Pneumologie
Fibrose pulmonaire : une qualité de mort mal anticipée
La qualité de la mort chez les patients souffrant de fibrose pulmonaire comparée à celle de patients souffrant de cancer du poumon montre que celle-ci est moins bien anticipée en cas de fibrose pulmonaire. Une étude permettant de définir les progrès à faire. D’après un entretien avec Anne-Claire TOFFART.
Une étude japonaise parue dans Thorax en mars 2021 a cherché à évaluer et comparer la qualité de fin de vie des patients atteints de fibrose pulmonaire diffuse avec celle des patients atteints de cancers bronchiques. Il s’agit d’une étude rétrospective observationnelle, multicentrique. Au total, 400 dossiers de sujets décédés, issus de 4 centres de pneumologie ont été inclus, dont la moitié étaient des sujets décédés de fibrose pulmonaire et l’autre moitié de cancer bronchique. Les dossiers de fibrose pulmonaires étaient équitablement répartis sur les 4 centres tandis qu’un seul centre regroupait tus les cas de cancer bronchique. Les familles ont été sollicitées et 361 d’entre elles ont accepté de participer (177 cas de fibrose pulmonaire et 184 cas de cancer bronchique). Au total, 167 réponses aux questionnaires ont été utilisés. Le critère de jugement était la qualité de fin de vie évaluée par le score GDI (good death inventory).
Comparaison significative de la fin de vie en cas de fibrose pulmonaire versus cancer bronchique
Le docteur Anne-Claire TOFFART, pneumo-oncologue au Centre Hospitalier Universitaire de Grenoble-Alpes, souligne que les résultats ont montré un score GDI bien inférieur chez les sujets atteints de fibrose pulmonaire, par rapport à celui obtenu chez les sujets décédés de cancer bronchique. La moindre qualité de fin de vie se retrouvait dans l’inconfort tant psychique que psychologique, dans le lieu de décès et dans la méconnaissance du pronostic, qui n’a pas permis au patient et à sa famille de participer à la décision. La différence est restée significative après l’ajustement des facteurs confondants. Anne-Claire TOFFART précise que les décès sont plus attendus en cas de cancer bronchique, ce que confirment les résultats puisque 36% des cancers bronchiques sont survenus en SSR ou en service de soins palliatifs alors que 95% des décès par fibrose pulmonaire sont survenus dans un service de médecine et 5% en réanimation. Le recours aux soins palliatifs a eu lieu dans 9% des cas de fibrose pulmonaire et dans plus de 50% des cas de cancer bronchique. Anne-Claire TOFFART précise que les décès liés aux fibroses pulmonaires sont souvent dus à une décompensation aigue, qui peut laisser l’espoir d’une réversibilité par le traitement. En effet, les gestes plus agressifs en matière de traitements ou d’examens complémentaires sont plus fréquents au cours de la fin de vie des patients atteints de fibrose pulmonaire. Elle insiste également sur le fait que les patients atteints de fibrose sont moins impliqués dans la discussion, qui a le plus souvent lieu lors d’une hospitalisation, que chez les sujets cancéreux, chez qui elle est plus anticipée.
Des progrès à faire pour anticiper la fin de vie en cas de fibrose pulmonaire
Anne-Claire TOFFART explique que cette étude est rétrospective et qu’elle a pris en compte le sentiment des familles, qui peut être tout à fait différent de celui des défunts. Pour elle, cette étude serait à renouveler de façon prospective. De plus, elle souligne que les profils des patients sont bien différents : en cas de pathologie cancéreuse métastatique, le projet peut ne pas être curatif tandis qu’en cas de fibrose pulmonaire, la maladie évolue sur un plus long terme et il est plus difficile de déterminer le bon moment pour aborder la fin de vie, phénomène que l’on retrouve également dans les cas de sujets atteints de BPCO. Anne-Claire TOFFART précise qu’il serait justifié d’optimiser la formation des pneumologues non cancérologues à la communication sur la fin de vie et qu’il existe une réelle volonté d’améliorer la formation dans ce domaine dans le cursus universitaire.
En conclusion, la fin de vie des patients atteints de fibrose pulmonaire doit être mieux anticipée, à la manière de celle des patients atteints de cancer bronchiques, en améliorant la communication en amont. La volonté de former les jeunes médecins à cette prise en charge lors de leur cursus universitaire est bien présente.