Pneumologie
GOLD 2023, les exacerbations dans le viseur
Depuis 2023, l’utilisation du dosage sanguin de polynucléaires éosinophiles pour guider les choix thérapeutiques, en particulier l’initiation d’une trithérapie inhalée (double bronchodilatation et corticostéroïde inhalé) chez les patients atteints de BPCO à risque d’exacerbations et naïfs de tout traitement est maintenant recommandé par le GOLD. Le bénéfice des stratégies thérapeutiques proposées par le GOLD 2023 a été évalué dans une étude en vraie vie, dont les résultats confortent en partie leur utilisation. Certaines questions restent en effet en suspend et l’on rappelle que les recommandations thérapeutiques du GOLD 2023 diffèrent de celles émises en 2021 par la SPLF, en particulier concernant la place de la trithérapie. D’après un entretien avec Lucile REGARD.
Parue en septembre 2023 dans l’European Respiratory Journal, l’étude de cohorte menée par Samy Suissa avait pour objectif d’évaluer la pertinence des stratégies du GOLD 2023 utilisant le dosage des polynucléaires éosinophiles sanguins comme biomarqueur pour guider les choix thérapeutiques chez les patients atteints de BPCO à risque d’exacerbations nouvellement diagnostiqués (groupe E de la nouvelle classification), ou ceux déjà traités par un bronchodilatateur de longue durée d’action. Cette étude en vraie vie qui a inclus 6134 patients, a ainsi comparé l’efficacité (risque de survenue d’une exacerbation modérée ou sévère dans l’année de suivi) et la toxicité (survenue d’une pneumopathie hospitalisée) de la trithérapie versus une double bronchodilatation chez ces patients exacerbateurs. Des analyses en sous-groupes selon la valeur de l’éosinophilie sanguine ont été effectuées.
Les polynucléaires éosinophiles, un biomarqueur prédictif d’efficacité de la trithérapie inhalée
Le docteur Lucile REGARD, praticien hospitalo-universitaire dans le service de Pneumologie de l’hôpital Cochin, à Paris, estime que cette étude est particulièrement intéressante puisqu’elle tente de répondre à une question cruciale : quel est le meilleur traitement à instaurer chez les patients atteints de BPCO à risque d’exacerbations et naïfs de tout traitement, autrement dit les patients du groupe E. Dans cette étude, on observait une diminution du risque de survenue d’exacerbations chez les patients recevant une trithérapie par rapport à ceux traités par double bronchodilatation avec une différence plus marquée chez les patients présentant une éosinophilie sanguine supérieure à 300/mm3. De manière intéressante, le bénéfice de la trithérapie sur le risque d’exacerbation n’était plus significatif chez les patients présentant un dosage une éosinophilie sanguine inférieure à 300/mm3 alors que les taux de pneumonie étaient plus élevés chez ces mêmes patients. Ces derniers résultats nous confortent dans l’idée que la combinaison d’un phénotype (exacerbateur) et d’un endotype (éosinophilie sanguine élevée) permettent de mieux cibler les patients pouvant bénéficier d’une trithérapie. Ils soulignent également le risque lié à l’utilisation des corticoïdes inhalés qui semble majoré quand ces derniers ne sont pas indiqués (i.e. quand les éosinophiles sanguins sont bas).
Initier un traitement chez les patients exacerbateurs : pas de certitude
Malheureusement, le nombre de patients du groupe E (à risque d’exacerbations et naïfs de tout traitement) et présentant une éosinophilie sanguine supérieure à 300/mm3 était limité dans cette étude (n = 133). Ce faible effectif a rendu impossible la réalisation d’analyses en sous-groupes plus poussées, notamment les comparaisons entre groupes de traitement pour cette catégorie de patients. Cette étude ne permet donc pas de conclure sur le bénéfice réel d’une stratégie privilégiant une trithérapie d’emblée chez les patients exacerbateurs et « hyperéosinophiliques ». Dans ces conditions et en l’absence de données scientifique robuste, il semble raisonnable de continuer à suivre les propositions émanant de la SPLF concernant la prise en charge thérapeutiques des patients atteints de BPCO.
En conclusion, le bénéfice de la trithérapie inhalée chez les patients atteints de BPCO à risque d’exacerbation a déjà été démontré dans les essais randomisés contrôlés. Cette étude contribue à préciser la place d’un tel traitement dans la stratégie thérapeutique et à mettre en avant l’intérêt de l’utilisation des polynucléaires éosinophiles sanguins comme biomarqueur prédictif de réponse au traitement. Il ne permet cependant pas de répondre avec certitude sur la place de la trithérapie en première ligne de traitement.