Pneumologie
Mucoviscidose : une correction de la bactéricidie par la trithérapie ?
La trithérapie (elexacaftor, tezacaftor, ivacaftor) corrigerait le déficit de la phagocytose et le défaut de bactéricidie monocytaire au cours de la mucoviscidose par une action sur les monocytes et les macrophages. La question est de savoir s’il s’agit d’un effet direct sur ces cellules ou d’un effet systémique. D’après un entretien avec Pierre-Régis BURGEL.
Une étude, dont les résultats sont parus en décembre 2022 dans l’European Respiratory Journal, a cherché à démontrer l’effet de la trithérapie modulatrice CFTR sur l’activité des monocytes et des macrophages au cours de la mucoviscidose. Il s’agit d’une étude italienne monocentrique ayant inclus 40 patients. Les auteurs sont partis du postulat que les monocytes et les macrophages des patients atteints de mucoviscidose avaient une activité phagocytaire et antimicrobienne défectueuse contre les agents principalement rencontrés au cours de cette maladie, notamment le Pseudomonas aeruginosa. Ils ont donc observé les monocytes et les macrophages de ces patients après un mois et après 6 mois de traitement par trithérapie et les ont comparés à des cellules de sujets témoins, après avoir infecté ces cellules par le Pseudomonas aeruginosa. Le stress oxydatif et la sécrétion d’IL-6 ont également été évalués.
Ce que l’on sait déjà de l’effet de la trithérapie
Le professeur Pierre-Régis BURGEL, responsable du Centre de Référence des Maladies Rares-Mucoviscidose, de l’adulte, à l’hôpital Cochin, à Paris, explique qu’il s’agit d’une étude mécanistique, dont l’intérêt pratique reste à discuter bien qu’elle soit intéressante et originale. Il rappelle que les effets cliniques de la trithérapie chez les patients atteints par la mutation deltaF508 sont connus et confirmés. L’action de la trithérapie sur les cellules glandulaires bronchiques de l’épithélium respiratoire est lié à la déshydratation du mucus, ce qui est déjà connu. En effet, la trithérapie favorise le « débouchage » des bronches en changeant la rhéologie du mucus et en le rendant plus fluide . Pierre-Régis BURGEL précise, qu’au cours de la mucoviscidose, les monocytes circulants sont défectueux et la défense contre le Pseudomonas aeruginosa est donc affaiblie. La trithérapie provoque un effet sur les cellules immunitaires, come les lymphocytes T, les monocytes ou les macrophages et une différence a été observée au niveau des monocytes après 1 mois et après 6 mois de traitement. On observe alors une amélioration du déficit en phagocytose et de la bactéricidie, bien que celle-ci ne soit pas complète. Une des explications serait que le stress oxydatif des monocytes des patients atteints de mucoviscidose étant très important, il serait réduit par la trithérapie.
Un manque d’expérience in vitro pour mieux qualifier cet effet sur les macrophages
Pierre-Régis BURGEL souligne, que malgré l’intérêt de cette étude explicative sur les effets de la trithérapie, aucune expérience in vitro n’a, à ce jour, été réalisée pour déterminer s’il s’agit d’un effet direct du traitement sur les cellules immunitaires ou d’un effet indirect. La trithérapie aurait un effet sur l’épithélium mais aussi sur les cellules immunitaires mais rien ne permet d’être certain que l’action sur les cellules immunitaires est un effet direct et non systémique. Il serait intéressant de démontrer précisément que ces effets sur les cellules inflammatoires contribuent aux effets clinques et qu’une partie des anomalies des macrophages observées au cours de la mucoviscidose pourrait être corrigée par la trithérapie.
En conclusion, en ciblant spécifiquement les cellules immunitaires avec la trithérapie, on peut contribuer à l’amélioration de la fonction pulmonaire des patients atteints de mucoviscidose ainsi qu’à l’augmentation de la bactéricidie, notamment sur le Pseudomonas aeruginosa.