E-cigarette : ne pas présumer de son innocence dans les symptômes respiratoires

L'usage de la cigarette électronique est associée à des symptômes d'asthme et de bronchite chronique. Cette confirmation, non  surprenante, ne permet pas de savoir si ces symptômes s’aggraveront sur le long terme, par manque de recul. On peut cependant présumer que oui… D’après un entretien avec Nicolas ROCHE.

Une étude française, dont les résultats sont parus en janvier 2024 dans Repsiratory Medicine, a cherché à mesurer l’impact de la cigarette électronique en termes de symptômes respiratoires. Pour cela, les auteurs ont inclus les sujets issus de la cohorte Constances, qui une cohorte de population générale recrutée par échantillonnage des fichiers de toute la population française. Les sujets sont invités à se rendre à la CPAM pour avoir un bilan de santé et de prévention et si les invitations sont refusées, un tirage au sort est réalisé, ce qui peut constituer un biais car il s’agit plus souvent de sujets en bonne santé, les patients suivis pour des maladies chroniques répondant moins souvent positivement à l’invitation. La cohorte Constances comporte plus de 200 000 sujets, suivis par des questionnaires, tous les 5 ans ou à un rythme plus rapproché si besoin. Au cours de cette étude, les auteurs ont inclus plus de 135 000 sujets, entre 2015 et 2019, âgés e 18 à 69 ans et ont évalué l’association entre les symptômes respiratoires (toux, sifflements, dyspnée) et l’utilisation de la cigarette électronique, à la fois chez les fumeurs ou anciens fumeurs et chez les sujets qui n’ont jamais fumé. Ils ont ainsi recherché l’indépendance avec le tabagisme en réalisant des ajustements pour s’affranchir de cette influence.

Une fréquence plus importante des symptômes respiratoires avec la e-cigarette

Le professeur Nicolas ROCHE, chef du service de pneumologie de l’Hôpital Cochin à Paris et auteur de ce travail, souligne qu’une fréquence plus importante de symptômes respiratoires a été observée chez les sujets utilisant la cigarette électronique. Il a relevé une augmentation du score de 34% des symptômes d’asthme et de BPCO chez les utilisateurs de e-cigarette, le score de symptômes de l’asthme comprenant l’essoufflement avec sifflement thoracique, l’oppression thoracique, l’essoufflement au repos et le réveil par essoufflement. Le score de symptômes de BPCO comprenait la toux et les expectorations. Nicolas ROCHE ajoute que si on observe les résultats chez les patients qui n’ont jamais fumé, la cigarette électronique augmente le score de symptômes d’asthme dans les deux sexes, alors que le lien avec le score de symptômes de BPCO n’est observé que chez les femmes. En effet, les ratios de prévalence sont importants (plus de 40%) chez les femmes qui n’ont jamais fumé, ce qui induit un doublement du risque de BPCO.

Un instantané qui demande encore du recul pour les effets à long terme

Nicolas ROCHE estime que ces résultats ne constituent pas une grande surprise, puisqu’il ne s’agit pas d’une étude de mécanisme, sachant déjà que l’observation des marqueurs a montré une augmentation de l’inflammation des voies aériennes lors de l’utilisation de la e-cigarette. Ainsi, pour lui, la cigarette électronique ne peut en aucun cas être considérée comme anodine et il est impossible de déduire de ces résultats que son utilisation ne comporte aucun risque. Nicolas ROCHE précise toutefois que ce travail est une photo des symptômes, qui ne permet pas de savoir si on observera une aggravation sur long terme ni de faire la comparaison entre la e-cigarette et la cigarette classique, dont on connait déjà l’importante toxicité. Il estime que l’on peut présumer de l’aggravation de ces symptômes avec le temps mais que le recul n’est pas encore suffisant pour l’affirmer avec certitude.

En conclusion, ce travail apporte la confirmation de l’impact de l’utilisation de la cigarette électronique sur la santé respiratoire de la population française, alors qu’l n’existait pas encore de données solides sur le sujet. Reste à déterminer l’évolution de ces symptômes avec le temps…