Pneumologie
Tuberculose pulmonaire : l’air expiré est un important vecteur de contagiosité
La toux n'est pas indispensable pour provoquer la contagiosité de la tuberculose pulmonaire. L’air expiré contient un grand nombre de bacilles. Un changement de paradigme qui ne changera pas les pratiques françaises, au cours desquelles les enquêtes ne sont pas limitées aux patients qui toussent. D’après un entretien avec Nicolas VEZIRIS.
Une étude, dont les résultats sont parus en mai 2022 dans l’American Journal of Respiratory Critical Care, a cherché à évaluer la contagiosité de la tuberculose via l’air expiré. Il s’agit d’une étude sud -africaine pour laquelle les auteurs ont comparé la quantité de particules infectieuses émises soit lors de la respiration courante, soit après expiration forcée soit après une toux forcée. Ils sont partis du postulat que, même si la toux semble être la source dominante d’aérosolisation de Mycobacterium Tuberculosis, il semble que ceux-ci soient aussi libérés par des mécanismes alternatifs, comme l’air expiré, qui seraient également à l’origine de la contagiosité. Au total, 38 patients atteints de tuberculose ont été inclus, avant la mise en route du traitement.
La plupart des bacilles viennent de l’air expiré
Le professeur Nicolas VEZIRIS, pneumologue à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, rappelle qu’une série de travaux a déjà été effectuée, en vue de la pré-validation de l’appareil qui permet de déterminer la concentration de Mycobacterium Tuberculosis dans l’air expiré des patients infectés. Cet appareil, qui ressemble à un appareil à EFR, est éloigné des techniques les plus sûres mais il a été validé par des études antérieures. Les résultats de ce travail ont montré que 90% des bacilles sont d’origine d’air expiré et même si un nombre plus important de bacilles est éjecté lors de la toux, la majorité des bacilles viennent de l’air expiré puisque l’on expire plus que l’on ne tousse. Nicolas VEZIRIS souligne qu’il s’agit d’un reversement de paradigme qui pousse à considérer que tous les patients atteints de tuberculose sont contagieux, par le simple fait d’expirer. Il précise cependant que ce travail a été réalisé en Afrique du Sud, où les recommandations sont différentes des recommandations françaises. Il estime que les transmissions par l’air sans toux directe sont bien connues et il rappelle deux exemples à ce titre : des cas de transmission qui avaient été observés dans un train, d’un wagon à l’autre et une transmission dans un centre de greffés pulmonaires alors qu’un patient infecté était passé dans la salle d’attente, les patients suivants ont été contaminés.
Pas de grand changement pour la pratique française
Nicolas VEZIRIS explique que ces résultats ne vont pas changer les pratiques françaises, puisque tous les patients traités pour une tuberculose sont isolés, qu’ils expectorent ou non des bacilles tuberculeux. En effet, en France, les enquêtes ne sont pas limitées aux seuls patients qui toussent. L’entourage, les collègues, etc..., sont dépistés puis ce cercle de proche est modulé en fonction de la charge bactérienne du patient infecté. Pour Nicolas VEZIRIS, ce travail est intéressant sur le plan scientifique mais en France, la prise en charge de la contamination tuberculeuse est déjà sécurisée, et les résultats de cette étude ne modifieront pas les pratiques. Il rappelle que ces recommandations françaises sont issues des années 90 alors que l’infection par le VIH était très présente et les traitements moins efficaces. L’absence d’immunité des patients infectés par le VIH empêchait la formation de cavernes tuberculeuses et une grande quantité de Mycobacterium Tuberculosis était évacuée dans l’air expiré. A ce jour, en Afrique du Sud, l’infection par le VIH est encore très présente.
En conclusion, le mode de contagiosité de la tuberculose ne passe pas que par la toux mais aussi, et essentiellement, par l’air expiré, ce qui doit pousser à élargir le cercle des sujets nécessitant d’être dépistés en cas de contact et à isoler les patients