Onco-thoracique
CBNPC : segmentectomie vs lobectomie dans les stades IA périphériques de petite taille (≤2 cm)
La segmentectomie ne serait pas plus morbide, ni moins efficace, que la lobectomie dans la prise en charge du cancer bronchique non à petites cellules de localisation périphérique de stade IA et de petite taille (≤2 cm) selon les résultats de l’essai japonais de phase III JCOG08021
Avec l’avis d’expert du Dr Dominique Gossot, chirurgien thoracique à l’Institut Mutualiste Montsouris
- onpor Kasa/istock
La lobectomie est le traitement chirurgical de référence du cancer bronchique non à petites cellules dans les stades précoces opérables. Jusqu'à maintenant, selon les recommandations de l'ACCP (American College of Chest Physicians), les segmentectomies ne sont indiquées que pour les patients ne pouvant tolérer une lobectomie, quelle que soit la raison2.
Si la segmentectomie est réalisée en pratique, aucune étude randomisée prospective d’une telle ampleur n’a été réalisée à ce jour pour objectiver son efficacité. Selon les résultats de l’essai japonais de phase III JCOG08021, dans la prise en charge du cancer bronchique non à petites cellules de localisation périphérique de stade IA de petite taille (≤2 cm), la segmentectomie n’est pas plus morbide ni moins efficace que la lobectomie.
La segmentectomie de ces tumeurs est non inférieure à la lobectomie en termes de survie globale
Cet essai de phase III, randomisé, contrôlé, de non-infériorité, a été réalisé dans 70 centres japonais. Les patients inclus étaient porteurs d’un cancer bronchique non à petites cellules de localisation périphérique, de stade IA avec un diamètre de tumeur ≤2 cm ainsi qu’un ratio consolidation sur tumeur < 0.5. En pratique courante ce ratio n’est pas toujours utilisé, bien qu’il le devrait d’après les recommandations européennes. La randomisation était de 1:1 entre les bras lobectomie et segmentectomie. Le critère de jugement principal était la survie globale, et parmi les critères de jugements secondaires on note entre autres la fonction respiratoire post-opératoire et la survie sans rechute.
Un total de 1106 patients a été inclus avec n=554 dans le bras lobectomie et n=552 dans le bras segmentectomie entre 2009 et 2014. Dans le groupe segmentectomie, 22 patients ont eu une extension en lobectomie. Après un suivi médian de 7.3 années, le taux de survie à 5 ans est de 94.3% dans le bras segmentectomie et de 91.1% dans le bras lobectomie (HR=0.663, IC à 95% ; 0.474-0.927, p<0.0001). Une amélioration de la survie globale est retrouvée dans toutes les analyses en sous-groupes dans le bras segmentectomie versus lobectomie.
Une meilleure survie mais un taux de récidives locales supérieur
Concernant les critères de jugement secondaires, il y a une différence significative sur la fonction respiratoire post-opératoire entre les 2 groupes de traitement, mais le gain sur le VEMS est seulement de 3.5%, soit moins que les 10% attendus. Cependant, il n'y a pas eu d'analyse de sous-groupes pour évaluer le gain fonctionnel en fonction des segments réséqués. Le taux de survie sans rechute à 5 ans était de 88.0% (IC95% 85.0-90.4) pour la segmentectomie et de 87.9% (IC à 95% 84.8-90.3) dans le groupe lobectomie (HR=0.998, p=0.9889).
La proportion de patients présentant une rechute locale est de 11% dans le bras segmentectomie versus 5% dans le bras lobectomie (p=0.0018). Concernant la mortalité pour raison autre que le cancer, elle était de 63% dans le bras lobectomie et de 47% dans le bras segmentectomie. Les complications post-opératoires étaient comparables dans les 2 groupes.
En pratique
Pour conclure, selon le Dr Dominique Gossot, chirurgien thoracique à l’Institut Mutualiste Montsouris, cet essai est le premier essai de phase III à montrer une supériorité de la segmentectomie versus la lobectomie en termes de survie globale dans le cancer bronchique non à petites cellules périphérique de stade IA de taille ≤2 cm. La conclusion des auteurs est que la segmentectomie devrait être le traitement standard des patients présentant les critères adéquats.
L’augmentation de la rechute locale après segmentectomie, sans différence en termes de survie globale, est la principale question posée par cette étude et pourrait être expliquée par un taux insuffisant d'analyse peropératoire des marges de sécurité et des ganglions intersegmentaires. Il s’agit donc de maintenir une surveillance active de ces patients quelle que soit la chirurgie réalisée.
A noter que le taux de deuxième cancer diagnostiqué dans le suivi de plus de 7 ans de ces patients a été de 15% dans chaque bras mais que 89% des patients ont pu être réopérés dans le groupe "segmentectomie" versus 63% dans le groupe "lobectomie".
D'autres essais sont en cours et aideront à mieux préciser les indications des traitements : résection atypique (Wedge) pour les GGO dont le ratio de consolidation est < 25% (JCOG 804) et surveillance seule des GGO purs (JCOG 1906)