Cardiologie
Chirurgie non-cardiaque : la colchicine post-opératoire pour diminuer les complications cardiaques ?
La colchicine utilisée en post-opératoire d’une intervention chirurgicale non-cardiaque lourde permettrait-elle de diminuer l’inflammation, et ainsi le risque de complications cardiaques ? L’étude COP-AF lève le voile.
- Lars Neumann/iStock
Des niveaux élevés des biomarqueurs de l’inflammation à l’issue d’une chirurgie non-cardiaque lourde sont associés à un risque accru de fibrillation atriale per-opératoire et de lésions myocardiques. Or, l'action anti-inflammatoire de la colchicine semble diminuer l’incidence de ce type de complications (réduction du risque de FA après chirurgie cardiaque confirmé dans des essais cliniques et diminution des évènements cardiovasculaires chez les patients atteints de coronoropathie).
En période périopératoire, la prévalence de la fibrillation atriale est élevée (jusqu’à 10 %) et celle des MINS (myocardial injury after non cardiac surgery ou lésions myocardiques après chirurgie non cardiaque)) est estimée à 20 %. L’étude COP-AF, dont les résultats sont parus dans The Lancet, s’est fixée comme objectif d’étudier l’effet de la colchicine (par voie orale) sur la survenue de fibrillation atriale (FA) périopératoire cliniquement significative et de lésions myocardiques après chirurgie non cardiaque (MINS).
Une étude randomisée et des données issues de 11 pays
Cette étude randomisée, a été menée sur 45 sites dans 11 pays. Entre le 14 février 2018 et le 27 juin 2023, 3209 patients d’âge moyen 68 ans ont été recrutés, parmi lesquels 1656 hommes (51,2 %).
Les patients âgés de 55 ans ou plus et subissant une intervention chirurgicale thoracique majeure non cardiaque ont été randomisés à 1:1, avec prise de colchicine à,5 mg 2 fois par jour dans un 1er groupe et placebo pour le second. La première dose de colchicine et placebo a été administrée dans les 4 heures précédant l'intervention chirurgicale et pour une durée de 10 jours.
Des critères de jugements cardiologiques
Les 2 critères de jugements principaux étaient la survenue d’une FA cliniquement significative, c’est-à-dire associée à une symptomatologie angineuse ou bien provoquant un tableau d’insuffisance cardiaque ou une hypotension artérielle symptomatique nécessitant la mise en place d’un traitement spécifiques (bradycardisant, anti-arythmique, cardioversion électrique), ou de MINS, c’est-à-dire un infarctus du myocarde ou un taux de troponine post-opératoire élevés, considérés comme étant dus à une ischémie myocardique significative.
Des résultats non significatifs
Une fibrillation auriculaire s’est déclarée chez 103 des 1608 patients (6,4%) assignés à la colchicine, et 120 des 1601 patients (7,5%) recevant le placebo. Des MINS sont apparus chez 295 patients (18,3%) traités par colchicine et 325 (20,3%) du groupe placebo.
Une septicémie ou une infection est survenue chez 103 patients (6,4%) dans le groupe colchicine et 83 patients (5,2%) dans le groupe placebo. Les diarrhées non infectieuses ont été plus fréquentes dans le groupe colchicine (134 patients (8,3 %)) que dans le groupe placebo (38 (2,4 %)).
La durée d’hospitalisation a été comparable dans les 2 groupes. Le critère de jugement composite de la FA périopératoire cliniquement significative ou des MINS s'est donc produit chez 360 patients (22,4%) dans le groupe colchicine et chez 415 patients (25,9%) dans le groupe placebo.
Les résultats n’ont malheureusement pas été concluants puisque la colchicine administrée chez patients subissant une chirurgie thoracique majeure n’a pas réduit de manière significative l’incidence de la fibrillation atriale cliniquement importante ni du MINS. En revanche, elle a augmenté le risque de diarrhée non infectieuse le plus souvent bénigne.