Pneumologie
Dilatation des bronches : utilité du phénotypage par l’éosinophilie
Les éosinophiles pourraient servir de biomarqueur d'exacerbation dans les dilatations des bronches, comme dans la BPCO et l’asthme. Le phénotypage des patients atteints de dilatation des bronches permettrait d’affiner leur prise en charge et d’anticiper la sévérité des exacerbations, en identifiant les groupe les plus fragiles. D’après un entretien avec Frédéric SCHLEMMER.
Une étude, dont les résultats sont parus en septembre 2023 dans Chest, a cherché à évaluer si les éosinophiles pouvaient représenter un biomarqueur utile dans la dilatation des bronches, comme cela a déjà été montré dans le cas de la BPCO et de l’asthme. Il s’agit d’une étude prospective , multicentrique, observationnelle réalisée à partir d’une cohorte espagnole de patients atteints de dilatation des bronches non mucoviscidosiques. Les auteurs ont inclus environ 1000 patients, entre 2015 et 2019, et exclus les asthmatiques et les sujets sous corticothérapie orale. Au total, 928 patients ont été inclus. Ils avaient un taux moyen d’éosinophiles sanguins, à l’état stable de 200/mm3 (pour une norme de 110/mm3 dans la population générale). Ils ont ensuite été séparés en 4 groupes : un groupe de patients éosinopéniques (moins de 50/mm3) comportant environ 13% des patients, un groupe avec des éosinophiles compris entre 50 et100/mm3 (18% des patients), un groupe avec des éosinophiles compris entre 101 et 300/mm3 (50% des patients) et un groupe hyperéosinophilique avec plus de 300/mm3 (7,5% de patients). Les patients avaient un âge moyen de 67 ans, étaient des femmes dans deux tiers des cas , 28% d’entre eux avaient une infection par le Pseudomonas Aeruginosa et leur VEMS moyen était de 73% du volume théorique.
Un intérêt du phénotypage des patients atteints de dilatations des bronches
Le docteur Frédéric SCHLEMMER, pneumologue dans le service de médecine intensive et réanimation de l’hôpital Henri Mondor, à Créteil, rappelle que l’éosinophilie a été largement étudiée en ce qui concerne l’asthme et la BPCO et que son impact sur le nombre et la sévérité des exacerbations et sur l’indication de la corticothérapie n’est plus à démontrer. Il souligne que cette étude réalisée par des centres experts, même si elle n’est pas révolutionnaire, est intéressante et sa méthodologie solide. Les résultats ont montré un taux d’exacerbations aigues de 1,6 épisodes par an en moyenne et un tiers des patients ont eu au moins trois exacerbations dans l’année et 60% d’entre eux prenaient des corticoïdes inhalés. Frédéric SCHLEMMER relève que les groupes éosinopéniques et hyperéosinophiliques aveint une dilatation des bronches plus sévère, des infections à Pseudomonas Aeruginosa plus fréquentes, une prise d’antibiotiques, notamment de macrolides, au long cours plus fréquente, plus d’exacerbations aiguës sévères et prenaient davantage de corticoïdes inhalés que les sujets des deux autres groupes. Il n’y a avait aucune différence entre les quatre groupes concernant l’âge, le sexe et l’étiologie de la dilatation des bronches. Cela démontre qu’il existe une relation ente le taux d’éosinophilie et la sévérité de la dilatation des bronches et des exacerbations, le groupe le plus sévèrement attient étant le groupe éosinopénique.
Un bénéfice des corticoïdes inhalés chez les hyperéosinophiliques
Frédéric SCHLEMMER relève que les résultats ont montré qu’il n’y a pas d’impact de la prise de corticoïdes inhalés sauf dans le groupe hyperéosinophilique, ce qui laisse imaginer un bénéfice potentiel des corticoïdes inhalés. Il précise que ces résultats intéressants sont cohérents avec d’autres publications. Frédéric SCHLEMMER rappelle que les corticoïdes inhalés n’ont pas d’indication dans la dilatation des bronches mais ils peuvent être intéressants chez les patients hyperéosinophiliques via leur effet sur les éosinophiles. Il ressort de ce travail que le groupe le plus fragile est le groupe éosinopéniques, qui est plus à risque d’exacerbation, ce qui démontre l’intérêt du phénotypage des patients atteints de dilatation des bronches.
En conclusion, deux types de patients atteints de dilatations des bronches sont considérés comme fragiles : les éosinopéniques et les hyperéosinophiliques. L’utilisation de l’éosinophilie comme biomarqueur d’exacerbation est donc également intéressante dans cette pathologie, d’autant qu’elle a sûrement un rôle dans la réponse à la corticothérapie inhalée, qui n’a qu’ne place restreinte dans le traitement de la dilatation des bronches.