Oncologie
Immunothérapie : le rôle prédictif des lymphocytes T CD8+ dans la tumeur
Le TEP scan avec un marqueur se fixant sur les lymphocytes T CD8+ serait prédictif de la réponse individuelle d’une tumeur (et d’un malade) à un traitement par inhibiteurs de points de contrôle immunitaires. L’évolution sous traitement est par contre plus difficile à interpréter.
- Marcin Klapczynski/istock
Alors que les cellules tumorales ont tendance à rendre les lymphocytes T intra-tumoraux inactifs vis-à-vis de leur envahissement, les inhibiteurs de points de contrôle immunitaires, ou immunothérapies, réactivent le système immunitaire de l'organisme contre les tumeurs. En revigorant l'immunité médiée par les lymphocytes T CD8+, ils ont révolutionné le traitement du cancer. Bien qu’ils aient donné des résultats remarquables sur différentes tumeurs, les probabilités de réponse de chaque patient au traitement restent imprévisibles.
Des scientifiques du centre médical universitaire de Groningue ont réalisé des TEP-scan du corps entier en utilisant un anticorps marqué par radioactivité dirigé contre les lymphocytes T CD8+, avant et trente jours après le début du traitement par des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire.
Après avoir démontré que le traceur se fixe bien aux lymphocytes T CD8+, les scientifiques ont montré que la présence de ces lymphocytes T CD8+ est à la fois hétérogène et dynamique dans l’organisme, mais prédictive de la réponse à l’immunothérapie. La compréhension de cette dynamique pourrait influer sur les décisions thérapeutiques futures. Les résultats sont publiés dans Nature Medicine.
Un TEP scan corps entier
Les chercheurs ont utilisé des scanners TEP corps entier avec un anticorps marqué au zirconium-89 et dirigé contre CD8+, un marqueur des lymphocytes T activées. Les TEP scans ont été réalisés avant, et trente jours après le début du traitement.
Les chercheurs ont également prélevé des biopsies de la tumeur de leurs patients pour confirmer l'exactitude des résultats du TEP scan. L’équipe de recherche a également comparé la quantité de radioactivité dans les biopsies mesurée par autoradiographie avec la coloration des cellules CD8+. Et ils ont constaté une plus grande absorption du traceur dans les lésions avec une forte infiltration de CD8+.
Ces observations montrent que la captation du traceur au TEP scan corps entier serait une bonne mesure de l'activation immunitaire contre les cellules tumorales.
Première étude à analyser la réponse générale à l’immunothérapie
Ce résultat a permis ensuite aux scientifiques d’analyser les TEP scans du corps entier avant et après début de l’immunothérapie. La présence immédiate de lymphocytes T CD8+ dans une tumeur permettrait de prédire la réponse individuelle de chaque patient à ce traitement. Mais, ils ont été stupéfaits de l'hétérogénéité de la réaction qu’ils ont observée après le début de l’immunothérapie, tant chez un même patient qu'entre les patients.
Leur étude est la première à examiner cette réponse à l’immunothérapie dans l'ensemble du corps des patients traités par des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires, mais le résultat est compliqué à analyser. Les chercheurs présupposaient qu'après 30 jours de traitement, il y aurait une différence nette entre les répondeurs et les non-répondeurs en termes de présence de lymphocytes T CD8+ dans le corps et la tumeur, mais ce n'est pas le cas. La réponse est beaucoup plus dynamique, avec une grande variation spatiale et temporelle de la présence de lymphocytes T activés dans les lésions tumorales.
Un marqueurs pertinent des patients potentiellement répondeurs
En redynamisant l'immunité médiée par les lymphocytes T, les inhibiteurs de points de contrôle immunitaires (ICI) ont gagné une place de premier plan dans le traitement du cancer grâce à une efficacité antitumorale impressionnante et durable pour une variété remarquable de types de tumeurs. Cependant, les taux de réponse varient et seul un sous-ensemble de patients en bénéficie.
Une association avec une autre immunothérapie ou d'autres médicaments peut améliorer les taux de réponse, mais peut également augmenter le risque d'effets indésirables. Cela souligne le besoin clinique d'outils permettant d'optimiser les stratégies de traitement au niveau individuel et pour chaque patient.
Plusieurs biomarqueurs ont été identifiés pour sélectionner les patients répondeurs à l’immunothérapie. Il s'agit notamment de l'expression du ligand 1 de mort programmée (PD-1/PD-L1), de la charge mutationnelle de la tumeur, de la déficience des protéines de réparation des mésappariements (dMMR) ou instabilité mutationnelle et d'un profil d'expression génique enflammé par les lymphocytes T4. Cependant, aucun biomarqueur unique ou même aucune combinaison de biomarqueurs ne permet à ce jour de prédire avec précision la réponse individuelle à l’immunothérapie.
Importance de l’évaluation des lymphocytes T CD8+
Les lymphocytes T CD8+ jouent un rôle essentiel dans la destruction des cellules tumorales par le système immunitaire. Leur présence dans la tumeur est associée à des réponses aux inhibiteurs de points de contrôle immunitaires dans plusieurs types de tumeurs.
Une augmentation de la densité des lymphocytes T CD8+ dans les échantillons de biopsie de la tumeur, déclenchée par le traitement par les inhibiteurs de points de contrôle immunitaires, est également associée à la réponse tumorale selon des données chez les patients atteints de mélanome avancé, avec des échantillons de biopsie obtenus à différents moments après le début des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires.
Par exemple, l'augmentation de la densité des cellules CD8+ dans 25 échantillons de biopsie tumorale appariés, prélevés après 20 à 120 jours de traitement par pembrolizumab, est associée à la réponse. Mais, un biais d'échantillonnage peut influencer ces différences et une hétérogénéité considérable peut exister au sein d'un même patient ou entre différentes lésions.
Des perspectives de meilleure compréhension de l’immunothérapie
Dans l'ensemble, une forte absorption tumorale du marqueur au départ est associée à une meilleure survie, ce qui concorde avec les résultats des essais cliniques avec analyse tissulaire. Il y a cependant une grande hétérogénéité spatiale au sein des patients et entre eux dans la captation du marqueur par leurs tumeurs.
L’imagerie des patients sous traitement n'a montré aucun changement de la moyenne géométrique de la captation du traceur tumoral par rapport à l’inclusion, mais les lésions individuelles ont montré divers changements indépendants de la réponse tumorale. Les données d'imagerie suggèrent une énorme hétérogénéité dans la distribution des lymphocytes T CD8+ et dans la pharmacodynamique au sein des patients et entre eux.
En conclusion, le marqueur 89ZED88082A peut caractériser la dynamique complexe des lymphocytes T CD8+ dans le contexte d’un traitement par les inhibiteurs de points de contrôle immunitaires, et peut permettre de mieux comprendre comment ils marchent. La présence de lymphocytes T CD8+ dans les lésions tumorales au TEP scan avant traitement par inhibiteurs de points de contrôle immunitaires pourrait être prédictive de la survie globale, soulignant le potentiel de l'imagerie CD8 comme biomarqueur prédictif pour personnaliser le traitement des malades. Cette étude renforce, par ailleurs, l’intérêt potentiel de l’étude du microenvironnement tumoral avec ces nouvelles techniques d’imagerie.