Pneumologie
Syndrome de Rosai Dorfman : prise en charge en cas de sténose trachéale
La prolifération des histiocytes intra ganglionnaire ou syndrome de Rosai Dorfman, est une affection bénigne qui peut tuer lorsqu'elle est localisée à la trachée, même si celle-ci reste exceptionnelle : une réflexion sur la conduite à tenir devant une sténose trachéale à propos d'un cas clinique. D’après un entretien avec Emmanuel MARTINOD.
Une étude, parue en octobre 2022 dans Thorax, a fait le point sur un cas de syndrome de Rosai Dorfman, étendu à la trachée, avec sténos trachéale, et sa prise en charge. Il s’agit d’une étude de cas clinique décrivant un cas exceptionnel de patient ayant présenté un syndrome de Rosai Dorfman découvert alors que le patient avait une sténose trachéale de 80%. Les auteurs ont décrit leur méthode diagnostique avec une hypothèse préalable de carcinome adénoïde kystique, la prise en charge avec une chirurgie d’emblée et le mode d’anesthésie avec un patient éveillé, non intubé. Les auteurs précisent que peu de centres ont partagé cette expérience en utilisant ce mode opératoire. Cette étude ouvre donc la discussion.
Une discussion en fonction d’un diagnostic différentiel
Le professeur Emmanuel MARTINOD, chirurgien thoracique et chef du service de chirurgie thoracique et vasculaire de l’hôpital universitaire Avicenne, à Bobigny, précise que le syndrome de Rosai Dorfman est une pathologie très rare et que les atteintes trachéales sténosantes sont exceptionnelles. Emmanuel MARTINOD a, lui-même, décrit un cas observé au niveau bronchique (1). Il souligne que dans le cas présenté dans ce travail, une part d’originalité réside dans le mode de révélation aigue de la maladie, puisqu’aucun autre cas similaire n’a été retrouvé dans la littérature. Seulement 12 cas de syndromes de Rosai Dorfman avec envahissement trachéo-bronchique ont été rapportés. Il rappelle qu’une sténose trachéale supérieure à 70% peut avoir une évolution aigue très rapide. Pour lui, dans le cas présenté, l’hypothèse diagnostique étant un carcinome adénoïde kystique, il aurait été judicieux de faire un diagnostic de certitude pré-opératoire avant de proposer une chirurgie, en réalisant une bronchoscopie interventionnelle. Celle-ci a été récusée par les auteurs en raison du risque hémorragique, ce qu’Emmanuel MARTINOD pense être contournable. Une dilatation et résection endotrachéale auraient pu suffire. Il est étonné de cette chirurgie sans diagnostic préalable, surtout s’il existe une suspicion de carcinome adénoïde kystique car, dans un tel cas, les marges sont souvent envahies lors de l’examen extemporané et une greffe trachéale peut être nécessaire (2). Il précise que, de plus, en cas d’intolérance à la bronchoscopie, on aurait pu utiliser une ECMO, tout en précisant qu’en Chine, cette technique n’est visiblement pas prise en charge (3).
Une technique d’anesthésie intéressante
Emmanuel MARTINOD relève que la technique d’anesthésie utilisée dans ce cas clinique est intéressante : le patient est éveillé et n’a pas d’intubation endotrachéale. Il souligne que la Chine fait la promotion de ce type de technique mais il faut prendre en compte les mouvements du patient au cours de ce type d’anesthésie. Donc, partant d’un diagnostic de carcinome adénoïde kystique, Emmanuel MARTINOD se demande comment la chirurgie aurait évolué si la tumeur avait été plus étendue que prévu. Toutefois, il précise que ce type d’anesthésie, qui en pleine expansion, est intéressant pour les chirurgies pulmonaires. Les patients qui peuvent être opérés sous ECMO ont un risque hémorragique mais, il est actuellement possible d’utiliser des plus faibles doses d’héparine , selon Emmanuel MARTINOD.
En conclusion, ce cas clinique est intéressant par la rareté du diagnostic, même si la démarche de prise en charge est discutable. Il a l’intérêt d’ouvrir la discussion sur une pathologie rare, son diagnostic et sa prise en charge.