Pneumologie
Longueur des télomères : une aide à la décision thérapeutique des pneumopathies interstitielles fibrosantes
La longueur des télomères prédit la survie dans les pneumopathies interstitielles fibrosantes traitées par immunosuppresseurs mais ces résultats ne sont pas extrapolables aux connectivites. La longueur des télomères peut donc être utilisée comme aide à la décision thérapeutique dans certains cas. D’après un entretien avec Antoine FROIDURE.
Une étude, dont les résultats sont parus en octobre 2023 dans l’European Respiratory Journal, a cherché à évaluer le rôle la longueur des télomères sur le traitement immunosuppresseur lorsqu’il est utilisé dans les pneumopathies interstitielles fibrosantes . Il s’agit d’une étude américaine multicentrique, et rétrospective. Les auteurs ont inclus des patients issus de 5 centres, qui disposaient de matériel génétique exploitable. Au total, environ 1000 patients ont été inclus et séparés en trois groupes : le groupe des patients atteints de connectivites (environ 400 sujets), le groupe des patients atteints de fibrose inclassifiable et le groupe des patients atteints de pneumopathies d’hypersensibilité chronique fibrosantes. Tous les patients ont été exposés aux immunosuppresseurs, soit l’azathioprine soit le mycophénolate. La longueur des télomères de tous les patients a été mesurée par PCR, méthode la plus simple, et leur réponse au traitement ainsi que leur tolérance ont été évaluées.
Mauvais ménage entre télomères courts et immunosuppresseurs
Le professeur Antoine FROIDURE, pneumologue à la Clinique Universitaire Saint-Luc, à Bruxelles, rappelle que les télomères sont des séquences d’ADN répétitives non codantes dont le rôle est de protéger l‘intégrité des chromosomes. Les télomères se raccourcissent au fur et à mesure du vieillissement des cellules, phénomène partiellement compensé par les télomérases. La longueur des télomères est exprimée en percentile par rapport à l’âge et sur la base de différentes études, on considère que des télomères inférieurs au percentile 10 sont des télomères courts. Les mesures sont souvent réalisées sur de cellules sanguines, facilement accessibles et permettant d’avoir une population témoin. Toutefois, toutes les personnes ne sont pas égales devant la longueur des télomères et certains sujets ont des variants, avec une moins bonne capacité de régénération. Les télomères plus courts affectent le potentiel de différenciation des cellules et provoquent un épuisement plus précoce des cellules progénitrices et des cellules souches. Certaines maladies sont associées à des désordres des télomères, dont les maladies interstitielles respiratoires. La moelle osseuse est également un organe sensible à la longueur des télomères. Antoine FROIDURE précise que l’on savait déjà que certains immunosuppresseurs donnent des aplasies médullaires ou des agranulocytoses, qui sont plus dangereuses chez les patients ayant une téloméropathie. L’objectif de ce travail était donc de montrer qu’au cours des maladies interstitielles pulmonaires, la mortalité et les effets secondaires liés aux immunosuppresseurs sont fonction de la longueur des télomères
Une aide à la décision mais non transposables aux connectivites
Antoine FROIDURE souligne que la première observation obtenue par cette étude est que 33% des patients porteurs de fibroses pulmonaires inclassifiables et 25% des patients atteints de pneumopathies d’hypersensibilité fibrosantes avaient des télomères inférieurs au percentile 10 alors que seulement 12% des patient atteints d connectivites avaient des télomères inférieurs au percentile 10. La mortalité des patients sous immunosuppresseurs est multipliée par 5 chez les patients ayant des télomères courts. Cet excès de mortalité constitue un résultat probant pour les patients atteints de fibroses inclassifiables et de pneumopathies d’hypersensibilité mais ne sont pas extrapolables aux patients atteints de connectivites seules. Toutefois, Antoine FROIDURE, estime que cette découverte est intéressante car elle peut constituer une aide à la décision, en gardant à l’esprit que si les télomères sont courts, le risque d’effets secondaires léthaux liés aux immunosuppresseur est multiplié par cinq. Pour lui, le fait que cela ne soit pas transposable aux connectivites est plutôt rassurant car ce sont ces pathologies qui ont le plus de chances d’être traitées par immunosuppresseurs. Il précise que la fore de cette étude est liée à la taille de l’échantillon et qu’elle reflète l’utilisation très anglo-saxonne et américaine des immunosuppresseurs, sûrement moins marquée en France.
En conclusion, l’utilisation de la longueur des télomères comme aide à la décision thérapeutique dans les pneumopathies interstitielles fibrosantes est envisageables, dans certains cas seulement et une étude prospective serait intéressant pour conforter ces résultats et peut-être élaborer de recommandations…