intéresse les scientifiques depuis longtemps. Il précise que les manifestations auto-immunes comme la fièvre ou le syndrome sec, par exemple, sont peu retrouvées au cours de l’asthme et que la présence d’antécédents familiaux de maladie auto-immune n’est pas non plus significative. Pascal CHANEZ estime que les données biologiques sont correctes mais que l’association à un phénotype clinique particulier est décevante.
Pas de bilan d’auto-immunité à tous les asthmatiques
Pascal CHANEZ explique qu’il n’y a aucun intérêt à réaliser des bilans d’auto-immunité à tous les asthmatiques. Il rappelle que l’ancien dogme était de dire que lorsque l’on trouvait des asthmatiques non allergiques, c’est que l’on n’avait pas trouvé l’allergène. Les auteurs ont pointé du doigt un potentiel mécanisme auto-immun dans le développement de l’asthme mais selon Pascal CHANEZ, l’impression est que les auteurs avaient envie de donner cette perspective à partir d’un stock d’expectorations qu’ils ont incluses mais que ces résultats sont insuffisants pour changer la donne.
En conclusion, le caractère auto-immunitaire de l’asthme est pointé mais cela ne change pas la prise en charge et les bilans d’auto-immunité ne sont pas indiqués chez tous les asthmatiques. De gros travaux sont encore à réaliser pour arriver à tirer des conclusions définitives.