Pneumologie
Hypertension pulmonaire : nouvelles tendances et perspectives
Les dernières recommandations ont revu et précisé la définition de l’hypertension pulmonaire ainsi que les algorithmes de traitements en fonction du risque. Des thérapies ciblant de nouvelles voies vont venir modifier les stratégies thérapeutiques et faire espérer une amélioration significative du pronostic encore sombre de la maladie. D’après un entretien avec Olivier SITBON.
Un travail, dont les conclusions sont parues en mars 2022 dans l’European Respiratory Review, a fait le point sur les nouvelles recommandations concernant l’hypertension pulmonaire, tant sur le plan de sa définition que des stratégies thérapeutiques émergentes. Les auteurs ont ainsi pu affiner la stratification des risques, l’importance des comorbidités et les phénotypages. Un diagnostic plus précoce peut donc être envisagé grâce à cette nouvelle définition et les innovations thérapeutiques ont alors toute leur place, au cours de cette maladie, jusque-là caractérisée par une morbidité et une mortalité importantes. Les lignes directrices ont été élaborées par deux sociétés savantes la Société Européenne Respiratoire et la Société Européenne de Cardiologie. Ainsi, de nouvelles tendances modifient le paysage de l’hypertension pulmonaire avec de nouvelles opportunités.
Une révision de la définition
Le professeur Olivier SITBON, pneumologue dans le service de pneumologie et de soins intensifs respiratoires de l’hôpital Bicêtre, et responsable du Centre de Référence de l’Hypertension Pulmonaire, rappelle que les dernières recommandations concernant l’hypertension pulmonaire dataient de 2015. En 2022, l’ERS et l’ESC ont publié de nouvelles guidelines européennes, suite à une revue générale sur l’hypertension pulmonaire et on redéfini cette pathologie sur le plan hémodynamique, en modifiant les seuils. Cela implique un changement de stratégie thérapeutique, liée à une évaluation du risque. De nouvelles molécules, qui sont probablement les traitements du futur, sont en cours d’évaluation. Ainsi, depuis 2022, l’HTP est un syndrome caractérisé par l’augmentation de la pression artérielle pulmonaire moyenne, mesurée par cathétérisme cardiaque droit à plus de 20 mm Hg, au lieu de 25 mm Hg. Plus précisément, on distingue l’hypertension pré-capillaire avec une pression précapillaire supérieure à 20 mm Hg, avec une pression occluse inférieure à 15 mm Hg. La pression vasculaire pulmonaire est donc calculée par le rapport pression artérielle moyenne -pression artérielle occluse sur le débit cardiaque. Cette valeur considérée comme anormale au-delà de 3 dans les anciennes recommandations est désormais anormale au-delà de 2. Concernant la pression post-capillaire, qui correspond à l’insuffisance cardiaque gauche, elle est la conséquence de l’augmentation des pressions télédiastoliques du ventricule gauche qui augmente la pression des veines pulmonaires et provoque une hypertension pulmonaire passive, avec une résistance inférieure à 2. Les formes combinées pré et post capillaires correspondent à une maladie vasculaire pulmonaire associée à une insuffisance cardiaque gauche. Olivier SITBON cite également la réintroduction, dans les nouvelles recommandations, de l’hypertension pulmonaire à l’exercice, mesurée par cathétérisme cardiaque, uniquement dans les centres d’expertise et pour lesquelles il n’existe pas de projet thérapeutique actuellement. Il pose également la question de l’intérêt ou non de traiter les patients ayant une pression artérielle pulmonaire entre 20 et 25 mm Hg.
De nouvelles perspectives thérapeutiques encourageantes
Olivier SITBON explique que les algorithmes actuels évaluent le risque de mortalité en faible, intermédiaire ou élevé et qu’en fonction de ce risque les stratégies thérapeutiques sont mises en place. En cas de risque faible ou intermédiaire, une bithérapie orale est mise en route. En cas de risque sévère, la prostacycline est ajoutée à cette bithérapie. Les patient sont réévalués 3 à 6 mois après le début du traitement et s’ils atteignent un risque faible, celui-ci n’est pas modifié. Pour les autres, le traitement est adapté en fonction du risque, dans l’attente de la transplantation pulmonaire. Olivier SITBON souligne que de récents médicaments cibles de nouvelles voies physiopathologiques, en citant notamment le sotatercept, dont les essais cliniques de phases 2 et 3 ont confirmé l’efficacité. Ce médicament, en bloquant l’activine inhibe la prolifération qui favorise la résistance vasculaire. Une amélioration du test de marche a été observé chez des patients, déjà lourdement traités, ayant reçu le sotatercept. Concernant la tolérance, 10% des sujets ont développé des télangiectasies. Ce traitement permet donc d’être optimiste. D’autres voies thérapeutiques sont en cours d’étude comme les facteurs de croissance, efficaces mais toxiques, ou les inhibiteurs de la thyrosine kinase, qui apporterait une amélioration hémodynamique, ou encore la voie de la sérotonine. Toutes ces nouvelles voies suggèrent que la stratégie thérapeutique de l’hypertension pulmonaire va changer…
En conclusion, les nouvelles guidelines concernant l’hypertension pulmonaire ont permis d’en revoir la définition et d’ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques encourageantes. Des essais cliniques sont en cours et l’espoir du recul de la mortalité ou du recours à la transplantation est aujourd’hui permis.