Rhumatologie
Spondylolisthésis dégénératif : la décompression ferait aussi bien que l'arthrodèse
Les types d’intervention (décompression simple versus décompression + arthrodèse) recommandés par les chirurgiens du rachis, en fonction de différents paramètres cliniques ou radiologiques, ne montrent pas de meilleurs résultats que l’allocation aléatoire du traitement. Une simple décompression, moins invasive, semblerait donc tout aussi efficace pour la plupart des patients.
- Guzaliia Filimonova/istock
Le spondylolisthésis dégénératif se définit par le glissement vers l’avant d’une vertèbre sus-jacente par rapport à celle qui lui est sous-jacente, lié au vieillissement des disques intervertébraux, des facettes articulaires et des ligaments avoisinants. Lorsqu’il s’accompagne d’une sténose canalaire, il engendre des douleurs lombaires et radiculaires, en particulier en position debout ou pendant la marche. Le traitement chirurgical standard consiste en une décompression de la zone sténosée lorsque les symptômes persistent après un traitement conservateur. Cependant, la pertinence d’ajouter une arthrodèse (vis, tiges et greffon osseux) pour stabiliser le segment opéré reste débattue. D’un côté, la fusion pourrait limiter le risque de glissement secondaire et la récidive de la sténose ; de l’autre, elle augmente la morbidité, le coût et comporte des risques d’échec d’implant.
Plusieurs travaux suggèrent qu’une décompression seule est suffisante. Toutefois, on peut supposer qu’un choix personnalisé, guidé par l’expertise du chirurgien et les caractéristiques du patient, pourrait améliorer les résultats cliniques. C’est dans ce contexte que s’inscrit l’étude « NORDSTEN-DS ». Les auteurs ont évalué, chez 222 patients opérés pour un spondylolisthésis dégénératif avec sténose canalaire, si suivre l’avis préopératoire du chirurgien (décompression seule vs arthrodèse) conférait un bénéfice par rapport à une allocation contradictoire (recevoir l’autre option). Le critère principal était l’amélioration d’au moins 30 % à deux ans sur l’Oswestry Disability Index (ODI). Les résultats, publiés dans The JAMA Nework, montrent un taux de succès global de 75 % dans le groupe « concordance » (traitement conforme à la recommandation) contre 73 % dans le groupe « discordance », soit une différence de 2,4 points de pourcentage (IC à 95 %, –9,1 à 13,9).
Pas de bénéfice apparent de l’arthrodèse par rapport à la décompression simple
Parmi les 222 patients inclus (70 % de femmes, âge moyen 66,2 ± 7,7 ans), 112 avaient un profil pour lequel le chirurgien préconisait une simple décompression, tandis que 110 étaient jugés plus susceptibles de bénéficier d’une arthrodèse. En pratique, 59 patients ont effectivement reçu une décompression isolée et 57, une arthrodèse conformément aux vœux du chirurgien.
Les analyses secondaires (Zürich Claudication Questionnaire, scores de douleur lombaire et radiculaire, échelle EuroQol 5-Dimension) corroborent globalement l’absence de bénéfice additionnel de l’arthrodèse dans le groupe « concordance ». Les analyses révèlent néanmoins que la préférence du chirurgien pour une arthrodèse est souvent associée à un glissement vertébral plus important ou à un angle d’instabilité plus marqué en flexion-extension [25,30].
Sur le plan de la tolérance, il n’a pas été mis en évidence de hausse notable de complications dans un groupe par rapport à l’autre, bien que le risque opératoire et le coût du matériel restent plus élevés en cas d’arthrodèse. La question du taux de réinterventions demeure ouverte : l’étude n’était pas conçue pour comparer finement ce paramètre, et un suivi à plus long terme pourrait être nécessaire pour déceler d’éventuelles différences de durabilité.
Une analyse de concordance en complément d’une étude randomisée
Ces données proviennent d’une étude de cohorte réalisée en parallèle du volet randomisé du NORDSTEN-DS trial, mené dans 16 centres norvégiens. Avant la randomisation, chaque chirurgien spécifiait son option préférentielle pour chaque patient, puis l’algorithme d’inclusion pouvait attribuer l’un ou l’autre des deux traitements à chaque patient, indépendamment de l’avis du chirurgien. Les analyses comparent donc les cas où l’avis de l’opérateur a été respecté (groupe « concordance ») à ceux où il a été contredit (groupe « discordance »).
Cette approche a l’avantage de refléter le raisonnement clinique habituel du chirurgien (morphologie vertébrale, troubles mécaniques, comorbidités...), tout en respectant la répartition aléatoire. Toutefois, l’absence de réponse pour 15 % des patients et le fait que certaines équipes privilégient systématiquement la décompression seule soulèvent la question d’un léger biais de sélection. L'un des principaux arguments en faveur de la décompression associée à une arthrodèse dans le traitement du spondylolisthésis est la durabilité de l'intervention, en particulier dans le cas d'un spondylolisthésis instable : l'essai SLIP a montré que les taux de réopération avaient progressé dans une cohorte de patients ayant eu recours uniquement à la décompression au bout de quatre ans.
En pratique
Ces résultats confortent l’idée qu’une simple décompression peut se révéler suffisante pour la majorité des patients, indépendamment de l’opinion initiale du chirurgien. Bien que l’expertise clinique de celui-ci reste cruciale, aucune variable disponible actuellement (instabilité dynamique, degré de listésis...) n’a pour l’instant été identifiée comme modifiant de façon décisive l’efficacité relative de la fusion. L’implémentation de ces données en routine pourrait encourager un usage plus sélectif de l’arthrodèse, limitant ainsi l’extension des procédures et les coûts associés.
D’après les auteurs, les recherches devraient désormais porter sur l’identification de sous-groupes particuliers de patients avec spondylolisthésis dégénératif, susceptibles de plus bénéficier d’une arthrodèse (par exemple, listésis très avancé, scoliose associée, troubles foraminaux sévères….). Enfin, l’évaluation à plus long terme, notamment du taux de réinterventions, pourrait affiner encore les indications opératoires dans le spondylolisthésis dégénératif.