Pneumologie
Biofilm et BPCO : un gros challenge
Le biofilm serait un facteur d'exacerbation dans la BPCO. Sa meilleure connaissance et son rôle dans les propositions thérapeutiques ont fait l’objet d’une étude qui a évalué un panel de cibles thérapeutiques, qui restent pour la plupart théoriques du fait de l’absence d’étude clinique solide et d’une évaluation partielle des conséquences d’éradiquer ou d’inhiber le biofilm en termes d’effets délétères potentiels pour les patients. D’après un entretien avec Rodrigue DESSEIN.
Une étude, dont les résultats sont parus en août 2024 dans l’EMJ Respiratory, a cherché à faire le point sur le rôle du biofilm au cours de la BPCO et notamment son impact sur la survenue des exacerbations. Il s’agit d’une méta-analyse au cours de laquelle les auteurs ont évalué les publications relatives au développement du biofilm, ainsi que celles qui évoquaient des approches pour inhiber et éradiquer les biofilms. Ils sont partis de la constatation que les infections bactériennes et virales au cours de la BPCO étaient responsables d’une transition de la maladie vers un stade sévère et que l’éradication des micro-organismes contenus dans le biofilm contribuant à la survenue des exacerbations pourrait aller jusqu’à diminuer le taux de mortalité lié à la BPCO.
Quid du biofilm
Le professeur Rodrigue DESSEIN, biologiste et chef du service de bactériologie de l’Institut de microbiologie du Centre Hospitalier Universitaire de Lille, explique que cet article est très didactique mais qu’il suppose déjà une connaissance des étapes clefs de la constitution du biofilm, pour comprendre le focus réalisé sur le biofilm et la BPCO. En effet, il existe peu d’études cliniques sur le sujet et ce travail a l’avantage d’apporter un panel de toutes les idées possibles pour traiter le biofilm respiratoire, en théorie. Il souligne qu’il existe de nombreuses idées sur les principes fondamentaux du biofilm mais la difficulté réside dans les applications cliniques. Rodrigue DESSEIN rappelle qu’initialement le biofilm a été décrit sur des extraits de pétrole, en raison de la présence de bactéries sur les matériaux solides, ce qui a fait l’objet de recherches multiples qui se sont ensuite, pour une faible part, orientées vers des applications médicales. L’organisation des bactéries qui occupent les muqueuses pourrait représenter un facteur pronostic de certaines maladies, notamment la BPCO. Le biofilm a déjà été largement décrit lors de la présence de prothèses ou d’implants extérieurs mais, en pneumologie, sa composition est plus difficile à décrire et l’impact de son éradication encore plus complexe à évaluer. Sa présence a surtout été évoquée dans le cadre de la mucoviscidose, avec son « biofilm géant ».
Une méta-analyse bien documentée
Rodrigue DESSEIN souligne la bonne stratégie de recherche des données et des mots clefs utilisés de cette méta-analyse qui offre un beau panorama de ce qui existe concernant le biofilm et qui est aussi innovante dans sa transposition à la médecine humaine. Les auteurs évoquent des approches possibles et très accessibles de la prise en charge du biofilm, pour un pneumologue, issues de modèles scientifiques compliqués, et souvent réalisées sur du biofilm artificiel. Ils ont toutefois mesuré leurs conclusions en n’établissant pas de consensus précis sur l’antibiothérapie, qui n’a pas fait l’objet d’études cliniques et qui les laissent les connaissances au stade de concept. Rodrigue DESSEIN félicite la clarté de cette revue, au regard de la complexité du sujet. Il précise que les bactéries ont historiquement été « pensées » individuellement alors qu’elles collaborent ensemble et qu’il est absolument nécessaire d’engager d’autres travaux pour comprendre en quoi cela impact la virulence et déterminer la place des thérapies anti-biofilm, avec, en amont, une recherche du biofilm et de sa composition, ce qui constitue, selon Rodrigue DESSEIN un très gros challenge.
En conclusion, cette étude, bien menée, apporte une conclusion subtile et mesurée sur les liens entre le biofilm et la BPCO, notamment son rôle sur les exacerbations. Il s’agit d’une petite avancée, néanmoins importante, qui fait réfléchir à la décision d’asséchement ou non du biofilm et du moment auquel il doit être traité. Encore du travail….