Médecine générale
Embolie pulmonaire : le taux de D-dimères ajusté à l’âge réduit les angioscanners inutiles
Quand une embolie pulmonaire ne peut pas être éliminée d’emblée par les scores cliniques habituels, l’utilisation du taux de D-Dimères ajusté à l’âge combiné au score YEARS permettrait d’améliorer la précision diagnostique aux urgences et d’éviter un quart des angioscanners inutiles.
- jovanjaric/istock
Le diagnostic d’embolie pulmonaire peut parfois être difficile car les symptômes ne sont pas toujours très spécifiques et même l’utilisation des scores de Wells ou de Genève laissent nombre de patients dans la catégorie « risque intermédiaire ». L’angioscanner est un examen performant mais s’il est demandé sans argument clinique évident, le risque d’encombrement des services de radiologie est majeur pour un faible rendement : dans certaines études, l’angioscan ne serait positif que pour 10% des demandes de suspicion d’embolie pulmonaire.
C’est l’intérêt majeur d’une étude française chez les patients à risque intermédiaire d’embolie pulmonaire, réalisée aux urgences, qui permet de réduire les angioscans inutiles tout en améliorant la précision diagnostic : il s’agit de combiner un score clinique YEARS avec un ajustement du taux de D-dimères à l’âge (âge x 10). L’étude est publiée dans le JAMA.
Réduction d’un quart des angioscans
Dans cet essai de non-infériorité, randomisé en cluster et cross-over, qui a inclus 1 414 patients avec une suspicion d'embolie pulmonaire en France et en Espagne, le risque à 3 mois d'un événement thromboembolique manqué en utilisant la stratégie de diagnostic testée dans l’étude (score YEARS et D-dimères ajustés à l’âge), par rapport à une stratégie conventionnelle, est de 0,15% contre 0,80% ; l'intervalle de confiance de cette différence ne dépasse pas la marge de non-infériorité de 1,35 %.
L’imagerie thoracique (angioscanner ou scintigraphie pulmonaire) a été réalisée chez une proportion significativement plus faible de patients du groupe intervention (30,4%) que du groupe témoin (40,0%), et la durée de séjour aux urgences a été plus courte de 1,6 heure dans le groupe intervention que dans le groupe témoin.
Très belle étude
L’étude est robuste, avec une évaluation en double aveugle des diagnostics qui donne une vraie sécurité pour l’élimination du diagnostic d’embolie pulmonaire lorsque ces scores clinico-biologiques sont bas. Elle a été testée dans le cadre des urgences-portes de grands hôpitaux français et espagnols, généralement très occupés, et n’a pas abouti à un allongement du temps de séjour aux urgences.
Cette cohorte de malades a été adressée aux urgences pour une symptomatologie pulmonaire qui pouvait faire évoquer une embolie pulmonaire, mais aussi d’autres diagnostics (pneumonie, pleurésie, infarctus, dissection aortique…), ce qui explique la faible prévalence d’embolies pulmonaires dans cette population (7%), qui est donc bien représentative des malades adressés aux urgences en France.
Les algorithmes et les scores sont utiles
Dans un éditorial, les experts rappellent que si les algorithmes sont utiles pour une décision clinique plus objective et standardisée, en particulier chez des praticiens débordés aux urgences, leur application aveugle peut être moins appropriée dans des situations cliniques spécifiques où il est nécessaire de s'écarter des règles. D’après eux, c’est particulièrement le cas des femmes enceintes, des personnes gravement malades ou celles qui sont déjà sous anticoagulant, car elles ont été exclues de cette étude.
Ces réserves écartées, cette très belle étude permet d’avoir désormais plus de sécurité dans le diagnostic d’embolie pulmonaire en urgence. Les experts posent également la question de cette démarche en 2 étapes qui peut être chronophage aux urgences et, au vu de ces résultats, prône l’utilisation directe du score YEARS (signes cliniques de thrombose veineuse profonde, hémoptysie, et l'embolie pulmonaire est le diagnostic le plus probable) et du taux de D-dimère ajusté à l’âge.