Pneumologie

Mucoviscidose : les organoïdes rectaux peuvent-ils servir au diagnostic ?

Une nouvelle technique diagnostique dans la mucoviscidose, utilisant une biopsie rectale, fondée sur la morphologie d'organoïdes rectaux semble prometteuse mais sa complexité technique et analytique limite encore son utilisation en routine. D’après un entretien avec Isabelle SERMET-GAUDELUS.

  • 17 Jun 2021
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    Une étude, dont les résultats sont parus en mai 2021 dans Thorax, a fait le point sur l’intérêt de la morphologie d’organoïdes rectaux, dans le diagnostic de la mucoviscidose. Les auteurs ont développé un essai basé sur les différences morphologiques entre organoïdes rectaux des sujets sains et atteints de mucoviscidose. Au total, les organoïdes de 167 atteints de mucoviscidose et les organoïdes de 22 sujets sains ont été comparés. Une analyse morphologique des organoïdes rectaux a été effectuée. Elle est nommée ROMA pour « rectal organoïd morphology analysis ».

    Un mécanisme complexe et coûteux

    Le professeur Isabelle SERMET-GAUDELUS, pédiatre au Centre de Ressources et de Compétences de la Mucoviscidose, à l’Hôpital Necker, souligne la complexité de la technique utilisant les organoïdes. En effet, ceux-ci correspondent à de « mini-organes », reconstitués à partir de cellules souches, obtenues par voie sanguine ou par biopsie. L’intestin étant très riche en cellules souches, il permet de générer un grand nombre d’organoïdes et de les congeler. Isabelle SERMET-GAUDELUS précise que la biopsie intestinale doit être de bonne qualité pour être utilisable. Il s’agit d’une technologie très coûteuse pour les laboratoires, d’autant que les milieux utilisés pour différencier les organoïdes sont très chers et très fragiles. Cette technique n’est donc pas à la portée de tous. Le principe du diagnostic de la mucoviscidose par biopsie intestinale est que la protéine CFTR, protéine très abondante dans le tissu intestinal, va provoquer un flux d’eau dans l’organoïde et donc le faire augmenter de volume. Cette variation de volume n’est pas spécifique du CFTR mais témoigne de sa présence et permet également d’envisager le niveau de restauration sous modulateurs. Pour suivre les nouvelles thérapies. Toutefois, cette interprétation est complexe et elle nécessite des logiciels d’imagerie spécifiques pour capter les organoïdes intéressants, car la population est souvent très hétérogène.

    Des limites techniques et analytiques qui demandent encore beaucoup de travail

    Isabelle SERMET-GAUDELUS relève que dans ce modèle ROMA, les auteurs ont seulement évalué la morphologie des organoïdes, qui sont plus étroits, de forme irrégulière et dont la lumière interne est plus petite chez les patients atteints de mucoviscidose. Ils n’ont pas observé l’activation de CFTR sous AMPc alors qu’il serait nécessaire de corréler la morphologie de base et l’évolution cinétique pour prouver la validité de ce modèle. De ce fait, la différence entre les index des patients atteints de mucoviscidose et des patients non atteints est très étroite. Isabelle SERMET-GAUDELUS rappelle que seulement trois laboratoires pratiquent cette technique en Europe alors que le test de la sueur et la génétique sont routiniers. Elle précise que ces index peuvent être utiles pour les bébés du dépistage avec un test de la sueur intermédiaire, mais leur sensibilité reste à démontrer. De plus, les auteurs n’évaluent pas la reproductibilité de leur système.

    En conclusion, cette technique peut être intéressante pour le diagnostic de la mucoviscidose mais elle a encore des limites techniques et analytiques, et financières. Et sa place par rapport au test de la sueur que chacun peut réaliser reste à démontrer…

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