Grippe : une saison atypique se confirme pour l’hémisphère nord

Aux États-Unis, la saison de la grippe n'a jamais débuté de façon aussi brutale et aussi précoce depuis plus de dix ans. L'hémisphère sud nous apprend qu'il faut se dépêcher de vacciner les personnes à risque.

Selon des données publiées vendredi par les Centers for Diseases Control américains, la saison de la grippe a démarré tôt aux États-Unis et les hospitalisations liées à la grippe sont plus nombreuses que d'habitude à cette période de l'année.

Les Centers for Diseases Control américains (CDC) estiment qu'il y a déjà eu au moins 880 000 grippes, avec près de 7 000 hospitalisations et 360 décès dus à la grippe aux États-Unis à ce stade de l’épidémie. Le premier décès pédiatrique aux États-Unis a été signalé cette semaine.

Onze États américains, ainsi que Washington, DC, et la ville de New York, signalent des niveaux élevés ou très élevés de maladies respiratoires, selon les CDC.

Une épidémie atypique au Chili

L'épidémie de grippe en 2022 au Chili a commencé plusieurs mois plus tôt que lors d'une saison grippale typique et a entraîné une incidence des hospitalisations quatre à six fois plus faible que pendant les saisons pandémiques pré-Covid-19, mais elle était beaucoup plus élevée que l'incidence en 2020-21.

Une prédominance du virus A(H3N2), est conforme aux tendances observées dans d'autres pays de l'hémisphère Sud en 2022, notamment en Australie, en Argentine et au Pérou mais, en Afrique du Sud, on a observé une prédominance initiale du virus A(H1N1)pdm09, suivi des virus B/Victoria.

Bien que ces vaccins ne soient devenus disponibles qu'après la première vague de grippe (semaines 1 à 6), les autorités sanitaires chiliennes ont réussi à vacciner 88% de la population à risque avant le pic d'activité grippale de la semaine 24 et ce vaccin a réduit de 49% les hospitalisations.

Pas encore en France métropolitaine

En France métropolitaine l’épidémie n’a pas encore commencé à S42 mais elle est actuellement présente à la réunion depuis S39, et à la Martinique depuis S41. Les taux de consultation pour syndrome grippaux sont déjà supérieurs à la moyenne des autres années à ce stade.

À la Réunion, le nombre de passages aux urgences concernait principalement les personnes âgées de moins de 15 ans. La surveillance virologique hospitalière a permis d’identifier une circulation majoritaire des virus grippaux de type A(H1N1)pdm09, avec une co-circulation de virus de type A(H3N2) et de type B. En Martinique, les indicateurs de la grippe restent à un niveau très élevé avec détection à l’hôpital de virus de type A exclusivement et de sous-type A(H3N2) majoritairement.

Mais les services d’urgence de pédiatrie sont déjà débordés par l’épidémie de virus respiratoire syncitial qui a également démarré tôt et fort.

La faute à la « dette immunitaire »

Une explication pourrait tenir à la « dette immunitaire » : lors des confinements de 2020-21 et 2021-22, les gens se sont isolés, une distanciation sociale a été mise en place et le port du masque a nettement ralenti la propagation de la Covid-19, mais aussi de la grippe, qui a pratiquement disparu en 2020 (« année blanche »). En 2021, il y a eu des confinements partiels et toujours le port du masque et le lavage des mains : l’épidémie a été très réduite également.

Par conséquent, la plupart des personnes n'ont pas été exposées à la grippe depuis au moins 2 années (2020 et 2021), ce qui signifie que l'immunité contre les virus de la grippe pourrait être faible (il y a beaucoup plus de cas asymptomatiques ou non déclarés que les 2 à 6 millions de cas recensés lors d’une année normale), surtout chez les jeunes, ce qui souligne la nécessité de la vaccination. À noter que cette année blanche ne l’a pas été que pour la grippe, le VRS et les autres virus respiratoires ont vu leur circulation baisser et reviennent également en force, cet automne.

Beaucoup d’inquiétude chez les experts

Il est toujours difficile de prédire l'activité grippale pour une saison donnée, mais les médecins s'attendent à une épidémie très importante pour cette saison 2022-2023. Dès la mi-octobre, des cas de grippe sont déjà nombreux et apparents, alors qu’habituellement, les médecins observent de tels chiffres plutôt mi-novembre ou mi-décembre. De plus, les centres de surveillance recensent déjà des cas de grippe hospitalisés….

Beaucoup d’arguments font donc craindre aux experts français que nous ayons cette année une épidémie de grippe très importante, très différente des deux saisons précédentes. Il est clair que la vaccination contre la grippe doit figurer en tête des priorités des médecins traitants, en particulier pour les personnes à risque, mais il faut s’inquiéter semble-t-il pour les jeunes chez qui le VRS revient en force et chez les vieux pour la Covid-19...

Faire la vaccination au plus tôt

Donc la vaccination contre la grippe, à peine lancée, est déjà dans une course contre la montre avec le virus, la saison de la grippe commençant au moins un mois plus tôt que d'habitude. Or, il faut entre dix jours et deux semaines pour que le vaccin offre une protection complète. Le gouvernement français doit faire aussi bien que les autorités de santé chiliennes.

Mais tous ceux qui ne se sont pas fait vacciner doivent savoir qu'il n'est pas trop tard. La saison de la grippe va durer encore quelques mois au moins, ce qui laisse du temps pour vacciner toutes les personnes à risque. Il faut répéter que même si le vaccin contre la grippe n'est pas parfait, s'il ne protège pas complètement contre la grippe, il permet néanmoins d'éviter d’aller aux urgences, d’être hospitalisé, voire d’aller en réanimation ou de décéder.

Il ne faut pas oublier que l’on peut remettre les masques cet hiver, surtout dans les transports en commun, et se laver les mains, une perspective pas forcément réjouissante pour certains, mais dont l’épidémie de la Covid-19 a démontré la très grande efficacité. Une habitude très ancienne au Japon et dans d’autres pays asiatiques.