Pneumologie
Recommandations ERS sur le traitement de la sarcoïdose : une révolution épistémologique
Les recommandations de pratique clinique sur le traitement de la sarcoïdose de l’European Respiratory Society (ERS) n’apportent pas encore toutes les réponses et les niveaux de preuve peuvent encore être améliorés. La participation du patient à la décision de sa prise en charge est incontournable. D’après un entretien avec Dominique VALEYRE.
Des recommandations sur la prise en charge de la sarcoïdose élaborées par l’ERS, sont parues dans l’European Respiratory Journal. Les auteurs de ce travail ont utilisé la méthodologie GRADE, avec l’aide de méthodologistes chevronnés et de représentants de patients, pour faire une proposition de traitement de la sarcoïdose plus de 20 après les dernières recommandations, parues en 1999. Au cours des deux dernières années, des recommandations britanniques, élaborées par la British Thorax Society (Thillai Thorax 2020) à partir d’une méthode de consensus, ont été publiées ainsi que des recommandations américaines pour le diagnostic de sarcoïdose utilisant également la méthodologie GRADE, plus solide, avec la présence de patients, réalisées par l’American Thorax Society (Crouser AJRCCM 2020).
Nous recommandons, nous suggérons, nous proposons...
Le professeur Dominique VALEYRE, pneumologue à l’hôpital Avicenne à Bobigny et à l’hôpital Saint Joseph à Paris et auteur de ce travail, explique qu’il existe de nouveaux acquis depuis 20 ans : le méthotrexate est utilisé en deuxième ligne depuis le début des années 2000, les anti TNF alpha n’existaient pas en 1999.... Il souligne que les anciennes recommandations sont élaborées à partir de consensus et donc donnent réponse à tout sans graduation nette de la pertinence des réponses offertes. Les nouveaux acquis nécessitent donc d’utiliser une méthodologie radicalement différente. La méthodologie GRADE distingue les recommandations fortes, avec « nous recommandons », les recommandations faibles, avec « nous suggérons » et des avis d’experts, avec « nous proposons, mais cela est basé sur l’expérience mais pas sur des preuves ». Dominique VALEYRE rappelle que la sarcoïdose est une maladie rare, avec une présentation bien différente d’un malade à l’autre et que les essais cliniques sont difficiles, ne permettant pas d’apporter toutes les réponses. Il ajoute que certaines d’entre elles seront bientôt disponibles car des essais sont en cours, notamment, avec aux Pays-Bas, une étude explorant en première ligne méthotrexate versus corticoïdes. Il rappelle également qu’une étude a démontré l’efficacité du méthotrexate en deuxième ligne mais seulement pour les atteintes pulmonaires et à un moindre degré pour les atteintes neurologiques, mais pas pour les atteintes cardiaques même si, par un raisonnement par homologie, beaucoup utilisent cette indication thérapeutique.
Un traitement qui doit être débattu avec le patient
Dominique VALEYRE explique que la prise en charge thérapeutique de la sarcoïdose nécessite toujours une réflexion préalable sur son adéquation et surtout de pouvoir discuter avec le patient des effets bénéfiques mais aussi adverses attendus et des moyens d’optimiser leur rapport. Pour lui, le point le plus important est l’adhésion du patient à sa prise en charge, qui sera d’autant plus altérée que les effets secondaires sont plus importants. Dominique VALEYRE précise que le but du traitement est de limiter la menace de la perte fonctionnelle d’un organe et de réduire la perte de qualité de vie, qui est très fréquente en cas de sarcoïdose et n’est pas proportionnelle à la sévérité de la maladie. Lorsque les signes d’inconfort sont persistants, la participation du patient aux choix thérapeutiques est essentielle. Il est possible de donner des doses réduites de corticoïdes. Concernant la fatigue, manifestation la plus fréquente constatée chez <70% des patients, et parfois très invalidante, il est recommandé d’utiliser le score « Fatigue Assessment Scale » (FAS), validé en cas de sarcoïdose, pour mesurer et suivre le degré de fatigue. Les autres syndromes para-sarcoïdiens sont les troubles cognitifs avec parfois des difficultés majeures de concentration, la dépression, les neuropathies des petites fibres nerveuses, les douleurs diffuses articulaires et musculaires sans substratum inflammatoire et des troubles du sommeil à distinguer du syndrome d’apnée obstructive du sommeil, se manifestant par un besoin accru de sommeil moins réparateur. Les traitements modificateurs de la sarcoïdose sont généralement peu efficaces quand il n’y a pas de signes d’activité de la sarcoïdose. Certains messages doivent être retenus. Quand un traitement est indiqué, une épargne efficace en corticoïdes est souvent nécessaire. Il faut prêter attention au résultat attendu et certains résultats sont particulièrement importants, par exemple l’amélioration de la fonction respiratoire et la réduction des besoins en corticoïdes alors que l’amélioration de la radiographie quoiqu’importante, l’est moins. Dominique VALEYRE évoque alors un essai qui va être initié en France à partir de l’hôpital Avicenne, avec pour objectif d’étudier l’intérêt des antipaludéens donnés d’emblée, dans les formes pulmonaires de sarcoïdose, pour diminuer la dose cumulée de corticoïdes reçus en première ligne.
En conclusion, Dominique VALEYRE cite Montaigne, Essai III, 13 : « Quand la raison nous manque, nous y employons l’expérience, qui est un moyen plus faible et moins digne mais la vérité est chose si grande, que nous ne devons dédaigner aucune entremise qui nous y conduise », la raison étant la méthodologie GRADE et l’expérience, le consensus...