Infectiologie
Covid-19 : une nouvelle phase de l'évolution du coronavirus
Un « mitraillage » de nouveaux variants du SARS-CoV-2 de la Covid-19 semble gagner du terrain dans le monde, ce qui fait craindre une recrudescence hivernale de la maladie et la perte d’efficacité des anticorps monoclonaux.
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Alors que l'hémisphère nord entre dans l'automne, une vague de nouveaux variants du SARS-CoV-2 s’accompagne d’une augmentation des cas de Covid-19 en Europe et aux Etats-Unis.
Au moins cinq pays de l’Union Européenne ont, en effet, détecté la circulation de sous-variants de la sous-lignée BQ.1 du SARS-CoV-2 au cours de la semaine 40, 2022, selon une mise à jour épidémiologique publiée par le European Center for Disease Prevention and Control (ECDC). Aux États-Unis, selon les Centers for Diseases Control, il s'agit des sous-variants d’omicron BA.4.6, BQ.1, BQ.1.1, BF.7, BA.2.75 et BA.2.75.2. Dans d'autres pays, le variant recombinant XBB augmente rapidement et pourrait alimenter une nouvelle vague de cas à Singapour.
Selon les prévisions de modélisation de l'ECDC, BQ1 et sa sous-lignée BQ1.1 deviendront les souches dominantes du SARS-CoV2 en Europe entre la mi-novembre et le début du mois de décembre 2022. Aux États-Unis, même si BA.5 prédomine actuellement, il perd du terrain au profit de ces sous-variants qui représentent actuellement déjà 1/3 des cas.
BQ.1 et BQ.1.1 sont différents des BA.4 et BA.5, mais ils descendent cependant de ces virus, étant le résultat d'une dérive génétique. Ils partagent donc de nombreuses parties de leur génome avec ce virus. Les changements acquis sur ces sous-variants ne sont pas de l'ampleur de ce qui s'est passé lorsque le premier variant Omicron est arrivé en novembre 2021, mais des résistances sont d’ores et déjà plus que probables.
Résistance aux vaccins et aux anticorps classiques
Des études préliminaires en laboratoire, en Asie, indiquent que le BQ.1 aurait la capacité d'échapper à la réponse immunitaire acquise à ce jour. Toutefois, d'après les données limitées disponibles, rien ne prouve que BQ.1 soit associé à une gravité accrue de l'infection par rapport aux variants Omicron BA.4/BA.5 en circulation. Mais cela contribuera probablement à une augmentation du nombre des cas de Covid-19 en Europe dans les semaines ou mois à venir.
De nouvelles études suggèrent également que les modifications acquises par ces sous-variants les rendraient résistants aux anticorps monoclonaux les plus récents, disponibles pour aider à traiter et à prévenir les formes graves de la Covid-19, un sérieux danger pour des millions de patients immunodéprimés.
Plusieurs sous-variants en circulation
On ne sait pas encore si ces nouveaux sous-variants vont continuer à co-circuler, chacun se partageant une part du total des infections par la Covid-19, ou si l'un d'entre eux va prendre le dessus sur les autres, comme cela s'est produit lors des précédentes vagues.
Bien qu'ils descendent tous de branches légèrement différentes de l'arbre généalogique du variant Omicron, ces nouveaux sous-variants ont évolué pour partager un grand nombre de mutations identiques, un phénomène connu sous le nom « d'évolution convergente ».
Certains experts pensent que cette convergence signifie que nous sommes entrés dans une nouvelle phase de l'évolution du virus, qui verra la circulation de plusieurs variants en même temps. « Il est probable que nous ayons plusieurs lignées semi-dominantes en circulation pendant la saison hivernale », a déclaré à CNN , le Professeur Nathan Grubaugh, épidémiologiste à la Yale School of Public Health.
Intérêt du vaccin bivalent
Les modifications génétiques que partagent ces sous-variants semblent les aider à échapper à l'immunité créée par les vaccins originaux et les infections passées, ce qui laisse la place à des réinfections et des nouvelles infections, en particulier pour les personnes qui n'ont pas reçu de rappel actualisé.
Le vaccin bivalent de rappel, autorisé cet automne, protège contre la souche originale Wuhan du SARS-CoV-2 et contre les sous-variants BA.2 et/ou BA.4 ou BA.5. Mais pour l'instant, très peu de personnes ont reçu un vaccin bivalent de rappel et le nombre de doses de vaccin bivalent qui seront disponibles cet hiver ne permettra vraisemblablement pas de vacciner tout le monde : il faudra donc prioriser chez les personnes les plus à risque.
Le faible taux d'utilisation de ces nouveaux vaccins bivalents en rappel, combiné à la capacité d'évasion immunitaire des nouveaux sous-variants et à la diminution de l'immunité de la population avec le temps, constituent l’équation parfaite pour que ces sous-variants se diffusent et pour qu’une augmentation des cas et des hospitalisations soit observée dans les semaines à venir.
Un échappement aux anticorps monoclonaux
Assez logiquement, certains de ces sous-variants semblent également échapper aux derniers anticorps monoclonaux, créés en laboratoires pour lutter contre les formes graves de la Covid-19 et pour aider les personnes immunodéprimées à ne pas être infectées.
Si ces anticorps cessent d'agir contre les nouveaux sous-variants, les pays occidentaux disposeront toujours de médicaments antiviraux Covid-19 comme le Paxlovid® et, à un moindre titre, le molnupiravir et le remdesivir, pour aider les personnes exposées à éviter une forme grave. Mais les anticorps monoclonaux restent importants pour les personnes rendues immunodéprimées par des médicaments, des maladies ou l'âge. Et ce sont ces mêmes personnes chez lesquelles la réponse immunitaire aux vaccins reste modeste ou nulle.
Ces anticorps sont également nécessaires chez les personnes qui ne peuvent pas prendre de traitements antiviraux en raison de contre-indications ou d’interactions médicamenteuses. Or, aucun nouvel anticorps monoclonal n’est actuellement en développement selon CNN et aucune subvention du gouvernement américain n’est prévue…
Winter is coming
Cela signifie que les pays de l’hémisphère nord vont affronter l'automne et l'hiver avec un arsenal réduit contre les nouveaux sous-variants du SARS-CoV-2, au moment même où il faudrait pouvoir élargir les options préventives et thérapeutiques.
En attendant un hypothétique soutien des gouvernements au développement de ces anticorps monoclonaux actualisés, il faut absolument des doses supplémentaires de vaccin bivalent de rappel pour les groupes les plus exposés au risque de forme grave de la Covid-19, tels que les adultes de plus de 60 ans, les personnes immunodéprimées, les personnes souffrant de pathologies sous-jacentes et les femmes enceintes. Certains immunodéprimés étant amenés à en recevoir plusieurs en rappel du fait de leur moindre réponse anticorps.