Pneumologie
Fibrose pulmonaire idiopathique : intérêt certain de la morphine pour soulager la toux
L’intérêt de prescrire de la morphine a faible dose pour soulager la toux associée à la fibrose pulmonaire idiopathique semble démontré par une étude qui apporte des données encourageantes. La fiable dose limiterait les effets secondaires, notamment respiratoires. D’après un entretien avec Laurent GUILLEMINAULT.
Une étude britannique, accompagnée de son éditorial, dont les résultats sont parus en janvier 2024 dans le Lancet Respiratory Medicine, a cherché à démontrer l’efficacité et l’innocuité de la morphine à faible dose pour traiter la toux des patients atteints de fibrose pulmonaire idiopathique. Il s’agit d’une étude de phase 2, multicentrique, au cours de laquelle les patients inclus ont été randomisés et ont reçu, soit une dose de morphine de 5 mg deux fois par jour soit un placebo, sur une durée de 14 jours. Ils ont ensuite interrompu tout traitement de la toux puis repris 14 jours de morphine, aux mêmes doses, ou de placebo. Les patients étaient âgés de 40 à 90 ans et avaient tous une toux chronique durant depuis au moins 90 jours avec une sévérité d’au moins 30 mm sur l’échelle analogique de la toux. Leur capacité vitale forcée était d’au moins 45% et les patients fumeurs ont été exclus.
Une amélioration significative de la qualité de vie
Le professeur Laurent GUILLEMINAULT, pneumologue dans le service de pneumologie et allergologie du Centre Hospitalier Universitaire de Toulouse, précise qu’il s’agit du premier article sur l’effet de la morphine à faible dose pour traiter la toux chronique des patients atteints de fibrose pulmonaire interstitielle. Il rappelle que la toux est un symptôme très connu de ces atteints et de leurs soignants, avec un retentissement physique, social et psychologique important. Il rappelle que plus de 80% de patients atteints de fibrose interstitielle chronique présentent une toux altérant leur qualité de vie de façon significative. Les résultats de cette étude ont montré que la prise de morphine à faible dose a diminué la fréquence de la toux de 39%. Les patients répondeurs à la morphine voient leur toux diminuer de 50% au réveil versus 18% chez les sujets ayant reçu le placebo. Laurent GUILLEMINAULT souligne une amélioration de la qualité de vie avec un score augmenté de 1,8 sur l’échelle d’évaluation de la qualité de vie. Pour lui, les preuves scientifiques doivent encourager à utiliser la porphine pour traiter la toux des patients atteins de fibrose pulmonaire interstitielle car tous les autres traitements se sont jusque-là montrés inefficaces.
Pas de dépendance mais une reprise attendue de la toux à l’arrêt du traitement
Laurent GUILLEMINAULT explique que les auteurs de l’éditorial évoquaient un scepticisme en raison des effets secondaires potentiels des morphiniques et du manque d’information sur la dyspnée des patients traités. Toutefois, il relève que le seul effet secondaire significatif présent est la constipation (21% chez les patients traités par morphine versus 0% chez les patient sous placebo) et que les autres effets secondaires tels que la somnolence ou la dépression respiratoire ne sont pas significatifs. D’autre part, les auteurs évoquent le manque de données concernant la dépendance à la morphine dans cette étude mais Laurent GUILLEMINAULT précise qu’avec une dose biquotidienne de 5 mg, il n’y a pas de phénomène de dépendance, le seul écueil étant la reprise de la toux dès l’arrêt du traitement par morphiniques. Pour lui, le traitement de la toux des patients atteints de fibrose pulmonaire idiopathique par la morphine n’est pas suffisamment utilisé, en raison de la crainte des effets secondaires respiratoires.
En conclusion, la morphine à fiable dose a une efficacité indiscutable sur la toux des patients atteints de fibrose pulmonaire idiopathique, au prix de faibles effets secondaires. Elle reste le seul traitement efficace de ce symptôme et les craintes de son utilisation chez ces patients doivent être levées, l’amélioration de leur qualité de vie étant grandement significative.