Pneumologie
Dépistage du cancer du poumon lors de celui du cancer du sein : un mariage forcé ?
La proposition de coupler le dépistage du cancer du poumon par un scanner low-dose au dépistage du cancer du sein par mammographie, aux femmes éligibles a permis de dépister des formes précoces et curables de cancer bronchiques. Malheureusement, l’acceptation de ce dépistage est loin d’être optimale. D’après un entretien avec Christos CHOUAID.
Une étude, dont les résultats sont parus en septembre 2022 dans le JAMA Network Open, a cherché à démontrer l’intérêt d’associer le dépistage du cancer du poumon par un scanner thoracique low-dose à la mammographie de dépistage, chez les femmes éligibles, c’est -à-dire de plus de 55 ans et fumeuses actives ou sevrées d’un tabagisme actif à 20-30 PA depuis moins de 15 ans.
Il s’agit d’une étude de cohorte monocentrique rétrospective, réalisée entre janvier 2019 et juin 2020. Au total, 874 femmes, avec un âge moyen de 66,8 ans, ayant bénéficié d’une mammographie de dépistage ont été incluses. 11% d’entre elles étaient éligibles au dépistage du caner du poumon par scanner bas débit et 35 ont été dépistées.
Quid de l’organisation des dépistages de cancers
Le professeur Christos CHOUAID, pneumologue et oncologue thoracique dans le service de pneumologie du Centre Hospitalier Intercommunal de Créteil, rappelle, qu’en France, il existe trois types de dépistages de cancers organisés : le cancer du sein, par mammographie, proposé tous ls deux ans aux femmes de 50 à 75 ans, le cancer du côlon, proposé à la population de plus de 50 ans, par hémocult et éventuellement coloscopie et le cancer du col de l’utérus par frottis.
Depuis une dizaine d’années, le dépistage du cancer du poumon par scanner à bas-débit est évoqué et pourrait être proposé aux sujets de plus de 55 ans fumeurs actifs ou sevrés depuis moins de 15 ans, avec un tabagisme d’au moins 20 à 30 PA. Ce dépistage aurait un intérêt grâce à la détection précoce de ces cancers, diminuant ainsi le taux de mortalité. En 2011, une étude américaine et une étude réalisée en Europe du Nord ont montré des résultats favorables à ce dépistage.
Christos CHOUAID souligne, qu’en France, la Haute Autorité de Santé met en place diverses expérimentations car elle estime que les trois dépistages déjà organisés fonctionnent moyennement. Selon l’HAS, le risque est une trop faible participation. Ainsi des tests d’organisation sont réalisés, reposant soit sur le médecin traitant, soit sur le milieu hospitalier soit sur d’autres structures… Christos CHOUAID félicite donc l’originalité de ce travail dans lequel les femmes participant au dépistage du cancer du sein, beaucoup plus acceptable sur le plan sociétal, et éligibles au dépistage du cancer du poumon par leur âge et leur intoxication tabagique se voient proposer un scanner thoracique low-dose.
Un taux d’acceptation du dépistage du cancer du poumon moyen à faible
Christos CHOUAID explique que dans la cohorte des 900 femmes incluses dans cette étude, 11% étaient éligibles au dépistage du cancer du poumon. Après avoir proposé un scanner bas-débit à ces femmes, seulement 33% d’entre elles l’ont accepté. Chez les femmes qui ont réalisé ce double dépistage, quelques cancers du poumon ont été dépistés, à un stade précoce et donc curable.
D’autre part, les auteurs se sont intéressés aux prescriptions de dépistage et ont observé que 85% des médecins généralistes prescrivent la mammographie alors que 60% seulement prescrivent le scanner thoracique. Christos CHOUAID estime que ceci est probablement lié à une plus grande connaissance des modalités du dépistage du cancer du sein, celles du dépistage du cancer du poumon étant moins bien assimilées et donc moins évidentes. Il rappelle qu’un éditorial, accompagnant cette étude, explique que le dépistage du cancer du sein est bien implanté mais que de efforts sont encore à faire concernant le dépistage du cancer du poumon.
De plus, Christos CHOUAID souligne que les femmes qui acceptent ce double dépistage sont déjà dans une démarche de dépistage et plus participantes que les hommes, de manière générale. Pour lui, la réticence au dépistage du cancer du poumon peut également être liée au fait qu’il laisse entrevoir un comportement à risque et une responsabilité personnelle des sujets dans le développement de leur maladie.
En conclusion, profiter du dépistage du cancer du sein, bien admis par la population féminine, pour proposer un dépistage du cancer du poumon aux fumeuses de plus de 55 ans est une idée recevable mais un vrai travail de conviction des patientes est encore nécessaire…