Cardiologie
Fibrillation atriale : peut-on envisager la prise en charge ambulatoire de l’ablation ?
À l’occasion de la Semaine de la Fibrillation Atriale 2022, nous avons interviewé le Dr Guillaume Duthoit, cardiologue et rythmologue, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris, sur la question de la réalisation en ambulatoire d’une ablation de la fibrillation atriale
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L'ablation est une technique de traitement de la fibrillation atriale qui a maintenant une vingtaine d'années : quelles en sont pour vous les améliorations les plus intéressantes ?
Dans l’ablation, il y a eu plusieurs améliorations, tel l'apport de la cartographie en 3D couplé avec les cathéters de radiofréquences. Sur ces dix dernières années, on a eu aussi plusieurs technologies qui ont émergé en parallèle, mais toujours avec la 3D, comme des capteurs diagnostiques multiélectrodes qui permettent d'avoir des cartes beaucoup plus denses pour une anatomie plus précise des veines pulmonaires, mais aussi pour cartographier des flutters ou des maladies atriales complexes qui seraient, soit spontanées, soit séquellaires d'une ablation ou de chirurgie précédentes.
Dans le domaine de la radiofréquence, il y a eu également l'apport de cathéters de contact qui permettent d’obtenir de meilleures lésions, plus rapidement et avec plus de sécurité puisqu'on a un retour sur la force de contact exercée sur le tissu. Ces innovations dans la radiofréquence permettent de traiter toutes les formes de tachycardie atriale, la FA, les flutters gauches, mais également les ESV et les tachycardies ventriculaires
Mais depuis, d’autres entreprises ont développé des capteurs complètement dédiés à la FA en utilisant un ballon de cryothérapie : du protoxyde d'azote crée des glaçons et va isoler spécifiquement l'ostium de chacune des 4 veines pulmonaires à l’origine de la FA. Il y a eu différentes générations de ballons. Les premières étaient un peu fastidieuses à utiliser et il fallait faire deux ponctions transeptales, mais aujourd'hui, on a vraiment une technologie de cryoablation qui est très mature.
D'autres techniques ont été développées après la cryoablation, qui n’ont pas vraiment pris, notamment la radiofréquence multiélectrodes qui a suscité un engouement mais il y avait des réserves sur des complications thromboemboliques notamment.
Mais tout récemment, et c'est ça qui est vraiment une petite révolution en rythmologie et en cardiologie, c'est « l'électroporation » qui émerge depuis un an. On a la chance de la tester depuis le mois de février à la Pitié, avec plus de 1000 malades traités, et l’électroporation permet de traiter des patients très rapidement, y compris les FA persistantes. Et ce qui va raccourcir la durée moyenne de séjour, c’est la limitation du risque de complications car c’est une technologie qui est spécifique du tissu musculaire cardiaque. En fait, l’électroporation utilise un champ électrique et ce n’est plus une énergie thermique, comme le froid de la cryoablation ou le chaud de la radiofréquence. Ce sont des petits chocs de 2000 volts qui sont délivrés par très courtes impulsions et qui vont rendre la cellule myocardique poreuse et entrainer une apoptose de ces cellules. Et on a, de plus, développé une longueur d'onde spécifique au tissu musculaire cardiaque qui va permettre de préserver l'œsophage en arrière, sans risque de perforation, la complication que l'on redoute avec la radiofréquence, et qui va éviter les sténoses de veines pulmonaires et éviter aussi de léser le nerf phrénique droit. Donc on attend beaucoup de cette technique et on n’est pas déçu pour le moment. On a aussi l'impression que c'est quelque chose va permettre le traitement de la FA persistante qui reste un challenge aujourd'hui en 2022.
Combien de temps dure une ablation et combien de temps le patient est hospitalisé ? Dans quelles conditions peut-on envisager de réaliser une ablation en ambulatoire ?
Depuis ces dernières années, on raccourcit de plus en plus la durée de séjour après une ablation par radiofréquence et le patient va rester en hospitalisation conventionnelle aujourd'hui seulement 2 nuits, c'est-à-dire de la veille de l'intervention jusqu'au lendemain de l'intervention alors qu’il y a 10-15 ans, les patients restaient 3 à 4 nuits.
Mais pour les techniques avec un cathéter « one shot », la cryoablation ou l'électroporation, on va pouvoir envisager de faire ça en ambulatoire. La radiofréquence peut être aussi compatible avec l'ambulatoire mais on a quand même un peu plus de risque et donc on est un petit peu moins enclin à prendre des patients en ambulatoire pour la radiofréquence.
L’ablation en ambulatoire nécessite une unité dédiée, avec des infirmières formées à la rythmologie et au cathétérisme en général, puisqu'il va y avoir beaucoup de patients et une surveillance particulière. On aura d’abord un contrôle du péricarde en fin d'intervention au bloc opératoire et juste avant la sortie, et le patient va garder un pansement compressif 4 heures sur l’orifice de cathétérisme, à l’aine. Et comme les cathéters sont assez gros, on va faire un point de suture au pli de l'aine. Et s'il n’y a pas d’épanchement péricardique, si le patient va bien, il se lève et peut sortir le soir même à condition d'être accompagné : c’est le critère pour l’ambulatoire. À part le vendredi où il y a le week end, le patient sort et on lui demande de revenir le lendemain pour un soin de pansement. On regarde le point de ponction et on enlève le point, on vérifie que le patient va bien, qu'il a bien repris ses anticoagulants immédiatement. L’anesthésie générale n'est pas du tout contraire à l’ambulatoire. Le patient est surveillé en salle de réveil puis redescend dans l'unité ambulatoire. Bien sûr, il faut qu'il y ait un éloignement géographique qui soit raisonnable 20-30 kilomètres dans les grandes agglomérations et aussi le problème des transports. Il faut pouvoir venir tôt le matin à 7 h et repartir le soir accompagné. Ou alors, si c'est un patient qui habite loin qui puisse passer une nuit à l'hôtel pas très loin de l'hôpital où il a été traité.
Quelle est votre conclusion générale pour les confrères généralistes et cardiologues ?
Les indications de l’ablation dans la FA se sont clairement étendues ces dernières années et il est clair que plus on traite la FA tôt dans l'histoire de la maladie de l’oreillette, mieux l’ablation marche. Les techniques de cryoablation et d'électroporation vont dans le sens de traiter assez facilement les patients avec peu de risques et l'ablation en ambulatoire peut être désormais réalisée maintenant que les risques sont maîtrisés. La ponction transeptale est devenue vraiment quotidienne et une anesthésie générale est courante et donc y a plus vraiment de freins à traiter les patients qui auraient une FA symptomatique, éventuellement même résistante au traitement antiarythmique.