Pneumologie

Pneumopathies interstitielles diffuses auto-immunes : guidelines américains sur des sujets attendus

De nouveaux guidelines américains pour le traitement des pneumopathies interstitielles diffuses associées aux maladies auto-immunes systémiques ont été publiés. Ces recommandations ont été élaborées par des rhumatologues et abordent des sujets très attendus, tant sur le plan diagnostique que thérapeutique. D’après un entretien avec Bruno CRESTANI.

  • 17 Oct 2024
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    Des guidelines, parus en septembre 2024 dans Arthritis Rheumatology, ont été établis par la Société Américaine de Rhumatologie. Des sujets attendus ont été traités et ont permis de répondre à des besoins de recommandations précises. Ces recommandations américaines se déclinent en plusieurs grandes parties : le dépistage et le diagnostic, le traitement et la conduite à tenir en cas de pneumopathie interstitielle diffuse rapidement progressive. Il existait déjà des recommandations coréennes et des recommandations américaines et européennes concernant les atteintes pulmonaires au cours de la sclérodermie. L’ERS et l’EULAR se penchent actuellement sur l’élaborations de guidelines sur les atteintes pulmonaires des connectivites.

     


    Au sujet du dépistage et du diagnostic

    Le professeur Bruno CRESTANI, chef du service de pneumologie de l’Hôpital Bichat Claude Bernard et du Centre de référence des maladies pulmonaires rares, à Paris, regrette l’absence de pneumologues dans l’élaboration de ces guidelines, ce qui pour lui, constitue une limite majeure à ce travail. Toutefois, ce travail apporte des réponses précises. Sur le plan du dépistage, les auteurs proposent de rechercher des populations à risque de pneumopathie interstitielle diffuse, comme des hommes fumeurs ayant une polyarthrite rhumatoïde et de dépister ces populations à risque. En effet, en cas de polyarthrite rhumatoïde, 30% des sujets ont des anomalies au scanner mais seulement 2 à 3 % sont cliniquement symptomatiques. Les auteurs propose donc deux outils diagnostiques, après avoir identifié ces patients : le scanner à haute résolution et les EFR. Pour Bruno CRESTANI, le scanner à haute résolution est un outil incontournable mais il considère les EFR comme discutables car c’est un outil plus efficace pour apprécier le retentissent que pour réaliser le dépistage. Les auteurs de ce travail, évoquent également le suivi de ces patients après leur identification, qu’ils vont différencier en fonction des maladies rencontrées. Ces différenciations se feront sur les symptômes, les EFR, la spirométrie et la DLCO, avis que partage Bruno CRESTANI, qui trouve cependant discutable de ne pas faire de recommandations sur la répétition du scanner. Il est nécessaire de répéter le scanner si les EFR et /ou les symptômes se modifient. Les experts proposent également un suivi sur le test de marche de 6 minutes avec désaturation. Ils ont ensuite précisé les recommandations en fonction des différentes maladies avec des EFR tous les 3 à 6 mois pendant un an en cas de myopathie inflammatoire ou de sclérodermie, tous les 3 à 12 mois en cas de polyarthrite rhumatoïde, de connectivite ou de syndrome de Sjogren. Pour Bruno CRESTANI, ces recommandations sont raisonnables, car elle ne vont pas au-delà de la première année. Les auteurs précisent également que la radiographie pulmonaire n’est pas un outil recommandé par manque de sensibilité, ni l’endoscopie. Si un examen doit être répété, ils optent plutôt pour le scanner.

     

    Des recommandations thérapeutiques

    Bruno CRESTANI souligne, qu’en termes de recommandations pour la prise en charge thérapeutique, les auteurs ont réalisé un classement par maladies. Ils ont toutefois préconisé pour tous le malades et en première ligne le mycophénolate, l’azathioprine et le rituximab, sauf  dans la sclérodermie pour laquelle ils suggèrent plutôt d’utiliser le tocilizumab. Pour Bruno CRESTANI, ceci est discutable : il rappelle qu’en France, ni les pneumologues ni les rhumatologues  n’utilisent  le mycophénolate ni l’imurel dans les polyarthrites rhumatoïdes. Dans le cas des myosites inflammatoires, les inhibiteurs de la calcineurine en première ligne ne font pas débat. Dans tous les cas, les auteurs recommandent de donner des corticoïdes, en association, sur une courte durée, en début de traitement, sauf dans le cas des sclérodermies où les corticoïdes ne sont pas recommandés. Les anti-fibrosants, comme le nintédanib n’a l’indication, en première intention que dans la sclérodermie. Les options possibles après la première ligne de traitement, sont principalement représentées par l’endoxan. En cas d’aggravation ou de progression après une première ligne de traitement, le nintédanib est alors préconisé ainsi que la pirfénidone pour la polyarthrite rhumatoïde. Et enfin en cas d’échappement au traitement, on se tournera alors vers la transplantation pulmonaire.  Bruno CRESTANI explique qu’il s’agit de recommandations conditionnelles, adaptables à une majorité de patients.

     

    Quid des pneumopathies interstitielles diffuses rapidement progressives

    Bruno CRESTANI est satisfait que, pour la première fois ces recommandations font apparaitre la pneumopathie interstitielle diffuse rapidement progressive avec les recommandations spécifiques.  En effet, ce sujet important est encore débattu. Un contexte de myosite inflammatoire avec une évolution rapide en quelques semaines, justifie une pris  n charge en unité de soins intensifs ou en réanimation. Pour Bruno CRESTANI, la base de la discussion est de savoir s’il s’agit d’une forme sévère d’emblée ou rapidement progressive avec des anticorps anti MDA5, qui est de moins bon pronostic et qui nécessite alors des corticoïdes par voie intra-veineuse associés à deux médicaments combinés, dont un inhibiteur de la calcineurine. En cas de forme moins sévère, sans anticorps anti mDA5, les auteurs préconisent une corticothérapie intra-veineuse associée à un immunosuppresseur. Bruno CRESTANI, précise que, dans tous les cas, une évaluation dans un centre de transplantation pulmonaire est nécessaire. Il ajoute, qu’en France, il existe une possibilité d’activer des RCP en moins de 48 heures, via le réseau RESPIFIL, pour rendre en charge les pneumopathies interstitielles diffuses rapidement progressives.

     

    En conclusion, ces guidelines sont riches d’informations et d’aide au diagnostic et au traitement des pneumopathies interstitielles diffuses, même si elles sont exclusivement élaborées par des rhumatologues. Les recommandations française de l’ERS et de l’EULAR sont très attendues…

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