Cardiologie
Arythmie cardiaque : le café associé à plus d’extrasystoles ventriculaires ?
Le café est souvent reconnu comme un « excitant » mais qu’en est-il vraiment ? Quel rôle dans la survenue de troubles du rythme ? A priori rien n’est certain et d’autres études sont encore à prévoir pour prouver cette particularité liée à la présence de caféine.
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Le café, et surtout la caféine qu’il contient, sont souvent déconseillés chez les personnes à risque de présenter des arythmies cardiaques. Cependant aucune étude fiable n’avait jusque-là trouvé de relation significative entre la consommation de caféine et la survenue d’arythmie. D’autant plus que ces études étaient observationnelles et basées sur une auto-déclaration de la consommation de caféine.
Le café est l’une des boissons plus consommées au monde. Cependant ces véritables effets sur la santé ont été jusque-là très peu explorés. Une équipe américaine s’est donc penchée sur les possibles effets aigus de ce fameux breuvage.
Une étude randomisée et prospective
L’étude CRAVE (Coffe Consumption and Real-Tima Atrial et Ventricular Ectopy) prospective, randomisée et croisées a permis d’examiner les effets du café sur le cœur, l’activité physique, le sommeil et la glycémie.
Pour cette étude CRAVE, ce sont 100 adultes volontaires sains qui ont été partagés en 2 groupes qui pendant 14 jours ont reçu une notification aléatoire chaque soir à 20h leur indiquant soit de consommer le lendemain au moins une tasse de café, soit d’éviter toute produit contenant de la caféine. Une notification de rappel leur était également adressée le lendemain à 8h.
Ils ont été équipés d’un électrocardiogramme à enregistrement continu (Système Zio XT Patch) et d’une montre connectée de type Fitbit permettant le calcul du nombre de pas et la durée de sommeil. Ces 2 système étaient connectés à une application sur smartphone pour chacun des participants qui indiquaient sur cette application sa consommation de caféine.
Une légère élévation du nombre d’ESV
La consommation de café avec caféine serait associée à 58 contractions auriculaires prématurées quotidiennes par rapport à 53 événements quotidiens les jours où la caféine était évitée (rapport de taux, 1,09 ; IC à 95 % [IC], 0,98 à 1,20 ; p=0,10).
La consommation de caféine par rapport à l'absence de caféine a été associée à, respectivement, 154 et 102 contractions ventriculaires prématurées quotidiennes (rapport de fréquence, 1,51 ; IC à 95 %, 1,18 à 1,94), 10.646 et 1.649 contractions ventriculaires prématurées quotidiennes seraient associées à la consommation de caféine par rapport à l'absence de caféine, respectivement.
Le nombre de pas quotidiens était de 10 646 chez le caféinés et 9665 chez les sans caféine (différence moyenne, 1058 ; IC à 95 %, 441 to 1675). Concernant le sommeil, ont été enregistrés 432 minutes de sommeil nocturne chez les consommateurs de caféine et 397 chez les non consommateurs (différence moyenne, 36 ; IC à 95 %, 25 à 47).
Les glycémies étaient, quant à elles, quasi-identiques avec 95 mg par décilitre et 96 mg par décilitre (différence moyenne, -0,41 ; IC à 95 %, -5,42 à 4,60).
Un contrôle maximal des biais
L’âge moyen des participants était de 39 +/- 13 ans, avec 51% de femmes, 51% de sujets blancs non hispaniques et un IMC médian de 24 kg/m2. Les personnes avec un antécédent de fibrillation atriale ou d’insuffisance cardiaque, porteurs d’un pacemaker ou d’un défibrillateur implantable ou sous traitement antiarythmique étaient exclus.
Une analyse génotypique était effectuée pour déterminer le type de métabolisation de la caféine : lente, intermédiaire, rapide. Le critère principal était le nombre quotidien d’arythmie atriale (ESA) et ventriculaire (ESV). Les critères secondaires étaient le nombre quotidien d’arythmie supraventriculaire, de tachycardie ventriculaire, de pas effectués et de troubles du sommeil.
Le respect des consignes a été évalué à l'aide d'indicateurs en temps réel enregistrés par les participants, de sondages quotidiens, du remboursement des reçus horodatés des achats de café et de la surveillance virtuelle (géofencing ou géorepérage) des visites dans les cafés. La compliance des participants a été satisfaisante avec un port médian du patch ECG de 13,3 jours.
Des résultats à confirmer
Cet essai randomisé montre bien une association entre la consommation de caféine et le nombre d’ESV, en particulier chez les métaboliseurs rapides. Cependant aucun effet significatif de la caféine n’a été observé sur le nombre d’ESA, de tachycardie supraventriculaire ou de tachycardie ventriculaire.
En revanche, la consommation de caféine serait associée à une augmentation du nombre de pas quotidiens et à une diminution de la durée de sommeil, en particulier chez les métaboliseurs lents.
Ces résultats doivent être interprétés avec précaution du fait du faible effectif, de la courte durée de suivi ainsi que du type de population composée de volontaires sains, jeunes et sans antécédent cardiovasculaire ou rythmique.
Pour être valable, ces données devront donc être confirmées pour d’autres populations et avec une durée de suivi plus longue avant de conclure à une innocuité prouvée de la consommation de caféine chez les patients.
A noter qu’une étude parue dans JAMA en 2021 et effectué sur 400 000 personnes avec un suivi de 4 ans avait déjà montré que la caféine ne semblait pas augmenter le risque d’arythmie cardiaque.