Pneumologie
Burn-out des hospitalo-universitaires : éviter l’épidémie et redonner l’envie aux jeunes
Une charge psychologique considérable sur les hospitalo-universitaires français souligne l'urgence de mesures pour améliorer les conditions de travail. La vie d’un praticien hospitalo-universitaire doit ressembler une vie normale pour limiter l’épidémie de burn-out qui sévit chez ces professionnels. D’après un entretien avec Martin DRES.
Une étude française, dont les résultats sont parus en avril 2022 dans le JAMA Network Open, a cherché à comprendre pourquoi un grand nombre de démissions a été récemment observé au sein des hospitalo-universitaires. Une réflexion pluriprofessionnelle (psychologues, sociologues médecins du travail…) a donc été menée pour les questions utiles pour déterminer la population cible, qui a donc été définie par les MCU-PH et les PU-PH. Au total, en France, cette population cible représente entre 5000 et 6000 personnes, dont deux tiers sont PU-PH. Ces professionnels ont donc été soumis à un questionnaire anonyme simple, comportant des questions générales comme l’âge, le sexe, les années d’ancienneté et la discipline exercée. Les régions et sites d’exercice n’ont pas été mentionnés pour éviter les recoupements et préserver l’anonymat. Des questions concernant la vie privée ont également été posées : addiction au tabac, à l’alcool ou aux médicaments, nombre d’heures de sommeil, temps de trajet, qualité de vie. Des points plus précis ont été évoqués comme la présence d’idées suicidaires, ou le harcèlement moral ou physique. Enfin, l’activité professionnelle a été détaillé en évaluant la répartition des activités managériales, de recherche, cliniques, pédagogiques et l’impact sur ces professionnels en termes de sacrifice et de reconnaissance par leurs collègues et le grand public, ainsi que leurs rapports entre eux et avec la direction des établissements.
Une tendance inquiétante à la démission
Le docteur Martin DRES, praticien hospitalier dans le service de Médecine Intensive-Réanimation, de l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, et auteur de ce travail, qui a fait l’objet d’un communiqué de presse, explique que ce travail, initié à l’automne 2021, résulte de l’observation de nombreuses démissions de praticiens hospitalo-universitaires, tant au sein de l’AP-HP que d’autres Centres Hospitaliers Universitaires. Cette tendance inquiétante à la décision de se tourner vers d’autres parcours, même si elle peut avoir des raisons personnelles a été soulignée par plusieurs tribunes, par les Conférences des Doyens et par l’Académie de Médecine. Un mouvement plus important a été rapporté dans la presse. Martin DRES précise que cette étude a été réalisée un an et demi après la première épidémie de COVID, ce qui peut potentiellement représenter un biais, compte tenu des interrogations que se sont alors posées les professionnels de santé sur les modifications de leurs pratiques, leur utilité et leur place au sein du monde sanitaire. Le caractère déclaratif de cette étude, malgré l’excellent taux de réponse et la significativité des résultats, peut également représenter un biais.
L’expression d’un sentiment de sacrifice
Martin DRES expose les résultats de ce travail et souligne l’excellent taux de réponse, puisqu’il est de 45%, ce qui pourrait être expliqué par un réel besoin des professionnels de s’exprimer. Parmi les principaux résultats, les symptômes de burn-out apparus chez 4 professionnels sur 10 est un fait notable puisque cela représente dix fois plus que dans la population générale. L’impact du burn-out est donc très signifiant chez les hospitalo-universitaires. Les plus jeunes en souffrent davantage que les PU-PH ( 47% versus 37%). Cette population universitaire plus jeune a probablement moins de barrières pour s’exprimer et libérer la parole, d’autant plus que les réponses étaient anonymisées. Ceci a également été relevé chez les femmes, l’homme étant sans doute plus contraint par le modèle sociétal. Martin DRES relève un autre point majeur : 99% des praticiens hospitalo-universitaires sont inquiets pour leur retraite et leur angoisse est côté à 9 sur 10, en raison de la contrainte financière. La notion de sacrifice a été évoquée par 9 sujets sur 10 et il est nécessaire de s’écarter de ce repoussoir pour améliorer l’attractivité. De nombreux jeunes praticiens ont échangé sur leur avenir universitaire : 50% d’entre eux disent avoir des doutes, 42% sont encourageants et 8% sont dissuasifs. Beaucoup d’entre eux ont connu des jeunes praticiens ayant abandonné. Martin DRES évoque donc les actions à mener face à de tels résultats et estime que les praticiens hospitalo-universitaires doivent donner l’exemple en abandonnant l’autoritarisme dictatorial et le sacrifice exigé. Leur rôle est de montrer que la vie d’un hospitalo-universitaire peut ressembler à une vie normale, en modulant le temps de travail et pourquoi pas imaginer du télétravail. D’autre part, au niveau institutionnel, une réflexion doit être menée sur la retraite car cette question, même si elle ne préoccupe pas les plus jeunes, revient de plus en plus tôt dans la carrière.
En conclusion, il existe une tendance inquiétante à l’abandon des postes de MCU-PH et PU-PH en raison de leur caractère sacrificiel et à risque de burn-out. Il est urgent de redonner à ces profession une attractivité, tant sur le quotidien que sur la question des retraites, pour stopper l’hémorragie.